La musique dans les films de super-héros

La musique dans les films de super-héros

Les super-héros au cinéma, c’est bien plus qu’un genre. Avec Superman, Batman, Spider-Man et les X-Men, c'est une nouvelle ère du cinéma américain. Il a aiguillé Hollywood vers ce qu’il est maintenant, économe, riche et divertissant. Plutôt que de nous intéresser à tout l’impact qu’ont eu les films des « types en collants et capes », nous allons nous concentrer sur la musique de leurs longs-métrages. Car depuis une quinzaine d’années, le bouleversement dans les films s’est aussi fait dans la musique.

Depuis que le cinéma existe, la musique est là. Jusqu’aux années 2000, les bandes sonores étaient faites d’orchestres symphoniques s’inspirant de compositeurs comme Wagner, Beethoven, etc… La musique était un élément central du film. Des thèmes qui restent en tête, des morceaux accompagnant l’action et définissant la scène. La musique était là pour donner des codes au spectateur, et donnait une autre dimension à une scène. Ainsi le visuel importait mais aussi les sons, qui étaient l’identité du film. Star Wars, James Bond, Les Dents de la Mer, ont leurs propres identités musicales. Hollywood adoptant une idéologie d’industriel pour le cinéma, l’envie de profit et de rentabilité restent les objectifs principaux. Ainsi s’il y a quelques années, la musique pouvait être considérée comme une œuvre, cette idée se perd à présent. Depuis l’avènement des super-héros, l’ascension du genre est allée de pair avec le phénomène des musiques minimalistes. Tous les films de super-héros ne sont pas touchés par le phénomène, mais aux alentours de 2003-2005 a commencé à s’imposer ce style qui va à contre-courant de ce qui a été fait pendant des décennies.

La Pause Musicale: Doctor Strange

Créé en pleine effervescence hippie et donc du bouddhisme, de la LSD et du rock psychédélique. On ressentait cette influence dans les dessins et les couleurs des comics de l’époque. Pour le film, Michael Giacchino s’est inspiré de toutes ces influences. Les effets spéciaux du film étant directement inspirés des trips sous LSD, Giacchino a joué avec le style rock des seventies à la manière des Doors et des Pink Floyd (qui ont une chanson dans le film) pour rappeler l’inspiration et l’origine du héros. Ensuite, le clavecin, assez particulier, revient tout le long, mêlé à des sons orientaux qui rappellent le Népal et le bouddhisme. Une musique étonnante et caractéristique qui s’éloigne des standards.

Le nouveau rôle de la musique

Désormais, elle n’accompagne plus l’action, elle la souligne. La musique a une importance très réduite dans les films de super-héros. Souvent absente, alors qu’auparavant, il était rare qu’un film n’est pas une bande son quasiment continue. Voire l’inverse comme dans 2001 : L’Odyssée de l’Espace, où le Silence y est symbolique et a un sens. D’autres bandes originales jouaient aussi avec les bruitages ambiants (forêts, océan, etc…) comme Il faut sauver le soldat Ryan ou Les Dents de la Mer. Les films à gros budget actuels ont une musique réduite à être un thème ou à souligner l’émotion d’une scène. On nous fait entendre ce que l’on voit. Une musique au violon ou piano pour la tristesse, une musique drôle pour une scène comique. Si ceci a toujours existé, il est poussé à son extrême dans Avengers, Iron Man, etc… Ces mêmes morceaux musicaux sont utilisés sur toutes les scènes de tous les films. Observez une scène triste de Thor, Man of Steel et The Amazing Spider-Man , vous constaterez que la bande-son est similaire. Les films de super-héros, par exemple, ont donc une faible richesse musicale. Quand il y a une recherche musicale comme Captain America : The First Avenger avec sa musique très spielbergienne, ou Deadpool, celle-ci est souvent masquée par les dialogues ou bruitages. Ensuite les thèmes des films, comme Avengers, Man of Steel , ou Thor ont pour particularité d’être très ressemblants. Ceci est volontaire, c’est un désir des réalisateurs et des producteurs pour satisfaire le public tout simplement . Nous aimons un thème particulier, alors il est samplé, ou copié par les compositeurs. La musique a été standardisée.

La Pause Musicale : Deadpool

 Le style de Junkie XL aka Tom Holkenborg est très électronique et rythmé, c’est lui qui pimente les courses-poursuites dans Mad Max Fury Road, un style qui colle à Deadpool. Le héros datant des années 90, c’est un héros jeune, la musique électro est donc parfaite pour marquer cette différence avec Captain America ou Superman. De plus Holkenborg joue avec l’intro de Beat It de Michael Jackson, une musique phare des années 90, afin de souligner le côté pop du mercenaire et son besoin de citer des références. Enfin le rythme est comparable à celui d’un enchaînement à mains nues, ce qui accompagne la scène dans laquelle la musique apparaît (celle de l’autoroute) et le train de vie de l'anti-héros.

La preuve par l'exemple : Batman

Afin de montrer de manière plus explicite la différence entre les deux, j’ai pris l’exemple de Batman qui s’inscrit dans les deux périodes. Pour illustrer au mieux, j’ai pris deux exemples extrêmes, la scène du toit de Batman de 1989, composée par Danny Elfman, que je compare à la première apparition de Batman dans Batman V Superman , composé par Hans Zimmer et Junkie XL. Je ne les oppose pas, chacune appartenant à une période. Voici les deux scènes :

On constate que dans Batman de Tim Burton la musique arrive très tôt dans la scène, bien qu’elle se fasse discrète. Tandis que dans Batman V Superman , la musique est inexistante, mais elle nous dit ce que nous devons ressentir. Quand le batarang apparaît, on doit avoir la même réaction que les policiers, être surpris et avoir peur. A la fin de la scène, la marque de brûlure est accompagnée d’une musique donnant le même effet, soulignant également que Batman est brutal avec l’utilisation de cuivres à répétition. Cette note est appelée le BRAAAM. Dans la scène de Burton, la musique accompagne le combat, elle fait des envolées orchestrales. La musique est difficilement associable à une autre scène que celle-ci. Sur ce point, c’est là aussi l’énorme différence avec Batman V Superman , car la musique est simpliste. C’est une note qui s’étire, vous y ajoutez des sons de cuivres sporadiques, ou BRAAAM, et vous avez le thème du Joker dans The Dark Knight. Ce n’est pas du recyclage, c’est simplement que lors de la scène du braquage au début de The Dark Knight nous avons ressenti du stress, de la tension. Ainsi Hans Zimmer, le compositeur des deux bandes sonores a réutilisé, a samplé, le thème pour l’intégrer à la scène de Batman V Superman . Dans la scène, nous y suivons les deux policiers, que ressentons-nous ? Une tension et du stress, l’effet est réussi. De plus, la scène de Batman V Superman a la particularité d’avoir une musique supprimable sans que la différence se fasse entendre. Remarquez comme on met du temps à se rendre compte que la musique a démarré, elle paraît être une fuite de gaz. En somme, la musique est composée de deux notes qui passent pour des bruitages. Ce qui est différent du travail de Danny Elfman en 1989, si la musique est retirée de la scène, cette dernière paraît creuse. Les deux sont associés et forment l’identité sonore du film. Enfin, pour revenir sur le thème de Batman, celui de Elfman est aisément fredonnable, faites de même avec celui de Batman Begins, Batman vs Superman , Man of Steel

 

La Pause Musicale: le BRAAAM

Explosant vos enceintes, accélérant les battements de votre cœur, soulignant l’action, vous avez forcément entendu le BRAAAM.

Le BRAAAM est l’exemple type de la minimalisation à l’extrême, d’accentuation de l’émotion et de discrétion dans la musique moderne des blockbusters. Toutes bandes-annonces y ont droit depuis 2010. C’est à cette date que sortit Inception, composé par Hans Zimmer. Dans la bande-son il utilise l’introduction de "Non, Je Ne Regrette Rien" d'Edith Piaf et l’allonge à l’extrême. Ainsi naquit le BRAAAM unique à la bande originale du film de Nolan. Créé pour marquer un basculement avec ce qui avait été fait avant, la bande-son du film est désormais le modèle. Le BRAAAM est un son de son temps, le public n’aime pas attendre et le BRAAAM précipite l’action pour emmener rapidement au plan d’après, sans transition ou effet visuel quelconque. Ci-dessous deux bandes-annonces, l'une de Marvel, l'autre de DC, qui utilisent le BRAAAM, mais j'aurais pu citer The Dark Knight, Wonder Woman, etc...

L’origine du style : la musique temporaire

L’avis des compositeurs actuels est qu’une musique ne doit pas se faire remarquer. Tout comme le montage qui doit se faire le plus discret possible et agréable à l’œil, la musique doit se fondre dans le décor et l’ambiance. Être invisible comme un bruit de ventilation ou de vent, voilà l’objectif des compositeurs. Danny Elfman, l'un des compositeurs d'Avengers : Age of Ultron, le dit lui-même. En gros, l’idée des BO actuelles est qu’elles peuvent être supprimées sans qu’on le remarque. Ainsi elles marquent une émotion que l’on voit, ou remplacent les bruitages comme le bruit du vent dans Man of Steel , les bruits de la ville dans The Amazing Spider-Man 2, la cape de Batman dans Batman Begins. Qu’est-ce qui est à l’origine de cette nouvelle ère ? Le montage. La comparaison n’était pas hasardeuse. Les monteurs ayant besoin d’une musique pour rythmer leur travail et coller à l’action dramatique d’une scène, ils posent une musique temporaire. Les scènes montées avec la musique temporaire sont vues par le réalisateur qui, à force d’associer telle musique à telle scène, n’arrive plus à s’en dissocier. Il demande alors au compositeur de l’imiter. De ce fait, les films super-héroïques, qui sont à la pointe de la technologie, du marketing, qui sont le fer de lance de l’industrie d’Hollywood, se retrouvent avec des musiques standardisées et similaires pour toucher un public le plus large possible. Prise de risque nulle mais le public y trouve son compte.

Le grand maître Hans Zimmer

Si on associe rock et Rolling Stones, musique classique et Mozart, pop et Michael Jackson, on associe la musique moderne à Hans Zimmer. Vous connaissez tous ses musiques, Interstellar, Batman Begins, The Dark Knight, Man of Steel , The Amazing Spider-Man 2 et surtout Inception. Si les exemples de ce dossier sont souvent tirés de sa musicographie c’est bien qu’il est influent dans ce mouvement. Ses musiques sont l’inverse de ce qui s’était toujours fait au cinéma, pour ça, c'est un génie. En samplant et montant des compositions existantes, il a donné naissance à un genre qui a plu à Hollywood, car ça ne coûte pas cher ! Ses musiques sont devenues un modèle pour les autres. Le succès de Zimmer vient de son talent à reprendre ses thèmes, les imiter, les sampler et monter le tout. Il a révolutionné la musique au cinéma et a su cerner les émotions du public par des musiques simples. Ses thèmes se résument à quelques notes et jouent entre les notes longues et intimistes avec les BRAAAM. Des thèmes minimalistes qui soulignent parfaitement des émotions. Hans Zimmer a fondé en 1989 Media Ventures, ce que ses détracteurs appellent « L’écurie de Hans Zimmer », qui a plus tard été rebaptisé Remote Control Productions. Le studio rassemble une quarantaine de compositeurs qui composent ensemble l’intégralité des films d’Hollywood. Il n’est donc pas étonnant que des thèmes et musiques reviennent entre les films. Parmi les noms travaillant à Remote Control on trouve Junkie XL (Deadpool), Ramin Djawadi (Iron Man), Henry Jackman (Captain America : Civil War, X-Men : First Class), Steve Jablonsky (tous les Transformers)…

Dire que les musiques de super-héros sont mauvaises n’est pas forcément vrai. Elles ont juste subi le besoin d'Hollywood de gagner de l’argent. La musique a franchi une étape, s’est modernisée et adaptée à son public qui demande d’être plongé directement au cœur du film, sans détour. Mais on peut désormais se demander la limite qu’il y a entre art et divertissement. Les studios ont trouvé ce qui plaît aux spectateurs et n’en changent pas. Quel est le risque ? Que le public se lasse et que les films perdent en qualité. Que les films vieillissent mal. Que de mauvais films utilisent ces musiques standardisées et répandent une image négative, par exemple le classique violon sur une scène triste est déjà parodié. Ce dernier point est le risque majeur de la musique moderne, qu’elle devienne caricaturale et ridicule. Cependant, elle fait son effet, elle nous emporte avec Superman dans les airs et Spider-Man entre les buildings. Nous ressentons de la puissance quand le thème des Avengers entoure les héros au cœur de la bataille de New York. On est emporté et on frissonne toujours, alors tant que ça marche, pourquoi pas…

Partagez cet article !
Ça peut vous intéresser
[Sorties Comics] Mercredi 24 Avril

[Sorties Comics] Mercredi 24 Avril

24 Avril 2024

Qu'avez-vous prévu d'acheter ?

[Sorties Comics] Vendredi 19 Avril

[Sorties Comics] Vendredi 19 Avril

19 Avril 2024

Qu'avez-vous prévu d'acheter ?

[Sorties Comics] Vendredi 12 Avril

[Sorties Comics] Vendredi 12 Avril

12 Avril 2024

Qu'avez-vous prévu d'acheter ?

  • mmat1986
    mmat1986

    il y a 7 ans

    Encore un très chouette dossier mais étonné que tu n'ai pas abordé l'utilisation des beatles sur le trailer de justice league et de Led Zeppelin pour Thor Ragnarok, autant par exemple Ac/DC associé à Iron Man c'était un mariage réussit autant pour les deux titre cité précédemment, je trouve que ça les vend comme des produits quelconques sans identité et pourtant les deux titres choisis sont cultes et en dehors des ses trailers j'adores les écouter mais dans ces trailers je trouves que ce sont des choix faciles et paresseux.

    Pour reprendre une de tes remarques très justes "on n'arrive plus à fredonner les airs" si tu regardes les morceaux de Zimmer c'est de plus en plus le cas comparé à avant par exemple si tu pense à Speed, The Rock, pirates des caraïbes, ils ont tous un thème qu'on est capable de fredonner en effet mais dans ses partitions de ces dernières années tu n'en es jamais plus capable à part peut être certain passage d'interstellar mais vraiment minime....

    Pöur Danny Elfman tu aurait pu comparer également son thème pour la série Flash de 1990 et le  thème de Blake Neely pour le The Flash de la CW, Elfman voulait faire sentir le côté héroïque du personnage , Neely lui veut faire sentir le côté humain et tente de recréer le bruit de pieds frappant le sol pendant une course ...

    • Lucas
      Lucas - Rédacteur de l'article

      En réponse à mmat1986

      il y a 7 ans

      Je n'ai pas abordé les trailers, parce que c'est un cas différent des films. Ce sont des sociétés particulières qui font les trailers et il est très très rare qu'un réalisateur interviennent sur une bande annonce. Donc elle ne reflète pas forcément le travail ou la volonté du réalisateur.
      Ensuite je n'ai pas pris l'exemple de Flash, déjà parce que je l'ignorais :) donc merci et puis je me suis centré sur les films. Dans le même cas, il y a aussi Ant-Man, dont la musique rappelle les pas d'une fourmis, mais j'ai retiré l'exemple du dossier.
      Oui exact, c'est la modernité qui veut ça, mais je trouve ça dommage personnelement de ne pas pouvoir fredonner un thème.
      Et il y avait plein d'autres exemples possible, Superman, Spider-Man, etc... mais il fallait choisir :)

      merci de ton retour en tout cas, ça fais très plaisir.

      • mmat1986
        mmat1986

        En réponse à Lucas

        il y a 7 ans

        Oui après coup, c'est vrai que je n'ai pas réfléchis pour les trailers pardon XD

        Pour Flash, Danny Elfman était un choix évident pour le personnage, après son travail sur Batman (qui fut repris pour Batman TAS mais modifié par Shirley Walker) il à composé la musique de Dick Tracy (Avec Al Pacino en vilain et Madona) et Darkman de Sam Raimi mais Elfman est très fréquent dans les générique tv en fait un autre super connu de lui, "the simpsons"

        Pour Ant-man je dois avouer ne pas avoir prèté attention  la musique mais maintenant que tu me le dis, je vais aller réécouter ça

        Lucas
        Lucas - Rédacteur de l'article

        En réponse à mmat1986

        il y a 7 ans

        Oui Danny Elfman est un très grand compositeur à la hauteur de John Williams.

        Il y a plein de choses à dire dans un film de super-héros, malgré qu'ils soient commerciaux, à analyser c'est génial ! :)
         

        mmat1986
        mmat1986

        En réponse à mmat1986

        il y a 7 ans

        C'est certain en effet