La règle universelle d’internet que tout le monde connaît est que toute chose qui existe a sa version pornographique. Evidemment on trouve des trucs bizarres, mais ce qui nous intéresse ici, ce sont les comics. Il est savoureux de découvrir nos personnages favoris, hommes ou femmes, hors de leurs tenues collantes et dans des draps moulants en bonne compagnie. Comprenant la parodie porno kitsch, les comics entretiennent une relation étroite avec le sexe qui a même fait partie de son histoire. Le porno a son public et le comics est un média rentable, l’inverse est aussi vrai. Une liaison entre les deux est donc aussi prévisible qu’une apparition de Stan Lee dans un Marvel. Aujourd’hui, nous allons voir en quoi la relation pornographie/érotisme/comics a influencé la culture populaire, la culture comics et la culture du sexe.
C’est Frederick Wertham qui met une première déculottée à l’univers des comics en 1959 en publiant "Seduction of the innocents". Ce psychiatre brandit son livre comme une bible anti-comics pour aider et prévenir les parents de cette menace incontrôlable. Il y dénonce la violence, le racisme et la philosophie qui serait responsable de la dépravation de la jeunesse et de la montée de la délinquance juvénile. Selon lui, Hitler (une personnalité politique de l’époque) serait bien pâle à côté des revues à 10 cents. Son livre fait grand bruit malgré le poids discutable de ses thèses. Les éditeurs de comics réagissent en conséquence et lancent le Comics Code Authority (CCA) qui va auto-réguler le média afin d’éviter les sanctions du gouvernement. Les dommages sont lourds dans les rangs de la liberté de création. Sont morts aux champs d’honneurs, les zombies, les pin-ups, les loup-garous, les tueurs, les méchants qui gagnent, les anti-héros, le sang, les têtes sur les piques et surtout, et là le papa qui empruntait les comics du fils râlait, les seins, les fesses, les positions lascives, en gros le sexe... Mais le comics est coquin, le comics est malicieux, et en réponse à Wertham, au gouvernement et au CCA, un nouveau genre de comics apparaît. A la façon du nom de Spider-Man qui indique clairement son pouvoir, ce nouveau genre ne cache pas son contenu derrière un nom de façade : le comix entre en scène.
Alors que le règne tyrannique du CCA retirait les BOOM, PIF, PAF des comics, les monstres trop "monstres", et ne mettait que de doux policiers en uniformes bleu ciel, le comics a un nouvel espoir. Le CCA étant mis en place par les éditeurs eux-mêmes, des éditeurs indépendants le snobent et créent des revues qui visent un public de jeunes adultes. La particularité de cette presse underground est qu’elle est hors du système de vente classique. Ce ne sont pas les vendeurs habituels qui distribuent ces comics, mais des impressions privées et des ventes dans des shops spécialisés, sur des campus étudiants ou des disquaires (le lien avec la mouvance rock hippie explique ce choix). MAD est l'un de ces magazines.
Pour les plus âgés, cette revue n’est pas inconnue. Son créateur, Harvey Kurtzman, a lancé son magazine dans la presse étudiante fin des années 1950. MAD n’a pas eu l’effet d’un pétard mouillé, son contenu irrévérencieux, moqueur, satirique et provocateur va lancer le mouvement underground de la bande-dessinée américaine. Mieux que ça, MAD et son effet boule de neige vont faire partie intégrante du mouvement contre-culturel des années 1960. A l’époque, lire ce genre de comics, c’est être rock et rebelle. Mais au lieu de simplement faire un doigt d’honneur à la bien-pensance américaine, MAD va permettre à des dessinateurs et artistes comme Gilbert Shelton, Jay Lynch, Skip Williamson ou Robert Crumb de s’exprimer et de devenir ainsi les ambassadeurs du mouvement underground.
Pour l’anecdote, un jeune scénariste français travaillant aux USA en 1949 va être admis dans un art-studio spécialisé où il rencontrera Kurtzman. Il va intégrer un groupe d’artistes, les précurseurs de MAD. Au sein de ce groupe, notre jeune scénariste français va apprendre la structure du gag et la rigueur dans la construction d’une BD. De retour en France, où on le connaît sous le nom de René Goscinny, il créera les plus grands héros de la bande dessinée française avec Astérix, Lucky Luck, Iznogood et d’autres.
Mais un plaisir coupable n’a d’intérêt que lorsqu’il est tabou. Avec l’influence décroissante du CCA, le mouvement contre-culturel s’essouffle et bientôt ce sont les grands éditeurs qui se mettent à des contenus plus matures. Quand les grandes enseignes abordent des thèmes adultes comme la drogue (Green Arrow, Spider-Man), la violence (Batman, Wolverine) et le sexe, les comix n’ont que leur clientèle d’habitués pour vivre, voire survivre. Enfin, le premier amendement (liberté de la presse) ne justifie pas les obscénités et les shops et éditeurs de comix subissent des pressions policières pour fermer. Cependant, les artistes underground sont reconnus et leurs œuvres rééditées par la suite. Art Spiegelman reçoit un Prix Pulitzer pour Maus par exemple. Désormais, MAD et ses héritiers appartiennent à la culture populaire et n’auront vécu qu’un temps qu’ils auront marqué.
Mais la relation torride entre comics et sexe n’a pas donné ses derniers orgasmes. En effet, avec des personnages qui fascinent la jeunesse et intègrent la culture américaine, il était à prévoir que des manias du X se lanceraient dans l’adaptation de comics.
On peut dater à 1968 le début de ces adaptions, le Production Code disparaît et des films de contes pour enfants comme Pinocchio, Cendrillon et surtout Alice au Pays des Merveilles (100M de dollars de recettes) version X voient le jour. A noter que ce sont des comédies musicales ! En 1975 Flash Gordon, sous le nom Flesh Gordon de William Osco, sort en salles. On peut considérer que c’est la première adaptation pornographique d’un comics. La dimension parodique des films X vient de cette décennie 70-80. Il faudra attendre les années 2000 pour que le genre explose avec, dans le même temps le début des super-héros au cinéma.
C'est Comixxx Parody, une division de Exquisite Films, qui s'est lancé en premier en transposant des personnages de l'univers DC dans des films pour adultes, comme le nom de la division le prouve. Un de leurs premiers long-métrages sort en avril 2011, The Justice League of Porn Star Heroes : an extreme Comixxx Parody, un titre long, qui rappelle l’attribut de ses acteurs. Le film s'est vendu si vite que l'éditeur a dû relancer une impression dans le cours du mois. Mais le premier vrai gros succès du genre est Batman XXX produit par Vivid. Le film utilise des fonds vert, effets spéciaux et un scénario parodiant la série Batman des années 60. On y retrouve le visuel cheap de l’époque, le gag de la fenêtre et des répliques allusives. Le succès est au rendez-vous et les récompenses comme les dollars pleuvent. Meilleure parodie, Meilleure actrice dans un second rôle, Meilleurs Menus DVD, Meilleur scénario, ce n’est pas les Oscars mais le long métrage motive Vivid à vouloir plus grand. La société de production créer une branche spéciale super-héros et science-fiction dans ses productions dont Axel Braun, le réalisateur de Batman XXX, est propulsé patron. Cette branche vise à faire de ses films porno de vrais blockbusters.
Désormais les productions super-héroïques X sont dirigées par Braun. Tout comme Tarantino qui a vécu dans le cinéma, Axel a baigné dans le X, réalisant son premier film porno à 23 ans. Son père, Lasse Braun, est de ces hommes de l’Histoire que l’on ne remercie pas assez. Il a été dans les premiers à faire campagne pour la légalisation de la pornographie en Europe et a toujours attaché de l’importance au budget de ses productions. Un goût de l’investissement et du porno comme d’un art que Axel va perdurer. Après le succès outre-Atlantique de Batman XXX, c’est à Superman de porter le X, dont un vrai travail de promotion est fait avec making-of, photos de tournage, etc. Le porno-blockbuster a de l’humour mais se prend au sérieux et respecte l’œuvre d’origine. Braun déclare : "Mon père était ami avec le distributeur des comics Marvel et DC en Italie. Quand j'étais môme, j'avais toutes les collections de mes superhéros préférés en deux exemplaires : l'un à lire, l'autre à conserver.". Car les films sont cheap mais un travail de recherches est effectué, autant dans les costumes, les décors que les personnages. Sur ce sujet, Axel Braun montre bien que ses films ne sont pas sponsorisés par Tout Pour La Fête : "Certains des costumes de superhéros de mes films ont été fabriqués par des personnes qui créent les tenues des versions mainstream !" Oublié Avengers Infinity War et ses 35 personnages, Vivid et Axel Braun l’ont déjà fait en intégrant des personnages non présents dans les films Marvel. Ce sont des films qui s’adressent aux fans de comics dont Braun fait partie. "Le porno vend du fantasme. Voir des personnages familiers dans une situation sexuelle, c'est le fantasme ultime ! Avec tout le porno gratuit sur le web, il faut donner au consommateur quelque chose qu'il peut garder. Le fan de Star Wars voudra posséder tout l'univers Star Wars et la version X du film est l'objet de collection parfait !"
D’ailleurs, Star Wars a aussi été marqué au fer rose du X. La licence de George Lucas fait aussi des performances dans le sexe avec un budget d’un demi-million de dollars, une somme énorme comme ma… Le film devient le porno qui a rapporté le plus d’argent de tous les temps. Axel Braun drop the micro. Ainsi, Vivid a amené un regard nouveau sur l’industrie du X, notamment par ses campagnes marketing qui n’hésite pas à taper l’œil du public faisant sortir le porno de son coin d’ombre sous les mouchoirs usagés. Ainsi via le succès des parodies de Marvel et DC, le porno a pu s’ouvrir et s’assumer dans la société. Même si le côté comique et kitsch est souvent retenu, que l’on parle de lui en bien, ou en mal, on en parle.
Vivid et Braun, c’est MAD et Kurtzman. Le producteur de films lance une vague de fans, aussi aidé par les succès des Marvel et DC au cinéma. Ainsi, en 2012, est créé Manville, un studio gay américain spécialisé uniquement dans les films super-héroïques X. Leur premier film lève le voile sur une relation ambiguë depuis longtemps : Batman and Robin. Spoiler, ils couchent ensemble. Aux USA, le film est premier des ventes de DVD pendant plusieurs semaines. Certains producteurs osent même l’animation avec Stonewall & Riot en 2006. Les graphismes sont assurés par Joe Phillips, qui a œuvré sur Wonder Woman, Silver Surfer, Green Lantern, Captain America, les vrais, pas les versions X. Avec 12% de sites à caractère pornographique sur Internet, on trouve aussi des forums de fan partageant leurs fantasmes super-héroïques avec des animations amateurs (3D ou animées), dessins crayonnés, 3D, etc. Avec la pornographie on a pu découvrir que les fanboys sont des gens inspirés et imaginatifs.
L’influence et l’impact des comics sur le porno ne se calculent pas uniquement en quantité de films, ni en centaines de memes. Pornhub partage souvent ses chiffres et à notamment fait part de pourcentages concernant les super-héros, traduisant d’un impact direct de ceux-ci sur l’industrie du X. Ainsi les utilisateurs d’Android cherchent plus de porno avec Wolverine (83%), tandis que les Appelistes sont plus portés sur le dieu du tonnerre Thor (45%). En conséquence directe de la sortie de Avengers l’Ere d’Ultron, la recherche Avengers sur Pornhub a augmenté de 176% en 3 jours. Du côté de DC, Superman gagne enfin contre Batman, non pas dans un film gay (quoiqu’il existe Batman v Superman XXX Parody par Axel Braun). Le combat des membres de la Justice League engendre une hausse des recherches de Superman sur Pornhub de 206%, face à une hausse de 102% pour Batman. Chez Marvel, Captain America a eu une explosion orgasmique de ses recherches de 852% le 6 mai 2016. Deadpool s’en sort avec un satisfaisant 304%. Mais le porno ne casse pas l’image du jeune fan devant son pc, boîte de mouchoirs à portée de main, puisqu’il y a une hausse de 122% des utilisateurs de Pornhub hommes et un accroissement de 75% des 18-24 ans. Enfin, le cœur de ce dossier, le top 3 des personnages de comics les plus recherchés. Sans surprise, c’est une femme, Harley Quinn, loin devant Batman, quasi égalité avec Captain America. A croire que quand Stan Lee n’est pas là, Marvel est surpassé par DC.
L’influence des comics ne s’arrête jamais. De simples personnages crayonnés ont un impact sur notre société qui ne trouve pas de fin et de limite. Le média des comics est utilisé dans les années 60 pour s’opposer à la guerre du Vietnam, la liberté sexuelle, le féminisme et permettre à une jeunesse de crier. A présent il permet également, via son succès, à une industrie de l’ombre qui ne se tait plus de se faire voir. L’industrie du X a su montrer ses "attributs", titillant les fantasmes d’un public particulier pour se faire entendre et intégrer la culture populaire comme l’ont fait les comics underground. Dans 40 ans, on parlera de la parodie pornographique comme d’un cinéma underground qui a lâché les rennes parodiant les icônes du moment comme l'avait fait MAD en parodiant Mickey et les personnages Disney. Et, peut-être que, comme les comix qui ont inspiré les comics des années 70-80 en présentant plus de violences et de sexe, peut-être que les prochains films Marvel et DC n’hésiteront plus à faire gicler (je parle du sang).
Sources : Pinktv, LeParisien, Hitek, Delacaveaugrenier, LesInrocks, Paperblog, Wikipédia : Film Pornographique, Wikipédia : Pornographie, Programme TV, Bonzai, Wikipédia : Comics Underground
Cool comme dossier! Vous seriez surpris de voir le nombre de parodies porno de blockbuster, de comics et de films de super-héros o_o et je jure que certains sont (étrangement) QUE des bannières publicitaires vu qu'ils n'existent aucunes ventes de vidéos ou dvd!
Y'a aussi un gus costumier dans le métier qui est un gros fan de comics et vous pouvez voir son travail sur la parodie de JL, ces costumes sont fantastiques pour un truc parodiques, ça fait bien plus que cosplay.
Et sinon le prochain thème dont vous pourriez faire un dossier c'est les mockbuster, y'en a à la pelle! pareil que pour le porno, le but est de produire des copies de blockbuster/de films qui vont sortir, en fait le réal' regarde la bande annonce du film, il regarde tout les infos possibles disponible dans la presse et ensuite il créer son mockbuster et le vend en dvd ou pour la télévision. Généralement vu que les mockbuster sortent avant le film original, le réal se défend en disant qu'il a eu l'idée avant et que son film est très différent ^^"
Je me rappelle d'un Thor sur syfy où Loki ressemblait plus à Hadès et où Thor utilisait des mitraillettes. Pareil pour Suicide Squad en Sinister Squad.
Moi ce qui m'amuse là dedans c'est que la version porno de Justice League raffle plus de récompenses et en particulier une pour les effets spéciaux que l'originale qui est décrite comme la bouse du siècle .... sur ce la warner tente quand même d'en "tourlouper" les gens comme si eux se trouvaient dans la parodie porno ...
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