Notre numéro annuel de Zone 57 débarque en ce mois d’avril 2019 et outre le plaisir habituel de le découvrir, c’est réellement spécial cette fois-ci puisqu’il s’agit du dernier chapitre de la saga ! Eh oui, ça y est, on va enfin pouvoir découvrir le fin mot de l’histoire et la conclusion des aventures du maintenant célèbre (il vous le confirmera) Bertrand Keufterian. Il est temps de raccrocher le manteau jaune fluo (n’y voyez aucune référence à des évènements récents) et de ranger le pulseur pour notre héros, mais pas avant de nous expliquer ce que c’était que tout ce bordel avec ces aliens bizarres dans cette jolie ville de Metz qui n’avait rien demandé ! Et vous n’êtes pas au bout de vos surprises, le final tient toutes ses promesses.
Le dernier numéro en date amenait beaucoup d’éléments nouveaux et de pistes de résolution de l’histoire, le travail était ainsi préparé pour cette conclusion et il suffisait, pouvait-on penser, d’assembler les pièces du puzzle et de dévoiler la vue d’ensemble. Et là où ce final est extrêmement intéressant, c’est qu’il nous emmène dans une direction que l’on n’attendait pas du tout ! L’effet de surprise et de changement d’axe dans la narration fonctionne très bien, on commence à se poser des questions dès la première page et on a très vite envie d’enchainer pour savoir de quoi il retourne ; on se retrouve un peu perdu, on s’accroche aux quelques éléments à notre portée et les réponses nous apparaissent de manière crescendo, en même temps que monte la tension. Et on finit par se demander comment a-t-on pu ne pas le voir venir, parce qu’on aurait pu. Si le renversement est surprenant, il ne sort pas du chapeau pour autant et s’avère être préparé depuis le début, avec des indices (parfois assez imposants, voir insolents) disséminés à travers les huit numéros que forment cette saga. De même, des références sont faites aux numéros précédents, et notamment les tout premiers, à plusieurs reprises durant ce final, ce qui peut être un peu frustrant pour ceux qui n’ont pas tout lu ou qui ne se souviennent pas de tout, mais c’est surtout très gratifiant pour le lecteur et la preuve que le travail des auteurs Carlos Rodrigo et Guillaume Matthias est réfléchi et mis en place depuis le tout début.
Tous les personnages que l’on a pu croiser et aimer durant cette aventure ne sont pas forcément présents dans ce final, ce qui n’est pas une mauvaise chose, la fin doit souvent se recentrer sur l’essentiel. On regrettera peut-être de ne pas avoir revu Nina, même si elle est citée, et que quelques bouts d’intrigues n’aient pas droit à une conclusion nette (même si nos souhaits devraient être exaucés dans un épilogue ultra secret dont je ne vous ai pas parlé). La dynamique entre les personnages restants fonctionne cela dit toujours aussi bien en début de numéro, l’humour est présent à doses plus judicieuses que ça n’a pu l’être par le passé, et Bertrand s’impose au fil des pages comme le vrai point central de l’histoire, qui trouve son apogée dans la dernière page où il redevient le centre d’attention et c’est exactement ce qu’il fallait, ne pas oublier comment à débuter l’histoire et boucler la boucle. Cette fin est réussie et fonctionne à de nombreux niveaux, celui qui vient d’être cité, mais aussi parce qu’elle semi-ouverte, à savoir qu’elle est largement satisfaisante comme note finale de cette composition mais qu’elle laisse en suspens quelques éléments et qu’il pourrait très bien y avoir une suite sans que cela ne choque personne. N’est-ce pas là la recette de la fin idéale pour une œuvre fictionnelle de pop culture ? De manière générale, tout ce chapitre transpire d’un sentiment de fin et d’apothéose de l’histoire, que ce soit dans le rythme élevé de narration et de l’action qui se déroule, dans les éléments du récit avec notamment une explosion imminente et une scène de fuite en jeep qui pourra éveiller de nombreuses références (la fin de Metal Gear Solid par exemple), le fait de boucler la boucle une nouvelle fois en revenant dans le laboratoire découvert dans Bertrand Keufterian #4, et beaucoup d’autres éléments qui résonnent et/ou font référence au reste de la série, au-delà même de n’être qu’un outil explicatif. Et même au niveau des dessins, où l’on sent que Guillaume Matthias se fait plaisir (et se fait du mal par la même occasion) en y mettant le paquet. L’ambiance et les enjeux sont au rendez-vous.
Le dessin, justement, profite de tous les acquis des numéros précédents et témoigne d’une très belle évolution depuis le tout premier chapitre de la série. Guillaume Matthias est au rendez-vous de ce dernier numéro et nous offre quelques superbes pages avec bien sûr en premier lieu cette vue du ciel d’une partie de la ville de Metz. On notera aussi une double page décisive et pleine de révélations, sans aucun dialogue, au « storytelling » rudement efficace. Dans l’ensemble, on sent l’artiste évidemment plus à l’aise dans cet univers et notamment dans la structure et le dynamisme des pages, avec plus d’originalité et de prise de risque, et ce même quand il faut caser des pavés de texte. Et un mot sur la superbe couverture de Loïc Muzy, qui est peut-être ma préférée de toute la série, et qui en dit bien plus long que ce qu’elle pourrait laisser penser (mais chuuut).
Ce dernier chapitre de Bertrand Keufterian/Zone 57 est très appréciable et réjouissant dans ce qu’il nous ramène à l’essentiel, au corps de la série, à ce qui a fait que l’on a accroché à cette histoire et à ces personnages au départ. La série a eu les qualités suffisantes pour se renouveler et offrir une sorte de nouveau départ à mi-chemin, pouvant accueillir de nouveaux personnages, une nouvelle dynamique, de nouveaux enjeux et un nouveau public, le revers de la médaille étant que l’on s’éloigne souvent un peu, de manière logique et pertinente, du postulat de départ. C’est une vraie bonne chose que les auteurs ne se soient pas oubliés en chemin et aient pu satisfaire tout le monde à la fin du voyage. Parce que si l’on réduit Zone 57 à l’essentiel, on se retrouve avec deux passionnés, fans de pop culture, qui ont eu envie de construire une histoire autour de thèmes qui leur sont chers et de le faire avec toutes les connaissances et références qu’ils ont et tout l’humeur et la dérision dont ils savent faire preuve. Et l’on retrouve tout cela sur ce final. On ne passe à côté de jolies références au genre de l’horreur avec les visions terrifiantes de la petite fille annonçant le dernier acte ou à celui de la science-fiction et du fantastique avec la matérialisation d’une porte comme conduit psychique. Et énorme cerise sur le gâteau d’adieu, la révélation principale de la raison de la présence des extraterrestres sur Terre, et notamment à Metz, est absolument parfaite.
Merci beaucoup pour cette critique vraiment très sympa. On est vraiment ravis que tu ais tant apprécié ! Merci à MDCU pour son soutien durant toutes ces années :)
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