Ce mois-ci, Urban Comics a encore frappé un grand coup en rééditant une autre grande saga de l’univers du
Chevalier Noir :
Batman Silence (
Batman Hush en VO). Une réédition qui s’impose comme l’occasion idéale pour (re)découvrir cette histoire, devenue un classique.
L’histoire est écrite par Jeph
Loeb , très connu des Batfans pour les sublimes
Un Long Halloween et
Amère Victoire. Actuellement, le scénariste travaille chez Marvel et est en charge de la série
Nova. Pour l’éditeur, il a aussi œuvré sur
The Ultimates et l’univers de
Hulk mais nous n’allons pas nous étendre sur ces récits qui ne sont pas les meilleures réalisations de notre homme.
Quant aux dessins, ils sont gérés par le grand, le talentueux, l’incroyable, l’inégalable Jim Lee. Comme nous le verrons plus tard, notre homme se surpasse sur cette œuvre. Actuellement, il travaille sur une nouvelle série
Superman avec Scott Snyder et il est connu pour avoir œuvré sur les séries
X-Men et
Justice League.
« Mais Clark n'est pas là, et le gamin devra se contenter de moi. Parce qu'on est à Gotham. Et c'est aussi bien » / Batman.
Evidemment, Panini Comics avait lui aussi auparavant réédité cette histoire en une édition
DC Deluxe (qui n’était qu’à 28 € au lieu des 35 demandés actuellement par Urban). Mais aujourd'hui elle est introuvable et de ce fait, cette réédition d’Urban Comics arrive comme une aubaine pour ceux qui veulent découvrir cette saga ou qui cherchent un point d’entrée dans le Batverse. Car oui, l’uns des intérêts de ce récit est qu’il est très accessible pour les novices. En effet, tout au long des 12 chapitres, de nombreux personnages nous sont présentés et
Loeb s’amuse à réutiliser les grands évènements survenus dans la vie du
Chevalier Noir pour mener à bien son récit. Ainsi, le lecteur a droit à de nombreuses explications (qui ne sont pas pour autant barbantes et qui servent bien le récit) soit par le biais de dialogues, de pensées des personnages ou même de flashbacks. Des explications qui lui permettent ainsi de se familiariser facilement avec l’univers du
Chevalier Noir et de l’aborder en douceur et d’en acquérir des bases solides.
Après, certes, comme nous l’avions évoqué ci-dessus, l’édition n’est pas donnée et il vous faudra débourser la « modeste » somme de 35 €. Un prix qui n’est pas forcément accessible et qui de surcroît, est plus élevé, que celui de Panini. Néanmoins, contrairement à son prédécesseur, Urban inclut une soixantaine de pages contenant de nombreux bonus tirés de l’Absolute VO, tels des croquis préparatoires, des esquisses et également de multiples interviews en tout genre. Un véritable must pour les fans de cette histoire et aussi les fans de Jim Lee qui ont ainsi l’occasion de suivre les différentes étapes du dessinateur lors de la création de ses planches. Quant à l’édition, elle est aussi très soignée : belle couverture, bonne traduction (néanmoins identique à celle de Panini) et comme toujours, une petite présentation de l’équipe éditoriale. Néanmoins, tout ceci justifie-il vraiment le prix ? Cela, c’est à vous de le voir…
« Si détective, c’était simple, tout le monde y jouerait… » / Batman
Tout d’abord, ce récit a une structure très similaire à deux autres grands classiques de Jeph
Loeb :
Un Long Halloween et
Amère Victoire. En effet, Jeph
Loeb réutilise la recette qui a fait son succès des années plus tôt et nous sert une intrigue policière où Batman mène une vaste enquête dans le but de rechercher un mystérieux criminel. On a ainsi le droit à une intrigue complexe, élaborée et
Loeb s’amuse à multiplier les fausses pistes, à entretenir le mystère et à cultiver intelligemment la révélation du mystérieux
Silence qui s’avère, au final, être un ennemi très charismatique. En effet, Jeph
Loeb a réalisé du très bon travail sur ce personnage et a fait son possible pour le rendre menaçant, dangereux et aussi terriblement mystérieux. La révélation de son identité en surprendra plus d’un, même si ses motivations et ses objectifs restent assez obscurs et auraient mérité d'être détaillés.
Batman est donc plongé dans une palpitante enquête policière mais cette enquête lui donne également l’occasion de croiser de nombreux personnages bien connus de son entourage. Une nouvelle fois, Jeph
Loeb reprend les ingrédients qui ont fait son succès et s’amuse à utiliser à sa guise l’entourage du
Chevalier Noir et ainsi, tout au long des douze chapitres apparaissent ses alliés mais aussi ses ennemis les plus emblématiques. La galerie de personnage est impressionnante et s’étend de Killer
Croc à Superman, en passant par
Robin , Ivy ou encore le
Joker . Quasiment personne n’est oublié et chaque personnage du Batverse a droit à son petit numéro de gloire, certains avec plus d’importance que d’autres. Ce qui fait plaisir, c’est que tous ces personnages sont extrêmement bien écrits et qu’on a droit, par le biais de flashbacks, de dialogues ou de voix off, à de nombreuses informations sur eux. Ce qui permet, comme nous l’avons dit précédemment, de rendre la lecture très accessible y compris aux novices.
Certes, la présence de tant de personnages a fait débat et beaucoup ont souligné les facilités et les longueurs dans le scénario ainsi que certains passages inutiles (telle l’escapade à Metropolis). Enfin, beaucoup jugent également que l’histoire ne se résume qu’à un enchaînement de super-vilains. J’avoue ne pas être totalement d’accord avec ces critiques. D’abord, la présence de facilité et de longueur est indéniable et certains chapitres auraient mérité d'être revus voire raccourcis. De plus, le sentiment de redite par rapport à
Un Long Halloween et
Amère Victoire peut également se faire ressentir. Ensuite, évidemment, l’histoire fait très blockbuster et la formule du « Bigger, Better, Badder » pourrait être utilisée pour en caractériser certains passages. Le rythme est très rapide et notre
Batman en voit de toutes les couleurs mais globalement, je trouve que la présence de vilains s’intègre correctement à l’intrigue. Tous ont leur rôle à jouer et certes, l’histoire apparaît vite comme très décousue mais lors des derniers chapitres, c’est tout un puzzle qui s’assemble et on se rend compte que l’histoire était en réalité bien plus complexe que ce qu’il n’y paraissait.
« Tous les criminels sont lâches et superstitieux. Pour les effrayer, je suis devenu une créature de la nuit. Ce faisant, je suis devenu, comme les autres monstres… seul ? » / Batman.
Là où Jeph
Loeb excelle également c’est dans les relations entre les personnages. Le tout est une nouvelle fois très soigné et l’auteur s’amuse à nous montrer la manière dont
Batman interagit avec ses alliés, ses ennemis, son entourage et la manière dont il les considère. Nous avons ainsi droit à des passages palpitants et assez émouvants. J’avoue avoir retenu ma larme lors des scènes entre
Batman et Gordon mais également frissonner lors de celles entre
Batman et le
Joker . En effet, Loeb arrive parfaitement à retranscrire l’animosité qui anime le
Chevalier Noir et le Clown Prince du Crime et offre un très bon chapitre consacré aux deux personnages. L’occasion pour lui de revenir sur un thème phare de ses précédentes œuvres : la notion de
Justice , de morale et de ligne à ne pas franchir.
Malgré tout, l’histoire se focalise sur un duo : celui formé par
Batman et
Catwoman .
Batman : Silence s’attarde sur leur histoire d’amour, leur jeu de séduction et outre l’intrigue policière, c’est aussi une intrigue amoureuse qu’écrit Jeph
Loeb . Une relation qui est bien mieux gérée que celle exposée dans les
New52 (ce qui n’est pas très dur en même temps) et qui permet enfin aux deux tourtereaux de passer au stade supérieur et d’arrêter de jouer au jeu du chat et de la souris. Malgré tout, plutôt que de livrer une banale histoire d’amour, Loeb s’attarde sur les soucis de notre
Chevalier Noir : peut-il véritablement faire confiance à son ancienne ennemie ? Peut-il la faire entrer dans sa vie, dans son monde ? Une relation qui permet à Loeb d’aborder la solitude à laquelle est confronté le justicier et à remettre en avant le thème de la double-identité du héros.
« Au fond, Clark est un homme bon et je ne le suis pas » / Batman.
Batman : Silence s’attarde également sur l’amitié entre
Batman et
Superman , l’autre grande icône de DC Comics. Si le chapitre introduisant l’Ange de
Metropolis n’est pas forcément utile, il a tout de même le mérite d’être bien écrit. Evidemment, on ne pas nier le côté « fanboy » de ce passage qui voit
Batman se confronter à Superman (malgré tout, le duel est très bien réalisé) mais une nouvelle fois, Loeb surprend et met en évidence le contraste séparant les deux héros. Leur personnalité, leur ville, leur petite amie (Catwoman et
Lois Lane )… tout les oppose mais pourtant, ils sont amis et arrivent quand même à collaborer.
« J’ai enterré trop de gens » / Batman.
Avec
Batman : Silence, Jeph
Loeb également explore le passé de l’homme chauve-souris. Or, plutôt que de se focaliser de nouveau sur ses origines, l’auteur préfère revenir sur l’enfance du héros et met en scène un enfant joyeux qui n’a pas encore été bouleversé par la mort de ses parents. Un choix très intéressant dans le sens où Loeb approfondit des zones méconnues de l’histoire de
Bruce Wayne mais surtout, il humanise notre personnage. Ces scènes sont très réussies d’autant que l’auteur en profite également pour y introduire un nouveau personnage : le meilleur ami d'enfance de
Bruce Wayne ! Rien que cela, me direz-vous ! Un personnage lui aussi très humain, très intéressant mais également totalement différent de
Bruce Wayne . Leur amitié est très bien gérée par Jeph
Loeb qui montre également l’impact des années, des choix de Bruce dans leur relation. Une nouvelle fois, notre homme montre sa maîtrise des relations entre les personnages avec ce point.
Bien sûr, le
Batman de Jeph
Loeb est sombre, très sombre. Tout d’abord, il en voit de toutes les couleurs dans cette histoire et semble véritablement en grande difficulté, comme s'il avait pour la première fois trouver plus fort que lui (une dimension que réutilisera également Grant Morrison pour son génial
Batman RIP). L’auteur met donc en scène un héros qui doute, un héros qui doute du bien-fondé de sa croisade, de ses choix, de ses alliés mais aussi de lui-même ! De plus, si dans
Un Long Halloween et
Amère Victoire, Loeb montrait les doutes d’un jeune
Batman , il met cette fois-ci en scène un héros bien plus expérimenté et montre l’impact qu’ont eu toutes ses années de combat contre le crime sur lui. Tout au long de l’histoire, le lecteur suit
Batman qui revient sur les grands faits de sa carrière : ses réussites mais aussi ses échecs. Des échecs qui l’ont fortement marqué et qui n’ont fait que le rendre plus déterminé, plus sombre et encore plus solitaire. Parmi tous ses échecs, Jeph
Loeb en approfondit un en particulier : la mort de
Jason Todd .
« Jason n'a jamais été aussi doué que Dick. Le laisser porter le costume fut une terrible erreur » / Batman.
La mort de
Jason Todd est en effet évoquée à de nombreuses reprises au cours de l’histoire et un chapitre y est d’ailleurs entièrement dédié. Ces passages se révèlent très bien écrits et terriblement émouvants. Loeb met véritablement en scène l’évènement qui représente le plus grand échec de
Batman et montre que même des années après, le justicier reste encore profondément atteint par cette tragédie, ce qui peut expliquer une telle férocité, une telle détermination mais également une telle noirceur dans sa lutte contre le crime. Une idée brillante de la part de Jeph
Loeb donc qui montre, une nouvelle fois, toute sa maîtrise de l’univers du héros et qui remet sur le devant de la scène cette tragédie, presque oubliée de tous à l’époque, permettant ainsi de donner une dimension plus dramatique, plus humaine à notre héros favori.
« J’ignore comment mais je ne vous laisserai pas détruire votre vie » / Jim Gordon.
Enfin, terminons en évoquant les somptueux dessins de Jim Lee. Bon, j’avoue, j’ai d’emblée donné le ton avec le « somptueux » mais moi, je suis conquis par Lee. Ce n’est un secret pour personne sur MDCU : je suis un fervent admirateur et défenseur de l’artiste et je le considère comme l’un des meilleurs du milieu. D’ailleurs, n’hésitez pas à lire
cet article qui lui est consacré.
Jim Lee rend véritablement honneur à l’histoire de Jeph
Loeb et livre un travail remarquable. Ses planches sont dynamiques, précises, flamboyantes et les combats sont eux aussi superbement mis en scène. L’esquisse des personnages reste particulièrement réussie mais surtout, Lee retranscrit parfaitement l’univers sombre et malsain du
Chevalier Noir à travers un jeu de contraste et de couleur impressionnant. Evidemment, il faut souligner l’excellente colorisation d’Alex Sinclair qui ne fait que renforcer cet effet. Les pages dédiés à Metropolis sont elles aussi très réussies et Lee met parfaitement en image l’opposition entre la cité de
Superman et la ville du
Chevalier Noir . Mais surtout, les scènes les plus réussies restent celles se focalisant sur les flashbacks. La technique de l’aquarelle permet de livrer des pages en toute sobriété et possédant une identité propre. La différence avec le reste du récit est ainsi fortement ancrée et permet au lecteur de ne pas s’égarer en route. Une franche réussite !
Ainsi, Batman : Silence s’impose comme un incontournable en matière de Chevalier Noir . Récit très accessible, il n’en présente pas moins une intrigue solide et un travail sur les personnages très abouti et ceci malgré les quelques facilités présentes dans le scénario. Et que dire des dessins de Jim Lee qui sont eux aussi magnifiques.
[conclusion=4,5][/conclusion]
[onaime]- Une prestigieuse édition avec de nombreux bonus.
- Une œuvre très abordable y compris aux novices.
- Une palpitante intrigue et un vrai mystère à résoudre.
- Le personnage de
Silence .
- Les duos
Batman /Catwoman, Batman/Superman et
Batman /Joker.
- Une bonne utilisation de l’univers de
Batman .
- Un
Batman très sombre qui en voit de toutes les couleurs.
- Les dessins de Jim Lee.[/onaime][onaimepas]- Des facilités dans le scénario et des situations vite expédiées.
- Le prix, pas forcément abordable.[/onaimepas]
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