[Review VF] Captain America : Le rêve est mort

[Review VF] Captain America : Le rêve est mort

Attention, cette critique contient des spoilers (pour ceux qui n'auraient aucune idée du contenu de ce bouquin).

Pour de nombreux fans, le run de Brubaker est ce qu'on a fait de mieux sur Captain America. Et son point d'orgue est sans contestation possible est la mort de Steve Rogers (et ce que s'ensuit). C'est donc un album incontournable que Panini nous propose. Pourquoi ces épisodes sont-ils entrés dans la légende ? Après tout, la mort d'un héros, ça s'est déjà vu. Oui, mais jamais une série ne s'était aussi bien portée sans son personnage principal. Et nous allons essayer de décrypter les raisons de cette réussite.





Ce récit au long cours a ceci de remarquable qu'il ne se découpe pas en épisodes ou en arcs, comme la plupart des autres séries. En effet, l'imbrication et la poursuite des différentes intrigues sur des dizaines d'épisodes font que chaque cycle n'est qu'une étape dans un plan bien plus vaste. Chaque épisode fait doucement mais sûrement avancer l'histoire dans une continuité artistique et scénaristique quasi-parfaite. C'est donc un récit feuilletonnant rappelant par son principe les grandes sagas littéraires du XIXe siècle que nous propose Brubaker. Véritable audace scénaristique à une époque où les auteurs se succèdent à un rythme effréné, cette narration lui offre des opportunités dont il profite habilement. Il utilise l'espace ainsi alloué pour prendre le temps de placer ses pions, ciseler les dialogues, chorégraphier les scènes d'action ou encore exploiter la personnalité de tous les protagonistes. La trame principale est suffisamment ambitieuse pour s'étaler sur plusieurs volumes et se ramifier en une myriade de développements. Ce Deluxe consacré à la Légende Vivante n'est donc qu'un chapitre d'une œuvre qu'il est indispensable (à plus d'un titre) de lire dans sa globalité.




 

Avant d'aborder son contenu, replaçons ce numéro dans son contexte. Il ne s'agit pas d'une « simple » histoire de Cap mais de la conclusion de Civil War. Brubaker doit à la fois s'adresser aux fans de la série qui n'ont pas suivi le crossover et à ceux de la mini-série de Millar qui n'ont pas lu les épisodes précédents. Autant dire que la tâche n'est pas aisée, sachant qu'il doit de surcroît se montrer à la hauteur de l'événement Marvel le plus marquant de ces 20 dernières années. Et pour couronner le tout, le crossover s'arrête sur une situation très complexe pour la Légende Vivante. Alors que ce piège inextricable se referme sur lui, Brubaker prend tout le monde de court en tuant Captain America. Il se paie même le luxe d'inclure cet événement à la fois dans le cadre de Civil War et des intrigues en cours dans son titre. Ceci est évidemment le fruit d'un superbe travail éditorial qui a permis de coordonner les différentes séries tout en conservant le secret des rebondissements.



 

Mais cette réussite incontestable est avant tout à mettre au crédit d'un scénario parfaitement ficelé, véritable condensé du savoir-faire du maître. Pour faire avaler aux fans la pilule de la mort d'un personnage, il faut généralement que celle-ci soit inéluctable, avec une montée en puissance et s'achevant sur une scène intense et bouleversante. L'auteur remplit admirablement le cahier des charges sans tomber dans les clichés du genre. Plutôt que de nous choquer avec une scène de meurtre qui ferait office d'acmé tragique, il a préféré distiller l'horreur en dosant savamment le suspense tout au long de l'épisode. Après un très utile récapitulatif de la situation, la tension est palpable : Captain America est au centre de toutes les attentions. Puis, passant d'un protagoniste à l'autre, Brubaker réussit à maintenir brillamment le rythme. Ainsi, la mort de Steve Rogers se déroule-t-elle en plusieurs étapes, avec deux tueurs, une agonie et une révélation finale avant la confirmation du décès. Le lecteur n'aura bénéficié d'aucun répit jusqu'à la dernière page.

 

Autre choix sortant des sentiers battus, le scénariste n' pas placé Cap au centre de l'histoire alors que c'est un des (pour ne pas dire LE) passages les plus importants de sa carrière. Il n'apparaît que furtivement ou dans des flash-backs et ses rares propos ne révèlent en rien ses pensées. Entravé par ses menottes, il est également prisonnier de l'intrigue sur laquelle il ne peut agir. La narration accentue son isolement en réservant les focalisations internes à ses amis. C'est d'ailleurs bien souvent à travers eux que nous voyons le drame se dérouler. Pour la première fois, un super-héros est réduit à l'état de personnage secondaire de sa propre mort.
 


 

Ce détail est tout sauf anodin. Il est le révélateur des intentions de l'auteur, qui s'attarde plus sur l'intrigue que sur ses protagonistes. Brubaker alterne les scènes, passant d'un personnage à l'autre, offrant au seul lecteur une vue d'ensemble sur les événements. Car l'histoire est la star de cette série non Captain America. Et c'est pour cela que les fans sont restés après l'assassinat de Steve Rogers.


 

Après cet épisode mémorable, on aurait pu s'attendre à ce que le soufflet retombe. Il n'en est rien. Débarrassé de son personnage principal, Brubaker alterne les séquences consacrées aux amis et ennemis du défunt... comme il le faisait déjà auparavant. Le lecteur ne ressent donc pas de rupture, la continuité scénaristique et artistique étant sans faille. Seule exception, l'auteur se permet une petite ellipse temporelle après l'épisode 25, ellipse imposée par le fait que l'enterrement de Captain America n'a pas été traité dans sa propre série. Ce qui aurait pu être un manque impardonnable passe comme une lettre à la Poste car Brubaker utilise habilement les veillées funèbres à la place des funérailles.
 


Il n'est un secret pour personne que, lorsqu'un super-héros tombe, une autre personne enfile son costume pour prendre la relève, ne serait-ce que pour justifier le titre du comic book. Le lecteur blasé s'attend donc avec cynisme à ce que le seul candidat potentiel reprenne le flambeau, ou plutôt le bouclier. Là encore, le scénariste joue avec nos attentes, poursuivant l'intrigue, ne mettant aucun protagoniste en avant. On passe d'une séquence dédiée au Faucon à une autre consacrée à Tony Stark. Puis une autre au Soldat de l'Hiver, à la Veuve Noire, à Sharon Carter... le tout avec une grande fluidité. La valse des héros nous tient en haleine et parvient à nous faire oublier l'absence d'un Captain America. Car, adoptant le schéma des séries télévisées américaines, le récit de Brubaker s'avère très addictif, délivrant juste ce qu'il faut d'avancées par épisode pour nous donner envie de lire la suite sans combler notre manque. C'est sans doute pourquoi la lecture de ce tome d'une traite est bien plus confortable que le rythme mensuel. Il faudra attendre un certain nombre de numéros pour voir l'histoire se recentrer sur le successeur de Steve Rogers. Pendant tout le volume, l'auteur aura su maintenir l'intérêt, transformant un titre de super-héros solitaire en comic book choral. Mais son plus bel exploit est d'avoir imposé toutes ces audaces scénaristiques comme si elles coulaient de source. Chapeau l'artiste !




 

Si le scénario occupe l'essentiel de cette critique, il serait impardonnable de ne pas rendre hommage à l'équipe artistique. Steve Epting continue à montrer toute l'étendue de son talent, mariant classicisme et modernité pour nous proposer une narration sans faille, au service de l'histoire. Soignant aussi bien les décors que les visages, il est aussi à l'aise dans les combats que pour les scènes de dialogues. Sa mise en page a beau être conventionnelle, l'action reste fluide et les cadrages toujours maîtrisés. Aucun défaut ne vient gâcher son interprétation irréprochable de Cap et de ses amis. En revanche, ses ennemis sont moins chanceux, les protubérances crâniennes de Red Skull et la barbe abondante du Docteur Faustus pouvant faire froncer plus d'un sourcil. Mais ce ne sont que des détails qui ne gâche en rien notre plaisir. N'oublions pas pour autant Steve Epting n'opère pas seul. Il est assisté sur certains épisodes par Mike Perkins, voire remplacé par Butch Guice. Rupture graphique qui viendrait gâcher la cohérence de l'ensemble ? Loin s'en faut : les artistes s'appliquent tellement à respecter le même style que, si l'on n'y prête pas attention, on ne remarque pas le changement. Combien de comics peuvent aujourd'hui se targuer de bénéficier d'une telle harmonie entre les dessins et le scénario sur une si longue période ? Non, décidément, cette saga de Captain America n'est vraiment pas comme les autres.



 

Ce run de Brubaker est le summum de la carrière de Cap', pas seulement parce que l'auteur a osé le tuer mais surtout parce qu'il a compris l'âme du héros et l'a faite flotter sur le titre après son trépas. Modernisant un à un éléments les plus emblématiques de sa mythologie, il a rendu passionnant un héros qui rebutait la plupart des fans. Avec des techniques narratives ambitieuse et épaulé par une équipe artistique solide, Brubaker a réussi l'exploit de ressusciter une légende en la tuant. INDISPENSABLE !

 

[conclusion=5][/conclusion][onaime]-La meilleure histoire de Captain America
- Un épisode 25 entré dans la légende
- Un scénario brillant
- Un graphisme impeccable[/onaime][onaimepas]- Il faut lire les tomes précédents pour apprécier celui-ci[/onaimepas]

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Encore des omnibus !

  • S.H.A.Z.A.M
    S.H.A.Z.A.M

    il y a 10 ans

    Cette histoire est dans le tome 3 de Civil War (deluxe) : la mort de captain America ?

  • Kit_Fisto
    Kit_Fisto

    il y a 10 ans

    J'ai lui le tome Marvel Deluxe La Légende Vivante avec La "mort" de CrâneRouge, le mystère entourant le Winter Soldier mais j'ai pas chopé et lu encore le tome L'Hiver Meurtrier... Faut que j'répare cette lacune!

  • Tandoku
    Tandoku

    il y a 10 ans

    Même question , n y a t il pas de risques de doublon avec le tome 3 de civil war ?

  • AfA
    AfA - Rédacteur de l'article Staff MDCU

    il y a 10 ans

    Cette histoire est le 3e volume du run de Brubaker et contient 12 épisodes de la série Captain America. Je n'ai plus en mémoire le contenu du 3e Deluxe Civil War mais, s'il reprend la mort de Captain, il ne doit reprendre qu'un seul ou deux épisodes sur les 12 présents dans le volume analysé ci-dessus. Pour info, toutes les fiches des comics rentrés dans notre BDD précisent les numéros US correspondante. Si un jour vous avez un doute un doublon, il vous suffit de vérifier dans notre base.

  • susano-wo
    susano-wo

    il y a 10 ans

    Il y a peut-être une partie en doublon mais l'essentiel des histoires recueillies se passent après.

  • Deluxe
    Deluxe

    il y a 10 ans

    Si je me trompe pas, tu as un numéro en doublon, juste le numéro de la mort, enfin de l'attentat sur Captain. J'ai pas les bouquins sous les yeux mais comme dit Susano, l'essentiel se passe après.

  • S.H.A.Z.A.M
    S.H.A.Z.A.M

    il y a 10 ans

    Merci :)

  • Spydex
    Spydex

    il y a 10 ans

    Ça suit Civil War c'est bien ça ?

  • AfA
    AfA - Rédacteur de l'article Staff MDCU

    il y a 10 ans

    Ca se passe juste après Civil War mais, si l'épisode 25 est considéré par certains comme une conclusion de Civil War, ce n'est pas mon avis. Ca intègre les conséquences de Civil War (l'arrestation de Steve Rogers) mais le meurtre de Cap n'a rien à voir avec l'intrigue de Civil War. Faire se télescop Civil War et la série Cap était un coup de génie éditorial.

  • DrCox
    DrCox

    il y a 10 ans

    Je dois être un des seuls à m'être embêté devant Civil War. Mais comme j'adore Cap, je vais le lire. Parcontre, ayant le gros Panini bleu de Civil War deluxe, j'espère aussi qu'il n'y aura pas doublon.

  • Dick Laurent is Dead
    Dick Laurent is Dead

    il y a 10 ans

    Kit_Fisto a écrit:
    J'ai lui le tome Marvel Deluxe La Légende Vivante avec La "mort" de CrâneRouge, le mystère entourant le Winter Soldier mais j'ai pas chopé et lu encore le tome L'Hiver Meurtrier... Faut que j'répare cette lacune!
    Franchement tu peux t'en passer... Autant "Légende Vivante" est passionnant, autant les épisodes de "L'hiver meurtrier" sont soporifique. Ce nouveau Deluxe remonte clairement le niveau.

  • AfA
    AfA - Rédacteur de l'article Staff MDCU

    il y a 10 ans

    Bonjour Dick Laurent is Dead on a Lost Highwaw (Monsieur à bon goût ;)). Je ne pense pas qu'il soit pertinent de sauter un Deluxe Cap car on risquerait d'être perdu dans le tome 3. D'autant que le tome 2 est des coudées au-dessus de la grosse majorité des comics.

  • Dick Laurent is Dead
    Dick Laurent is Dead

    il y a 10 ans

    AfA a écrit:
    Bonjour Dick Laurent is Dead on a Lost Highwaw (Monsieur à bon goût ;)). Je ne pense pas qu'il soit pertinent de sauter un Deluxe Cap car on risquerait d'être perdu dans le tome 3. D'autant que le tome 2 est des coudées au-dessus de la grosse majorité des comics.
    Bien sur que j'ai bon goût ^^ Concernant Captain moi je disais ça pour que Kit_Fisto économise 30€. Perso je l'ai lu et revendu aussitôt tellement c'est peu palpitant. Et surtout ces épisodes stagnent et ne fait pas vraiment avancer l'intrigue. Bref un pti résumé suffit. Mais bon il est vrai que Panini se casse pas trop la tête avec leur publications, un résumé des tomes précédents ça aurait été trop luxueux (ben oui l'encre c'est cher et puis c'est la crise pour tout le monde ma ptite dame). Pour ça y a pas photo avec le boulot éditorial de Urban Comics mais bon ça c'est un autre débat...