Tandis que la série [i]Batman Incorporated[/i] débarque dans les kiosques (le début de la série, post-reboot, arrive en effet dans le deuxième numéro de [i]Batman Saga HS[/i]), Urban Comics continue de rééditer le run colossal de Grant Morrison sur le personnage. En effet, juin a vu la sortie du cinquième tome de la collection [i]Grant Morrison Présente Batman[/i], tome dédié à la saga [i]Le Retour de Bruce Wayne[/i].
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A l’instar du quatrième volume, ce tome vous propose une petite coupure par rapport à l’histoire principale, jusqu’alors focalisée sur le nouveau Dynamique Duo, Dick Grayson (Batman) et Damian Wayne (Robin) et s’intéresse à Bruce Wayne, alors perdu dans le temps suite à sa confrontation contre Darkseid (qui a eu lieu lors de [i]Final Crisis[/i] et qui vous avait été récapitulée dans le troisième tome). Le principe de cette saga est simple : Bruce Wayne remonte le temps et traverse les époques pour retourner chez lui. Six numéros, six époques différentes mais aussi six dessinateurs et de nombreuses apparitions de personnages de l’univers DC et du Batverse. Morrison s’attèle donc à un exercice doublement difficile : ramener Bruce Wayne sur le devant de la scène de manière crédible mais aussi mener à bien une histoire atypique et différente de ce que l’on a vu jusqu’ici avec le personnage. Le bilan de tout cela ? On a droit à un Morrison dans toute sa splendeur (pas forcément un argument en la faveur de l’auteur) et de ce fait à de gros mal de tête… Préparez vos aspirines car vous allez en avoir besoin.
En effet, cette saga transpire vraiment la « masturbation intellectuelle » ! Pardonnez-moi ce terme vulgaire mais je pense que c’est celui qui la qualifie le mieux. En effet, mettre en avant un Bruce Wayne perdu dans le temps était vraiment une idée intéressante, mais Grant Morrison a de nouveau voulu en faire trop et a tenté de revisiter toute la mythologie du personnage. Au final, il livre un récit particulièrement complexe et difficile à comprendre et ceci y compris pour les inconditionnels de Batman comme moi. Je ne veux pas vous décourager mais si vous trouviez que [i]Batman : RIP[/i] était difficile d’accès et de compréhension, bah laissez-moi vous dire que c’est encore pire ici… Alors certes, je suis entièrement d’accord avec le fait que cet aspect puisse constituer une force pour le récit. Moi-même, je suis un grand défenseur des histoires qui font réfléchir et sur lesquelles il faut se creuser les méninges et je reconnais aussi adorer Grant Morrison, mais là, il en fait bien trop. Une nouvelle fois, il se laisse entrainer par ses envies (ou ses délires, appelez cela comme vous voulez) et en délaisse le lecteur qui se retrouve souvent perdu devant sa narration si difficile à suivre.
Difficile à lire certes mais nous noterons qu’il existe des lectures complémentaires à l’œuvre. Ainsi, [i]Times Masters : Vanishing Point[/i] est une excellente mini-série (malheureusement inédite en VF) qui complètement très bien cette dernière et qui se focalise sur une poignée de héros (dont je tairai les noms) partie à la recherche du héros.
Or, si ce sentiment de « je suis totalement perdu dans les délires de Morrison » revient souvent au fil de cette lecture, force est tout de même de constater que cette dernière n’est pas désagréable.
Tout d’abord, ceux qui aiment réfléchir et se creuser les méninges vont être servis au-delà de leurs espérances mais surtout, on constate que cette histoire comporte de bonnes idées. Le principe de base du voyage dans le temps est bien construit et surtout bien utilisé. Morrison s’amuse à utiliser notre héros dans six époques différentes (allant de la Préhistoire au vingtième siècle en passant par le Far-West, l’époque coloniale ou encore l’ère des pirates) et met bien en avant la manière dont Batman évolue dans ces différentes ères.
Mais surtout, le gros point intéressant est que chaque époque, chaque chapitre, est pour Morrison une occasion de faire revivre à son personnage un fait marquant de sa carrière. Ainsi, Bruce se voit affublé d’un équipier, assiste à la naissance de la malédiction de sa famille ou enquête même sur le meurtre de ses parents. Enfin, Grant Morrison fait aussi beaucoup de références au Batverse et à l’univers DC. On ne sera donc pas étonné de voir Batman croiser la route de l’immortel Vandal Savage, du chasseur de primes Jonah Hex ou même de plusieurs de ses ancêtres au fil de sa traversée du temps. La symbolique de la chauve-souris, du W de Wonder-Woman, du S de Superman sont eux aussi largement exploités et la ville de Gotham tient elle aussi une place considérable au sein de l’intrigue (comme quoi, Snyder n’est pas le seul à avoir travaillé dessus).
Nous remarquerons aussi que Grant Morrison fait également référence (mais aussi hommage) à de nombreux autres genres littéraires au sein de cette histoire, montrant ainsi une nouvelle fois l’étendue de ses connaissances et de sa culture. Le passage de la Préhistoire rappelle ainsi les bons vieux récits pulps tandis que celui se passant à l’époque coloniale et traitant de la chasse aux sorcières évoque les récits fantastiques. Je ne m’attarderai pas sur les passages avec Barbe Noire ou au Far-West qui évoquent un genre littéraire très fécond tandis que le chapitre se déroulant au vingtième siècle est une ode aux polars. De même, le récit en lui-même reste très ancré dans la Science-Fiction…
Des références, des clins d’œil et des apparitions qui feront plaisir d’autant qu’elles sont généralement bien utilisées.
[i]Le Retour de Bruce Wayne[/i] recycle donc de nombreux personnages connus des fans tout en revenant sur l’Histoire des Wayne et de Gotham. Les aventures sont variées et d’une richesse incroyable, Morrison montrant une nouvelle fois l’étendue de sa connaissance de l’univers DC. Malheureusement, certains passages de son histoire sont plus faibles. On retiendra ainsi le manque de rythme (certaines scènes frisent l’ennui) mais aussi quelques raccourcis et pirouettes scénaristiques. Le final, lui-même est également en demi-teinte. A la fois tordu et incompréhensible, il aurait également mérité plus de développement tant il se termine rapidement.
En ce qui concerne les dessins, nous avons affaire à six dessinateurs (un par chapitre) et j’avoue trouver dommage que nous n’en n’ayons pas qu’un seul. Certains avanceront certes l’argument qu’avoir plusieurs dessinateurs permet d’être confronté à différents styles et différents points de vue mais la qualité est tellement inégale entre les artistes que j’aurais préféré n'en voir qu’un seul sur le titre.
Parmi les six hommes qui tiennent les crayons, mention spéciale à Frazer Irving et Yannick Paquette qui offrent tous les deux des prestations impressionnantes. Le premier officie sur un chapitre dédié à la sorcellerie et au fantastique et offre un style parfaitement en adéquation avec le ton de l’histoire. Quant au second, il se charge de l’histoire où Batman rencontre Barbe Noire et nous livre des planches impressionnantes ainsi que des personnages sombres mais aussi très expressifs.
A côté de ces deux poids-lourds, Chris Sprouse et Lee Garbett s’en sortent avec les honneurs et offrent des prestations correctes. Si on pouvait reprocher au premier ses visages parfois inexpressifs, le second, en revanche, nous ferait presque penser à Olivier Coipel sur certaines planches, ce qui n'est plutôt pas mal. Malheureusement, le reste de l’équipe n’offre pas de prestation mémorable. Ryan Sook fait le minimum syndical sur l’avant-dernier chapitre tandis que Georges Jeanty s’avère très décevant et fournit des planches et des visages limite regardables.
Nous remarquerons également qu’Andy Kubert a effectué un travail remarquable sur les covers des différents numéros. C’est beau, détaillé et en même temps très accrocheur ! Du grand art !
[b]En conclusion, [i]Le Retour de Bruce Wayne[/i] est une histoire à part dans l’immense run de Grant Morrison. L’auteur tente ici d’amener le personnage sur un territoire où il ne s’est jamais aventuré. L’idée est bonne, novatrice et regorge de possibilités. Morrison s’amuse à réinventer la mythologie de Batman au sein de cette mini-série et multiplie les clins d’œil, de quoi ravir les aficionados du Chevalier Noir. Malheureusement, au final, le tout s’avère bien trop indigeste et incompréhensible à lire. Comme à son habitude, Morrison nous livre donc une histoire riche, réfléchie mais très difficile d’accès, ce qui au final nous empêche d’en apprécier pleinement le contenu. Aux dessins, nous retiendrons surtout les prestations de Yannick Paquette et de Frazer Irving. Ainsi, [i]Le Retour de Bruce Wayne[/i] reste, à mon sens, le point noir du génial run de Morrison sur le Chevalier Noir même s’il n’en est pas moins incontournable de part toutes les révélations qu’il amène.[/b]
[conclusion=2][/conclusion][onaime]- Une idée de base très intéressante et bien exploitée…
- Une histoire qui fait réfléchir et qui amène son lot de révélations…
- Une réutilisation complète de l’histoire de Batman et des clins d’œil au reste de l’univers DC.
- Paquette et Irving qui font des merveilles aux dessins.[/onaime][onaimepas]- … malgré quelques raccourcis et pirouettes scénaristiques.
- … mais qui s’avère très difficile d’accès et de compréhension ! Une nouvelle fois, Morrison se perd dans ses délires.
- Pourquoi changer d’artiste à chaque numéro ?
- Des artistes inégaux et les mauvaises prestations de Ryan Sook et de Georges Jeanty.[/onaimepas]
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