Les comics influencés par leurs adaptations

Les comics influencés par leurs adaptations

Je continue sur le thème des adaptations, mais cette fois-ci, on change de sens. Aujourd’hui on parle des éléments des adaptations qui sont suffisamment populaires pour rentrer dans le canon du matériau de base. Et avec des adaptations au sommet de leur popularité, difficile de renier l’existence et la prolifération des changements éditoriaux et artistiques des comics avec l'approche d’un film ou d’une série par exemple. Je ne souhaite pas faire une liste représentative et encore moins exhaustive, je souhaite seulement aborder quelques sujets en particulier via la question de l’influence des adaptations sur les comics. C’est parti !

Blade : on garde pas grand-chose finalement

Avant le film Blade de 1998, Eric Brooks était simplement un humain chasseur de vampire. Sa mère a été tuée par Deacon Frost au moment de sa naissance, Éric possède donc une longue histoire de rancœur envers les vampires. De la création du personnage en 1973 jusque dans les années 80, Éric est juste un gars qui tue des vampires. Les changements arrivent donc une dizaine d’années après, où il est révélé que Blade ne peut pas être transformé en vampire. Une autre décennie passe, le film sort, et Brooks est désormais un dhampir, un demi vampire. Dans les faits, il est un vampire mais sans les faiblesses au soleil et tout le reste, mais au prix de son immortalité. 

Pour expliquer cette nouvelle version du personnage, Marvel utilise la morsure récente de Morbius. Comme ce dernier n’est pas vraiment un vampire classique, la nature particulière d’Éric réagi à cette morsure, développant des nouveaux pouvoirs et devenant le “Daywalker” Et jusqu’à ce jour, c’est cette version du personnage qui demeure. Il faut dire que le film était populaire lors de sa sortie et l’a rendue plus “cool”. Et oui, car visuellement, Blade avant le film était... extravagant. Alors bon le film va un peu dans le délire du costume en cuir sombre, c’est d’ailleurs le précurseur, peu de temps avant X-Men et Daredevil . Mais globalement, l’apparence du personnage est sensiblement la même aujourd’hui. Ah oui, à l’origine, le personnage est britannique, mais depuis l’interprétation de Wesley Snipes, cet aspect-là à également disparu ou en tout cas pas spécialement mis en avant.
Donc pour résumer un peut tout ça, on part d’un design typique des années 70, loufoque et très coloré pour un humain britannique comme parmi tant d’autres à l’exception près qu’il zigouille du vampire, pour finir sur un demi-vampire, tout de noir vétu avec des lunettes de soleil, et sa nationalité n’est pas tant mis en avant, voir très peu mentionné.

Avec cet exemple, on peut dire que les changements dû aux adaptations peuvent s’avérer bénéfiques pour la popularité d’un personnage, le modernisant pour le rendre plus pertinent à notre époque. Je vous mets au défi de trouver quelqu’un à qui l’ancien Blade manque…

Les lances-toiles de Spider-Man et le grappin de Batman :
un petit détail peut avoir de l’importance

Certains super-héros possèdent des arsenals d’équipements et d’armes tellement reconnaissables qu’on peut les qualifier d’iconiques. En changer devient donc parfois compliqué, et les enlever encore plus. Batman a toujours ses Batarangs et sa Batmobile, Captain America a son bouclier, et Spider-Man a ses lanceurs de toile. Autrefois une constante, ces lanceurs ont aujourd'hui un statut plus irrégulier. La trilogie Spider-Man de Sam Raimi a changé beaucoup de choses dans le monde du super-héros et plus particulièrement ses adaptations. Alors que l’influence des films X-Men n’ont pas vraiment débordé sur leurs équivalents comics, la réception critique et commerciale du premier film sorti en 2002 aura changé au moins un élément de la mythologie du Tisseur. On en reparlera un peu plus tard, mais les décisions ont souvent tendance à suivre là où est l’argent.

Et comme les films font bien plus pour l’équilibre financier de Marvel que les comics, ces derniers ont souvent tendance à évoquer les films par divers moyens. Le Peter Parker de Tobey Maguire, possédant des lanceurs de toiles organiques, le Peter Parker des comics se retrouve également à en avoir. Vous pourriez dire que je pinaille, et vous n’aurez pas foncièrement tort. 
Cependant, un gadget comme celui-là n’est pas un simple gadget. C’est un symbole du personnage mais c’est surtout la représentation de l’intelligence de Peter Parker . Et oui, car avant tout, Peter est un garçon brillant, capable de construire une toile pareille alors qu’il a à peine 15 ans. Et en plus c’est limite bizarre la version organique, c’est un peu dégoûtant. Et en plus je dis ça d’un point d’une personne qui a découvert Spider-Man avec les films de Sam Raimi. Des choses plus importantes ont été changées dans la longue histoire de l’Araignée, des éléments bien plus controversés (y a qu'à lire les comics actuels pour constater ça), qui rendent le débat sur les lanceurs de toile assez futile. 

A l’inverse des changements peuvent venir des adaptations et être incontournables aujourd’hui, comme le Bat-Grappin ou Harley Quinn , venus du cinéma (Batman de Tim Burton,1989) et de la télévision (Batman : La Série Animée, 1992) respectivement. Je voulais m’attarder sur le cas des lanceurs de toiles car c’est un des premiers exemples de l’influence des adaptations “rectifiant” un personnage majeur comme Spider-Man .

Gary Frank sur Superman : moi je veux dessiner Superman
comme moi je m’en souviens

Avant de passer sur les points qui fâchent, qui me prendront un peu plus de temps, on respire un peu avec un sujet un peu plus léger. Les artistes étaient jeunes eux aussi durant leur jeunesse (et oui ça peut arriver). Et comme tout le monde, on est toujours influencé par ce qu’on a vu à la télé ou au cinéma à l’âge où se forme notre personnalité, notre imaginaire. C’est donc un âge charnière, qui suit chaque individu pour le restant de sa vie. Gary Frank ne déroge pas à cette règle. Né en 1969, il a seulement 9 ans quand le Superman de Richard Donner sort dans les salles obscures. Le film étant assez iconique il faut le reconnaître, il influence énormément de choses de la mythologie Superman . L’esthétique de Krypton , le S étant un symbole de la famille El, Clark est un journaliste et non un présentateur télé comme il était dans les comics à l’époque. Le film, et le reboot complet dû à Crisis on Infinite Earths quelques années après va pas mal secouer le schéma classique de Superman .

On avance dans le temps pour arriver en septembre 2009. Superman : Origines Secrètes sort son premier numéro et Clark Kent ressemble quand même pas mal à Christopher Reeve. Le design général des personnages, Krypton, Lana, Lois, Perry… tous sont dans la lignée du film de 78. Certains éléments scénaristiques sont d’ailleurs les mêmes, comme la séquence de l'hélicoptère par exemple, mais pas tous. C’est donc surtout l’aspect graphique qui est inspiré du film. 
Je suis assez mitigé sur le choix de Gary Frank. Sur le plan technique, Frank est intouchable. Chaque case est insufflée d’un sens du détail hallucinant, dans les visages des personnages, et toute l’énergie des scènes de combats se ressent à travers ses traits. C’est tout simplement l’un des meilleurs de l’industrie. C'est plutôt le choix de coller autant à une direction artistique existante qui me pose problème. Pour représenter une version remise au goût du jour des origines de Superman , revenir sur de l’existant me parait un peu contre productif. 

Que ce soit Geoff Johns (qui a travaillé avec Richard Donner au tout début de sa carrière) ou Gary Frank qui ait décidé de reprendre cette esthétique, le fait de recréer une étape clé d’un des personnages les plus connus de la planète avec une vision artistique très similaire à celle datant de 30 ans par pure admiration et nostalgie me paraît tourner en rond. Superman est un personnage qui a besoin d’évoluer avec son temps, pour inspirer les gens de la génération qui lit ou qui regarde ses aventures. Mais bon ce n’est plus si grave que ça, vu que cette origine a été changée depuis (New 52, Rebirth…). Et puis les dessins sont quand même vachement biens, donc je vais pas me plaindre ( pas plus que ça en tout cas).

Harley Quinn : la popularité comme outil de pression éditoriale

Bon on passe à des sujets un peu moins légers maintenant. J’ai mentionné un peu plus haut qu'Harley Quinn fait désormais partie de la galerie typique des adversaires de Batman . Apparue pour la première fois dans un épisode de Batman : La Série Animée de 1992, l’acolyte du Joker a vite gagné en popularité, faisant également ses débuts dans les comics avant de faire partie de chaque version de l’univers de Gotham City . Et comme tout personnage, il a évolué, avec des itérations différentes. La personnalité du Joker , abusive et toxique au possible, n’ayant que Batman en tête est donc parfaite pour aborder la question des relations nocives et destructives, et du processus d’émancipation pour tous, mais évidemment avec plus de résonance chez les lectrices que chez les lecteurs. 

Après quelques périodes naviguant entre les griffes du Clown et avec les Sirènes de Gotham City , on la retrouve un peu plus tard dans la Suicide Squad, car comme par hasard, un film Suicide Squad avec Harley Quinn est prévu prochainement. C’est à partir de ce moment que l’évolution d’Harley Quinn prend une tournure importante. Les blockbusters de comic book ont souvent tendance à vouloir faire des films centrés sur les méchants mais sans les rendre trop méchants. Black Adam , Suicide Squad (les deux films), la série Loki … La rédemption est tendance il faut croire. 
Et avec l’immense popularité de la version du personnage de Margot Robbie , les comics et même la série animée ont pris la même route. Progressivement le personnage a plus basculé vers l’anti-héroïne. Si certaines versions du personnage peuvent se permettre d’être réhabilité, l’Harley Quinn d’Injustice a activement aidé le Joker à tuer Lois Lane et tout Métropolis, la version des films a tué Robin donc bon la faire passer pour une anti-héroïne un peu barrée est parfois un peu tiré par les cheveux.
Le vide de l’ancienne Harley Quinn a essayé d’être comblé par Punchline, qui au final d’a plus vraiment de présence dans l’univers DC. A quoi bon créer une copie d’un personnage existant plutôt que de laisser Joker avec cette rupture et explorer le personnage avec cette épreuve à surmonter ? Il faudrait demander ça aux responsables éditoriaux de DC Comics.

Mais pourquoi Harleen Quinzel a connue autant de changements ? Eh bien, à peu près en même que le premier film Suicide Squad, Jim Lee (co-éditeur de DC à l’époque, aujourd’hui, président, éditeur et chef créatif de DC Comics) la qualifie comme le quatrième pilier de DC, avec Batman , Superman et Wonder Woman , surpassant même cette dernière en nombre de séries comics régulières. Harley Quinn est donc la première figure féminine de DC, et ne peut donc pas être vraiment violente ou méchante, car ça ne vend pas autant. Le traitement de Superman et de Wonder Woman à longtemps laissé à désirer, en termes d’exposition et de publication, donc avant de venir de forcer un nouveau personnage pour en faire une égérie, bien traiter ses personnages existants, c’est déjà quand même pas mal.
PS : Je tiens à préciser que je ne déteste pas le personnage d’Harley Quinn seulement sa surexposition soudaine et son évolution forcée pour l’ajuster à un rôle plus légitime au vu de sa popularité. Harleen de Stjepan Šejić est excellent et les trois premières saisons de la série animée Harley Quinn sont très drôles !

Suprématie cinématographique : le cas de la disparition des X-Men
et des 4 Fantastiques

On reste dans le même thème mais on passe chez Marvel. Les films ne sont pas uniquement la raison des modifications ou des ajouts de certains personnages dans la mythologie principale d’un univers partagé dans les comics, ils sont aussi la raison de leur disparition. Menons l’enquête pour tenter de retrouver les X-Men et les 4 Fantastiques. Remontons pour cela à la fin des années 1990, quand Marvel était en plein période de faillite. Pour survivre, outre vendre le mobilier des bureaux (oui cette anecdote est vraie), les droits cinématographiques sont vendus à diverses sociétés de productions, comme Sony, Universal ou la 20th Century Fox. Les droits d'adaptation en film des plus gros héros de l’époque chez Marvel sont donc vendus pour pas grand-chose, car Marvel n’a pas vraiment d’autre choix pour échapper à la fermeture de l’entreprise. C’est pour cela que fin des années 1990-début 2000, on voit pas mal de projets sortir en salles, les X-Men, Hulk, les 4 Fantastiques, Blade, Spider-Man… distribués par des studios différents.

Peu de temps avant le premier film Iron Man, l’annonce des films de la Phase 1 de Marvel Studios est qualifiée de projet sur des personnages de seconde zone. Et oui à l’époque les héros les plus connus de Marvel, c’est Spider-Man , Hulk et les Quatre Fantastiques. Tous les droits qui n’ont pas été vendus restent donc chez Marvel, et ces derniers décident alors de créer leur propres films. Mais les droits déjà vendus restent chez les multiples studios qui les ont achetés auparavant. Et comme Hollywood est un milieu bien plus vicieux que celui des comics, mais aussi bien plus lucratif, les actionnaires et haut placés de Marvel puis de Disney (ce dernier ayant racheté Marvel en 2009) décident de maximiser les chances et rendre les personnages pour lesquels les droits d’adaptation sont chez Marvel/Disney plus proéminents dans les comics. 

Et à l’inverse tous les personnages dont les droits sont ailleurs, comme les X-Men et les Quatre Fantastiques, leurs présences dans les rayons de nos libraires se sont amoindries et leur apparition dans l’univers comics est plus ponctuel et isolé qu’auparavant. Les X-Men sont toujours sur une île ou sur une autre, qui sera détruite quelques temps après, et Ike Perlmutter (anciennement patron de Kevin Feige, puis relégué à la division TV de Marvel avant les séries Disney+, puis relégué à licencié de Disney) voulait également les remplacer par les Inhumains, d’où leur présence dans l’affreuse série éponyme et Les Agents du Shield (qui elle est loin d'être affreuse, bien au contraire). Avec le rachat de la Fox par Disney et l’arrivée prochaine des mutants et des Quatre Fantastiques dans le MCU, le focus sur ces coins là de Marvel devrait bientôt refaire surface dans les comics et ailleurs. Même si le quasi-monopole de Disney ne m’enchante pas du tout, il faut reconnaître que tout avoir sous un même toit permet de tout remettre au même niveau, et d'avoir peut-être le retour de plus de diversité dans les publications.

Voilà pour quelques exemples d’adaptations qui influencent le monde des comics. On finit sur une note un peu plus cynique qu’au début certes mais je trouve qu’il est important de se rappeler que les comics n’existent pas pour vendre leurs adaptations. Il faut varier les plaisirs et aller explorer les titres et les histoires qu’on a envie de voir, et pas forcément celle qu’on nous montre.

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