Interview de Damien Beigbeder (président des Geekfest)

Interview de Damien Beigbeder (président des Geekfest)

Cette année encore, MDCU était l'invité du Bordeaux Geekfest afin d'y animer plusieurs conférences. L'occasion également pour nous de pouvoir poser quelques questions à Damien Beigbeder, président fondateur des Geekfest depuis 2014 et président fondateur du festival Animasia depuis 2005, entre autre. 

 

 

MDCU : Aujourd'hui nous sommes au BGF mais tout a commencé avec Animasia, quel a été le point de départ ? Qu'est-ce qui fait qu'un matin on se dit "Tiens, je vais créer un festival" ?

Damien : La passion et l'amitié. Ce sont les deux axes principaux. La passion parce que j'étais entouré de personnes tous appétants pour la pop culture. Plutôt asiatique d'ailleurs à l'époque, pour se parler très franchement, mais pas que. Et l'amitié parce que comme je viens de le dire, on a été plusieurs amis avec cette envie-là de proposer quelque chose ex nihilo, sans connaissance aucune. Et avec cette passion et l'amitié, on a réussi à créer ce premier évènement. Animasia a été créé en 2005. On l'a créé en un mois. A l'époque on avait fait 700 entrées sur le week-end. C'était une expérience assez extraordinaire. En amont de cela quand même, pour compléter, il y avait aussi un amour du cinéma d'art et d'essai. Du côté de Bordeaux, il y a deux cinémas. Pour la faire courte, il y a l'Utopia à Bordeaux et le Jean Eustache à Pessac. Nous étions pessacais, proche de la faculté et autres. Et on a commencé à travailler avec le cinéma sur les soirées avant-premières en lien avec le cinéma asiatique, la pop culture. Ça a été des cartons monumentaux des nuits du cinéma et c'est ce qui a commencé à nous donner goût à l'événementiel et voilà. Animasia est arrivé en suivant.

MDCU : Tu es donc parti avec deux gros avantages dès le début. A l'inverse, quelle aura été la difficulté principale pour créer le festival ?

Damien : La difficulté, c'est pas forcément dans la création. C'est plutôt dans la durée. Je dis souvent sur un post évènement, j'aime bien écrire quelques mots sur les réseaux, je parle souvent du "être et durer". Conserver l'énergie mariale du début, conserver les valeurs avec la complexification du monde, d'une organisation. Quand on fait 700 entrées et 100.000 sur l'année, c'est pas pareil. Sur un temps plus court, sur des équipes qui changent. Ça, c'est la vrai complexité. Mais cette complexité-là justement, nous on a réussi à créer un corps, un coeur, un noyau bénévole, salarié, prestataire, une hybridation que l'on ne trouve nulle part ailleurs. Et donc, on arrive justement à être dans la durée. C'est ce qui est le plus complexe, c'est aussi ce qui est le plus beau. Et pour le moment en tout cas, on y arrive.

MDCU : Est-ce que tu penses du coup que c'est ça, le secret de la réussite ? Est-ce que c'est ce noyau que tu as réussi à mettre en place ? Parce qu'il est vrai que dans les festivals que vous organisez, vous arrivez à attirer les geeks qui viennent avec de grosses attentes mais aussi les familles qui viennent un peu plus pour la détente.

Damien : Je pense qu'on en revient sur l'humain encore une fois sur ces relations-là et autres et après il y a quand même une vision. Début des années 2000 la vision était sincèrement plutôt à court et moyen terme. Maintenant, l'âge aidant, en s'entourant, il y a aussi une vision donc de terminologie. On est sur un festival donc un projet culturel, sur la transmission. Donc il y a un travail aussi à long-court sur qu'est-ce que l'on va transmettre comme message ? Comment est-ce que l'on va aiguiser la curiosité des uns et des autres. Voilà, c'est travailler au long-court. Cette vision-là ça vient servir le festival sur du long terme.

MDCU : Justement, vu que tu parles de la transmission et de la culture, depuis quelques années, il y a également le club Arthur Dent, qui multiplie les initiatives avec en tête l'édition de l'encyclopédie M42 depuis trois ans déjà mais aussi, tout simplement, la mise en place d'un concours de lecture dans le milieu scolaire. Et tout ceci se fait, en parallèle du festival. On sent qu'il y a comme une volonté de remettre la culture et le livre au milieu de la table alors que ce n'est pas forcément le mot d'ordre de tous les festivals. Qu'est-ce qui t'a poussé à prendre cette direction ?

Damien : On en revient aux origines et notamment le cinéma d'art et d'essai. On est carrément sur des projets culturels, divers et variés. Quand j'ai créé Mandora en 2003, le motto, c'est culture d'ici et d'ailleurs. Le meilleur chemin de l'Homme à l'Homme, c'est la culture et donc in fine la pop culture. On est resté là-dessus. Et encore une fois, on en revient sur une vision aussi. Je pense que l'on a tous une responsabilité. Je pense aussi au mouvement des colibris cher à Pierre Rhabit sur plutôt la partie écologique. Chacun peut faire sa part. Et sur ce même principe-là, pour faire société, je pense que chacun doit faire sa part. Moi, c'est mon petit écho, à ma manière. C'est aussi l'écho de toute une équipe. Un geekfest, un Animasia, c'est à peu près 800-900 personnes sur l'organisation, en comptant les bénévoles, les salariés, les prestataires. Donc voilà, c'est une envie commune d'aller plus loin que ce que l'on propose et aussi de servir cette pop culture qui peut parfois être un peu chahutée, sur une forme de légèreté, sur le côté divertissement, et ce que l'on souhaite aussi dire c'est que la pop culture a beaucoup de profondeur et qu'elle peut permettre justement une lecture de ce que l'on vit aujourd'hui et certainement de ce que l'on vivra demain.

MDCU : Il y a beaucoup d'éléments de la pop culture qui sont représentés à chaque geekfest. Quelle est la place des comics au sein du festival ?

Damien : C'est une place centrale au niveau des geekfests depuis la première édition du BGF donc 2015. Après, c'est quand même un espace qui est complexe à travailler pour plusieurs raisons. La principale reste les moyens financiers. On manque de moyens. On a très peu de partenaires et autres. Donc c'est quelque chose sur lequel nous devons travailler. Plus de moyens financiers, plus de moyens humains, forcément cela donnera des espaces plus importants. Aujourd'hui le comics est évidement central. On voit des choses très intéressantes avec une scène spécialement dédiée aux comics, des invités, des illustrateurs, un "artist alley" etc mais je pense que l'on peut aller un peu plus loin mais cela passera par invités. Peut-être faire venir quelques noms mais on en revient sur la partie budgétaire. Je pense que c'est aujourd'hui le point bloquant mais on y travaille...

MDCU : Cela resterait donc un projet.

Damien : Bien sûr. On y travaille ferme pour que cela évolue. Mais ce que je dis pour les comics est un peu vrai pour tous nos labels. On est forcément limité sur les moyens mais on y travaille.

MDCU : Du coup quelle serait la prochaine étape du BGF ? Est-ce que cela serait de travailler sur les moyens alloués au festival ou est-ce qu'il y en a une autre ?

Damien : Des étapes, il y en a beaucoup. Encore une fois, faire perdurer les choses... A Thot le concours de lecture à voix haute, la partie encyclopédique, continuer à pouvoir proposer 110 invités, 120 heures de conférences, c'est de l'anti-business. Aujourd'hui de faire venir autant de monde et de proposer du contenu culturel, ce n'est pas ça qui fait exploser le nombre de places vendus. C'est un vrai parti pris déjà de faire perdurer tout cela. Et après le diable se cache dans les détails. C'est-à-dire améliorer chaque espace, travailler une communication propre, bien anticiper nos thématiques, là on est déjà quasiment jusqu'à 2025, on sait à peu près là où on va et ce que l'on va proposer et puis effectivement, peut-être, monter d'un cran sur certains invités, en faisant venir des grands noms, mais encore une fois en faisant des choix. Pas tomber dans une certaine facilité en faisant venir un acteur américain qui va venir signer. C'est intéressant mais je trouve que cela a ses limites. Donc voilà... peut-être le travailler autrement. On a quelques pistes mais je ne peux pas les développer ici.

MDCU : Depuis quelques années, vous avez exprimé votre volonté d'aller plus loin dans l'écologie. Vous le dites, mais surtout vous le faites. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus ?

Damien : Bien sûr. On en revient sur tous les projets annexes, convexes, connexes, vous leur donnez le nom que vous voulez. Le Club Arthur Dent depuis 2017 sur tout ce qui est médiation, vulgarisation scientifique et donc là, né.e.s pour agir association loi 1901 qui a été créé l'année dernière et l'idée c'est vraiment de ne pas rentrer dans un verbiage politique. On est sur de la reduction d'impact. Et non pas d'évènement vert, d'hydrogène vert, tout ce que vous voulez, toutes les conneries que l'on entend en ce moment. C'est de se dire, malheureusement aujourd'hui, être humain et vivre, c'est polluer. Mais comment, de manière consciente, on réduit l'impact ? On n'entre pas dans un discours culpabilisateur mais bien de dire "voilà, on peut agir chacun à son niveau", on en revient au mouvement des colibris et c'est pour ça que l'on a créé cette association. Alors, on est sur notre très humble niveau, réduction d'impact. Né.e.s pour agir, pour votre info, c'est un petit clin d'oeil à Montaigne aussi. C'est lui qui dit "Nous sommes nés pour agir" donc on trouvait ça aussi sympa en étant bordelais. Et là cela concrétise par des choses très simples. La gestion textile. Chez nous, c'est du surcyclage. Les espaces invités, et vous avez pu le voir, c'est la mise en place d'une circularité, sur l'utilisation d'une technologie, des appareils qui sont fabriqués en France qui permettent de réduire la consomation d'eau sur le lavage de la vaisselle, le compost, la gestion des différents déchets notamment les mégots, en vigironde, le livre vert et la récupération des appareils numériques. On a tous beaucoup d'écrans chez nous, quant on y pense. Sauf qu'en général, ils dorment dans les tiroirs et ceci peut être valorisé. Et ça aujourd'hui avec l'atelier du bocage et Orange, tu as toute une opération sur trois jours où les gens peuvent venir déposer leurs appareils. Donc, c'est une goutte d'eau dans l'océan mais encore une fois, si chacun s'y met, il peut se passer de belles choses.

MDCU : Pour finir, et si j'ai bien regardé, je crois qu'il n'y a pas de slogan pour le geekfest. Du coup, si tu devais nous en improviser un, quel serait ce slogan ?

Damien : ...Je dirais... que le geekfest c'est euh... c'est la réponse à la vie (rires). Et à tout le reste. Un peu comme un 42 quoi, je le vois comme ça.

MDCU : Ben écoute, c'est un excellent slogan. Merci beaucoup !

Damien : Merci !

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