Énième adaptation des comics de Kevin Eastman et Peter Laird, Ninja Turtles : Teenage Years ou Teenage Mutant Ninja Turtles : Mutant Mayhem outre-Atlantique semble avoir appris des films Spider-Verse. J’y reviendrai un peu plus tard, mais il est clair que Paramount et Nickelodeon ont décidé de sortir le grand jeu pour le long métrage réalisé par Jeff Rowe et Kyler Spears, le tout écrit et produit par Seth Rogen et Evan Goldberg (connus pour être impliqués dans les séries Invincible et The Boys notamment).
Mais malgré une volonté très évidente de bien vouloir faire les choses, est-ce que le film réussit son pari ? La réponse, tout de suite.
Avant de commencer, je tiens à préciser que je ne suis pas un expert des Tortues Ninja. J’ai regardé quelques épisodes de diverses adaptations au fil des années, principalement la série animée de 2012 et les films live-action des années 2010 (oui oui je sais que je pourrais faire mieux). Gravitant dans le monde des comics, je suis également au courant du matériau de base (une parodie de Daredevil ) et de quelques éléments de lore de cet univers.
Bon, on ne va pas tourner autour du pot plus longtemps, le film est beau. On n’atteint pas pour moi les fulgurances des films Spider-Verse mais il faut souligner également que le film sur les Tortues n’essaie pas de recopier le film sur l’Araignée. La direction artistique penche plus sur un style de peinture à l’huile assez unique pour une production ciblée pour les jeunes. Je ne peux donc que souligner le courage de proposer un nouveau style graphique propre au film et qui diffère de ce que fait la concurrence. Au-delà de la direction artistique, le travail de l’animation et de la mise en scène est tout aussi convaincant. L’animation, qui est réalisée en France d'ailleurs, permet de bien retranscrire les émotions des personnages, et les mimiques propres à chacun, tout aussi bien que les scènes d’actions qui ne manque pas de fluidité et d’impact. Tout ça pour dire que techniquement parlant, le film est très bien ficelé et il est difficile d’aller trouver un défaut majeur dans tout ça. On peut bien sûr ne pas aimer, mais nier la qualité du travail des équipes serait injustifié.
Je tiens également à faire une parenthèse sur les conditions dans lesquelles le long-métrage à été réalisé. Les animateurs ont pu bénéficier d’un rythme de travail respectueux de leur talent et de leur santé. En effet, là où bon nombre de studios d’animations se trouvent épinglés pour des pratiques de management tyrannique, où les heures supplémentaires à outrance sont la norme, poussant les équipes à bout, le processus de ce film s’est fait dans un environnement de travail sain. Et au vu de la qualité du film, il est la preuve qu’on peut fournir un excellent film sans exploiter ses équipes.
Alors que les scénaristes et les acteurs à Hollywood sont en grève, les artistes des effets numériques et du milieu du jeu vidéo seront potentiellement les prochains à remettre en question leurs conditions de travail. Qui sait, peut-être que les animateurs feront de même ? Je finirai cette (trop) longue parenthèse sur le fait que le travail des artistes est irremplaçable et souvent mal rémunéré, même dans le milieu des comics, il n’y a qu’à constater le nombre de scénaristes et artistes de comics à peine crédités sur des projets aux revenus pharaoniques pourtant fortement inspirés de leur travaux.
Bref revenons au film ! L’aspect technique est très bon certes, mais un très beau film sans cœur n’est pas très marquant. Heureusement il n’y pas trop de soucis à se faire, mais si tout n’est pas parfait. Le casting fonctionne très bien. Ayant vu le film en VO pour ma part, je ne peux pas commenter sur la qualité de la VF. Avoir engagé des adolescents pour jouer… eh bien des tortues adolescentes est une très bonne idée et on a vraiment l’impression que les quatres frères sont des jeunes de notre époque. Ils utilisent les mêmes téléphones que nous, regardent les mêmes séries... à chaque génération leurs Tortues et cette version ne fait pas exception.
On frise parfois la surenchère de références à certains produits actuels mais globalement les tortues en elle même sont un peu bizarres et juvéniles (des adolescents en fin de compte) mais drôles et attachants de par leur naïveté, enthousiasme et complicité. Contrairement à d'autres versions des personnages, nos personnages principaux veulent activement rejoindre le monde des humains, et cela a le mérite de renouveler certains aspect de cet univers. April et Splinter ont eux aussi droit à des développements de personnages réussis, qui ne sont pas certes très originaux et qui sont plus en retrait mais qui ne viennent pas ralentir le reste du film.
Quant au reste des personnages, tous doublés par de gros noms (en VO du moins) d’Hollywood, ils ont tous chacun une particularité qui sert à les séparer les uns des autres et à les humaniser. Ce dernier point est important car il contient le message principal du film. Le récit est en effet avant tout un récit d’intégration et d’acceptation. Les Tortues veulent être acceptées parmi le monde des humains mais April aussi veut trouver sa place dans ce monde terrible et impitoyable qu’est le lycée. La résolution du problème des New-Yorkais un peu bateau mais le travail sur les personnages et sur l’humour durant tout le long-métrage suffit à s’investir dans la situation même si cette dernière n’est pas toujours très bien structurée ou résolue.
A l'inverse, Superfly, le grand méchant du film, veut adapter le monde à son espèce, celle des mutants. Un sentiment de marginalisation abordé sous deux angles différents, montrant les deux côtés d’une même pièce. Les similarités entre Splinter et Superfly symbolisent également un point intéressant du film : peu importe que nous soyons un humain ou un mutant, on ne peut pas vivre éternellement isolé de tout le monde.
Le groupe des mutants est d'ailleurs une bonne idée comme premiers antagonistes principaux. Pas de Shredder ou de Clan des Foot cette fois-ci, et on ne peut apprécier une certaine prise de risques dans ce choix. Superfly, ici leader des mutants, est bien mis en avant avec une mise en scène assez terrifiante qui nous montre la dangerosité de la menace pour nos héros. Le reflet sombre des Tortues et de Splinter sert pertinemment le message du film et permet de faire connaitre d'autres recoins de l'univers des Tortues Ninjas, même si le reste du groupe des mutants est moins développé que le reste des personnages.
La fin du film nous montre qu’il faut s’accepter tel quel, et que l’héroïsme n’est pas un simple moyen pour être apprécié, mais plutôt la bonne chose à faire même sans récompenses. Un message simple certes, mais qui est bien traité et qui mérite d'être porté.
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