Interview d'Elsa Charretier (Love Everlasting)

Interview d'Elsa Charretier (Love Everlasting)

Lors d'une séance de dédicaces à Pulp's Bordeaux pour la sortie française de Love Everlasting, j'ai pu poser quelques questions à l'illustratrice Elsa Charretier.

MDCU : Pour les lecteurs francophones qui n’ont pas encore pu avoir la chance de lire Love Everlasting, comment présenteriez-vous ce comics ?
Elsa Charretier :
C’est l’histoire d’une jeune femme qui est coincée dans une série de livres de romance. Et c’est un twist sur le comics de romance classique, mais modernisé. C’est pas de la parodie, ça va plus loin que ça, mais on se base sur les codes du genre pour moderniser et essayer d’aller un petit peu plus loin. Et aborder aussi ce que ces bouquins là représentaient tant pour les comics en eux-même, l'industrie, que sur la condition… désolée je dois le dire, mais la condition des femmes à l’époque.

En faisant des recherches j’ai vu que c’était vous qui aviez contacté Tom King pour un comics dont vous seriez les propriétaires. En le contactant, est-ce qu’il y avait un genre spécifique que vous espériez aborder ?
E.C. : Pas du tout!
MDCU : L’attrait était plutôt de travailler avec lui avant tout ?
E.C. : Complètement, j’avais lu ses bouquins et l’idée pour moi c’est de travailler avec un bon scénariste. Après il m’a demandé comme le font la plupart des scénaristes : “qu’est-ce que tu veux dessiner?” et j’ai jamais de réponse à ça. Parce que j’aime tout dessiner si c’est bien écrit. J’ai pas de niche dans laquelle je me sens plus à l’aise. Au contraire, au bout d’un moment, quand j’ai travaillé sur une série pendant 9-12 épisodes, j’ai un peu envie de passer à autre chose. Par exemple, après November, j’ai adoré dessiner November, mais je me revoyais pas refaire du noir juste derrière. Parce que November c'était 2 ans de ma vie, après 2 ans bon... Tu vois par exemple après ça je ne vais pas faire de la romance. Au contraire, j'aime bien dessiner des choses nouvelles que je n'ai jamais faites. Pour le coup j'avais jamais dessiné de la romance.
MDCU : Si ça peut rassurer, Tom King dit la même chose. Quand on lui demande ce qu'il veut écrire, il n'a pas d'idée. Il préfère qu'on lui donne un personnage et travailler à partir de ça. 
E.C : Complètement que ce soit à l'écriture ou au dessin, les contraintes sont toujours créativement intéressantes. Tu vois par exemple je déteste... enfin je suis très mauvaise pour dessiner des armes à feu, et le concept de base de November c'est une femme qui trouve une arme à feu ! Bon ben j'étais obligé d'apprendre à dessiner des armes à feu. Dans Love Everlasting j'étais obligé d'apprendre à dessiner des chevaux puisqu'il y a un cow-boy. Donc bon c'est un mal pour un bien.
MDCU : Est-ce qu'il y avait un titre en particulier de Tom King qui vous a fait dire : il faut que je travaille avec lui ?
E.C. : Sheriff of Babylon, que j'avais vraiment vraiment adoré. J'avais pas lu ces trucs les plus récents, mais je veux dire, si tu fais ça dans presque ton premier… je crois que c’était son premier comics, il me semble…
MDCU : …l’un de ses premiers en tout cas…
E.C. : Oui, bon tu vois, ça augure bien quoi.

Beaucoup des projets sur lesquels vous avez travaillé sont pour des publications outre-Atlantique. J’imagine que maintenant le barrière de la langue n’est plus un problème, mais est-ce qu’il demeure toujours des différences culturelles ? Est-ce que certaines références ou inspirations n’étaient pas partagées ?
E.C. :
Oui, mais la barrière n'était pas tant dû au fait que c’est américain, parce que comme la plupart des gens de ma génération un peu dans la pop culture, j’ai presque plus de culture américaine que de culture française. En l'occurrence j’avais zéro connaissance des comics de romance. Clairement j’ai pas grandi avec car ça vient des générations passées, j’avais pas spécialement d'intérêt pour le genre en lui-même. J’en ai lu quelques-uns forcément quand Tom m’a proposé l’histoire. J’ai acheté des originaux, j’ai acheté une page d’Alex Toth, histoire de me dire ça y est, c’est bon je connais les comics de romance ! Mais après, étant donné qu’on faisait un truc qui se servait du comics de romance comme base, mais que quand même on allait plus loin, on extrapolait à partir de ces codes là. J’ai essayé de pas trop m’influencer. Parce que je suis un peu une éponge et quand je regarde trop de quelque chose, j’ai tendance à… pas copier mais oublier ma personnalité et mon style, donc je regarde un peu mais pas trop.

Ce saut vers les comics américains, c’était grâce à une opportunité ou plus par envie ?
E.C. :
En fait j’ai jamais travaillé en France, jamais jamais jamais. Les livres qui sont publiés en France sont des adaptations des comics américains. Du premier jusqu’à maintenant, je n'ai jamais fait de la création en France. Par opportunité, oui, dans la mesure où les conditions de travail pour les auteurs en France sont catastrophiques et j’avais pas envie, moi… j’avais envie de faire un métier qui me plaise et qui me permette de vivre décemment. Et ce n'est pas absolument le cas en France. Aux États-Unis c’est bien mieux payé, donc y avait ça clairement…
MDCU : … ce qui est normal, il faut pouvoir vivre de son métier…
E.C. : … il faut y penser, quand tu démarres, que tu bosses comme un dingue et qu’à la fin de l’année t’as gagné 8000€, non c’est pas assez pour vivre quoi. Moi j’avais envie de vivre en faisant de l’art. Et y a aussi… alors c’est américain, c’est capitaliste mais ça a le mérite d’être clair dans les règles. En France, la limite entre ce que l’éditeur peut avoir comme impact sur un livre comparé aux États-Unis, fait qu’il y a plus de liberté en tant qu’auteur je trouve pour ceux qui travaillent sur les comics US. Donc y a ça, et la troisième raison, c’est que le creator-owned comme il y en a aux États-Unis, ça n’existe pas en France. Là, Tom et moi sommes détenteurs à 100% de l’histoire, des personnages…

Dans une interview avec Tom King, il mentionne que vous et lui êtes les éditeurs du titre en plus du scénariste et artiste. 
E.C. : On a aussi quelqu’un qui s’appelle Marla. En fait, le travail des éditeurs indépendants comme ça, c’est variable. Y a parfois vraiment du travail créatif. Tom n’aime pas vraiment travailler comme ça, donc notre éditrice à nous, elle gère la production. Elle s’assure que tout le monde soit dans les temps, elle coordonne avec le lettreur, le coloriste, la production chez Image etc. Parce que ça c’est très chiant à faire ! Et ni lui, ni moi somme qualifiés pour ça.

Durant la publication VO, les abonnées au Substack de Love Everlasting avaient droit à des bonus exclusifs selon certains paliers. Est-ce que le fait d’inclure tous ses bonus et le côté un peu introspectif vous ajoute des idées ou permet de mieux réfléchir à ce que l’on fait ?
E.C. : Oui mais j’avais déjà commencé un peu ce travail de… comme tu dis, de regarder un peu de l'extérieur, dans les artbooks qu’on fait avec Pierrick sur Kickstarter depuis quelques années, où je décortique beaucoup mon travail, le processus en lui-même, mais aussi les techniques de storytelling. Donc j’ai toujours un regard extérieur un peu sur ce que je fais, mais Substack a été une continuité clairement de ce que je faisais dans mes artbooks. 

Après Tom King, est-ce qu’il y a un artiste avec qui vous aimeriez travailler ?
E.C. : Il y en a quelques-uns. Déjà j’aimerais beaucoup retravailler avec Matt Fraction, avec qui j’ai fait November. Avec James, je pense que c’est une question de temps. James Tynion IV c’est une question de temps avant qu’on fasse une série ensemble, on a fait 2 one-shots ensemble, et bon ça va se faire. Kieron, ça me dirait bien de travailler avec Kieron Gillen. C’est extrêmement différent, mais là pour l'instant j’ai signé un contrat avec DSTLRY, le nouvel éditeur qui vient de lancer son line-up avec tout un tas de nouvelles séries, c’est du creator-owned. Et moi j’ai signé un contrat de trois ans avec eux. La première série, je vais l’écrire et la dessiner donc j’ai pas besoin de scénaristes ! Je suis libre !

Quel est votre prochain projet ?
E.C. : Et bien ça va être ça. Ça va être une série qui se passe dans les années 60 et d’espionnage. Donc je vais pouvoir y aller à fond sur le pulp sexy et utiliser ce que j’ai pu apprendre sur Love Everlasting.

Un grand merci à Elsa Charretier pour avoir pris le temps de répondre à mes questions, et à Pulp's Bordeaux d'avoir rendu cette interview possible !

Love Everlasting, de Tom King et Elsa Charretier, est un récit surprenant et captivant, avec une identité graphique irréprochable et pertinente.
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