Millarwold : la genèse d'un label pas comme les autres

Millarwold : la genèse d'un label pas comme les autres

Comme annoncé il y a déjà quelques jours, la rubrique Aire de jeux a laissé sa place à une nouvelle rubrique qui, elle aussi, aura un nouveau numéro chaque vendredi. Cette fois, on se concentrera un peu plus sur les comics avec une rubrique autour du Millarworld. Elle sera tenue d'une main de maître par AFA et elle commence... maintenant !

Comme vous le savez sans doute, Mark Millar a vendu en 2017 les droits de son label Millarworld à Netflix pour que la plateforme adapte ses comics en films ou séries télévisées. C'est un coup magistral pour l'auteur dont plusieurs de ses oeuvres ont déjà connu une adaptation sur grand écran comme Wanted, Kick-Ass ou encore Kingsman.
Si pour l'instant nous n'en savons pas beaucoup plus sur les projets de Netflix, ce rachat est pour nous l'occasion d'explorer le Millarworld à travers une chronique qui présentera chaque semaine un titre différent de ce label unique dans le monde des comics. Mais, avant de passer les séries en revue, intéressons-nous à Mark Millar et à la genèse de sa ligne de comics.

Au fait, qui est Mark Millar ?

C'est un scénariste écossais qui, comme la plupart de ses confrères britanniques, a fait ses débuts chez 2000 AD, puis chez Vertigo, le label pour adulte de DC. S'il fait ses premières armes aux Etats-Unis sur diverses séries DC, c'est en prenant la suite de Warren Ellis sur Authority chez Wildstorm qu'il se fait un nom. Sa prestation remarquable et remarquée montre à quel pont Millar n'a pas froid aux yeux. Entre ultraviolence et politiquement très incorrect, il impose un style provocateur et efficace qui deviendra sa marque de fabrique...


The Ultimates, le titre qui a révolutionné l'industrie du comic... et du cinéma

Fort de ce succès, il débarque chez Marvel chez qui il lance Ultimate X-Men. Mais la consécration viendra avec The Ultimates, la version ultimate des Avengers.
A l'époque, la bande de Captain America végétait complètement et vivait à l'ombre des grosses franchises de Marvel comme les X-Men et Spider-Man. The Ultimates allait révolutionner non seulement Marvel mais aussi l'industrie des comics et du cinéma. En 13 épisodes magnifiquement illustrés par Bryan Hitch dans un style très cinématographique (et une suite de la même qualité), Millar réinvente l'équipe des plus grands héros de la Terre. Entre traitement adulte, forte politisation (nous sommes alors dans les années Bush) et action à très grand spectacle, il définit la nouvelle norme pour les comics de super-héros du 3e millénaire.

Mais son autre objectif sera de fournir un matériau facilement adaptable au cinéma, allégé de 40 ans de continuité et de la naïveté des premiers comics. Pour cela, il va jusqu'à attribuer des visages d'acteurs à certains personnages. C'est ainsi qu'il attribue à Nick Fury les traits de Samuel Jackson.
Plébiscité par la critique et le public, The Ultimates servira de base au film The Avengers, comme l'avait souhaité l'auteur écossais. Et vous aurez deviné quel acteur a été choisi pour interpréter Nick Fury. Le film The Avengers sera un véritable triomphe qui assurera la pérénité des Studios Marvel et fera du film de super-héros la nouvelle martingale d'Hollywood.
Bref, si vous croulez aujourd'hui sous les adaptations de comics à la télé ou au cinéma, c'est en partie à Millar que vous le devez.


Civil War : la plus grande saga Marvel

Loin de se reposer sur ses lauriers, il enchaîne chez Marvel les projets à succès : Marvel Knight Spider-Man , les Marvel Zombies dans Ultimate Fantastic Four, Wolverine : Ennemi d'Etat ou encore Old Man Logan . Mais son plus gros coup consiste à redéfinir les bases de l'univers Marvel à travers le plus gros événement qu'ait connu la Maison des Idées : Civil War. Cette mini-série en 7 épisodes, dessinée par Steve McNiven, divise les super-héros en deux factions : ceux qui acceptent de travailler pour l'État et ceux qui refusent, devenant hors-la-loi. Ces derniers seront poursuivis par leurs camarades enregistrés auprès de l'Administration.
Le retentissement sur l'ensemble des titres Marvel est immense, chaque héros devant choisir son camp. L'impact sur le public est également inédit. Les fans se déchaînent et les ventes explosent. Nous sommes en 2007 et Civil War devient le comic book le plus vendu de la décennie.

 

La naissance du Millarworld

Mais Millar ne se contente pas d'écrire, il anticipe les évolutions du marché et place vite ses pions pour en tirer le meilleur parti. Ainsi, comprenant qu'il lui faut capitaliser sur son nom, il crée vers 2004 quatre titres qu'il lance quasi-simultanément chez 4 éditeurs différents : The Unfunnies, Wanted, War Heroes et Chosen. C'est la création de la ligne Millarworld dont le titre en dit long sur l'égo de l'auteur.
Le principe est simple : Millar signe des mini-séries sans lien entre elles mais chacune ayant un concept fort et accrocheur et illustrée par un artiste différent. L'ambition est ici encore de fournir à Hollywood de la matière première directement transposable sur grand écran. Mais, à la différence de The Ultimates, Millar possède ici les droits de ses créations. Autrement dit, en cas d'adaptation, c'est le jackpot assuré.

  

Le lancement du Millarworld ne rencontre pas un immense écho du fait que les 4 titres sortent chez de relativement petits éditeurs (Avatar Press, Dark Horse Comics...). C'est Wanted qui obtiendra le plus de reconnaissance. Sortie chez Top Cow et magnifiquement illustrée par J. G. Jones, la série est le prototype réussi de ce que sera la suite du Millarworld : des histoires capables de toucher un large public et llustrées par des stars des pinceaux. La formule est gagnante puisque Wanted sera adaptée sur grand écran en 2008.


Second départ et réussite du Millarworld

2008 est également l'année de sortie du nouveau projet de Millar sous la bannière du Millarword. Il s'agit de Kick-Ass, dessiné par John Romita Jr. Cette fois-ci, Millar choisit de le sortir chez Icon Comic, le label creator owned de Marvel. Là encore, Millar réussit son pari. La mini-série est un tel succès que deux titres et une série dérivée (Hit-Girl) suivront tandis que deux adaptations cinématographiques consacreront le tout.

  

Dès lors, Millar se consacre principalement au développement du Millarworld, toujours chez Icon qui lui offre la puissance marketing de Marvel. Il multiplie les mini-séries en recrutant les plus grands noms pour les illustrer.
Pour les séduire, il a un argumentaire imparable. Comme il l'expliquait dans Comic Box 100, il paie les artistes au même niveau que Marvel ou DC et leur accorde 50% des droits. Ils peuvent ainsi travailler sur des projets qui leur appartiennent, qu'ils aiment, sans deadline éprouvantes et avec le scénariste le plus bankable de l'industrie. Autant dire qu'aucun dessinateur ne lui a dit non pour l'instant.


Des titres en cascades

Après avoir sorti Nemesis avec Steve McNiven, Superior et Supercrooks avec Leinil Francis Yu, The Secret Service (Kingsman) avec Dave Gibbons et Empress avec Stuart Immonen chez Icon Comic, il a progressivement basculé sa production chez Image Comics : MPH avec Duncan Fregedo, Chrononauts avec Sean Gordon MurphyStarlight avec Goran ParlovHuck avec Rafael Albuquerque, Reborn avec Greg Capullo, Jupiter's Legacy et Jupiter's Circle 1 et 2 avec Frank Quitely.
Réservant actuellement sa production à Image, il vient d'ailleurs de rapatrier chez cet éditeur Kick-Ass et son spin-off Hit-Girl dont il écrit actuellement de nouveaux volumes. Alors qu'il confie désormais l'écriture des suites de ses oeuvres à d'autres équipes artistiques (Kingsman ou encore un annual avec différentes histoires courtes reprenant ses personnages..), il travaille actuellement avec Olivier Coipel sur The Magic Order, premier titre annoncé depuis le rachat du Millarworld par Netflix.

  

 

Millar, un parcours inégalé

Aujourd'hui, de nombreuses adaptations de ces séries sont actuellement en production, y compris ailleurs que chez Netflix. Continuant à écrire et créer de nouvelles séries, Mark Millar continue de développer ce qui va devenir un empire qu'il aura bâti à partir de rien.
Scénariste controversé, il est non sans raison accusé d'abuser de la provocation gratuite ou de tomber parfois dans la facilité. Mais il faut reconnaître qu'outre ses talents d'écriture, il a su se montrer visionnaire et s'est imposé comme un businessman redoutable. Parmi ses exploits, on peut citer le fait d'avoir été décoré par la reine Elizabeth II et d'avoir été consultant pour la Fox pour les adaptions des titres Marvel. Mais il a surtout accompli ce qu'aucun auteur de comics n'avait réussi avant lui : créer en un peu plus d'une décennie une série de franchises multimédia dont il possède les droits. Son secret ? En affaire comme en écriture, il ne manque pas d'audace ni d'ambition.

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