Conférence Chris Claremont et Alan Davis au PopCon de Toulouse

Conférence Chris Claremont et Alan Davis au PopCon de Toulouse

Captain Britain, Excalibur, X-Men… Difficile de ne pas penser au duo Chris Claremont / Alan Davis à l’évocation de certaines séries des années 1980 qui font encore date aujourd’hui. Dans le cadre du premier festival Super-Héros au sein de l’évènement PopCon, ces deux artistes légendaires ont posé leurs valises à Toulouse et se sont prêtés au jeu des questions / réponses au travers d’une conférence menée sous la houlette de Xavier Fournier. Malgré une traductrice un peu aux fraises et parfois à côté de la plaque, la rencontre avec les créateurs d’Excalibur s’est avérée fort intéressante et marquée par la réelle complicité entre les deux bonhommes !

Comment êtes-vous arrivés tous les deux à travailler sur le personnage de Captain Britain ?

Chris Claremont : Pour parler de Captain Britain, il faut se replonger de très nombreuses années en arrière, dans les années 1970. À l’origine, Stan Lee avait l’idée de transposer l’univers Marvel au Royaume-Uni avec un personnage qu’il avait appelé Captain Britain, une sorte d’équivalent de Captain America au pays de sa Majesté la Reine. Un jour, Stan est venu me voir et m’a dit ceci :

- Chris, tu es anglais, non ?
- Oui…
- Et Herb Trimpe, il vit à Londres ?
- Oui…
- Bien ! Vous avez tous les deux le job pour créer Captain Britain. Allez hop, au boulot !

Voilà comment est né le personnage via Marvel UK (rires). Je dois avouer que j’ai pris plaisir à donner vie à Captain Britain et à le faire évoluer même si la série Captain Britain Weekly n’a pas trop marché à cause de dissensions avec l’éditeur Larry Lieber (qui n’était autre que le frère de Stan Lee) et qu’elle a été vite annulée. Quelques années plus tard, le personnage est réapparu sous la houlette du scénariste Alan Moore et de l’illustrateur Alan Davis. Et lorsque j’ai vu les premières images de leur travail, je me suis dit que c’était tout bonnement incroyable ! Dès lors, je me suis mis en tête de travailler avec Alan Davis coûte que coûte…

Alan Davis : Il faut préciser qu’avant Alan Moore et moi-même, il y a eu une autre équipe créative à l’origine du reboot de Captain Britain avec le scénariste Paul Neary et l’artiste Dave Thorpe. À mon humble avis, c’est à eux qu’on droit vraiment le retour fracassant de Captain Britain

Chris Claremont : Plus tard, lorsqu’Alan Moore a quitté le navire pour se concentrer sur d’autres horizons, Alan Davis a continué à travailler seul sur cette série. De mon côté, j’ai continué à lire Captain Britain et, selon moi, c’était encore meilleur que lorsque Moore était au scénario. À partir de là, j’ai fait des pieds et des mains pour pouvoir travailler avec Alan Davis sur la série X-Men… et à force de le harceler, il a enfin accepté ! (rires) Notre première collaboration a donc débuté sur le New Mutants Annual #2 dans lequel Betsy Braddock (Psylocke) se présentait aux X-Men. Ensuite, on a travaillé sur plein de personnages comme Captain Britain ou bien sur le concept développé par Ann Nocenti avec Mojo et Longshot. Je savais que bosser avec Alan allait être génial, mais quand j’ai vu le rendu final de ses dessins, j’ai été véritablement époustouflé par son talent !

Alan, quel a été votre état d’esprit quand vous avez commencé à travailler sur les mutants et les X-Men ? Pensiez-vous que vous alliez y rester longtemps ?

La raison pour laquelle j’ai mis autant de temps avant de travailler avec Chris, c’est que j’étais m’étais déjà engagé chez DC Comics pendant quelques années pour travailler avec Mike W. Barr sur la série Batman and the Outsiders ainsi que sur Detective Comics. De plus, je dois avouer que j’avais pas mal d’appréhension à l’idée de travailler avec Chris car il m’impressionnait beaucoup.

Chris Claremont : Ce n’est plus le cas maintenant ! (rires)

Alan Davis : Mais si, mais si… (rires)

Chris Claremont : Quand Alan m’a rejoint sur la série X-Men, il fallait bien avouer que les mutants étaient devenus de plus en plus extraordinaires. J’ai donc tout fait pour l’attirer pour de bon chez Marvel et le garder loin du giron de DC Comics. C’est pourquoi je lui ai proposé de travailler sur plein de personnages comme Kitty Pryde ou Nightcrawler et même d’en éliminer quelques-uns dans l’arc narratif Mutant Massacre. Il faut savoir qu’à cette époque (on est au milieu des années 1980), Marvel octroyait une prime et quelques royalties quand des artistes créaient leurs propres séries. De ce fait, on s’est dit que ce serait cool de faire une série bien à nous avec nos propres personnages. Et c’est comme ça qu’est né Excalibur !
Dès le début, on voulait se concentrer sur quelque chose de fun, un poil violent, un poil subversif et moins sérieux qu’Uncanny X-Men. Pour garder Alan à mes côté, je me suis donc creusé la tête pour mettre en place des histoires intéressantes de façon à ce qu’il ne parte voir si l’herbe était plus verte ailleurs…

Comment le design des personnages a-t-il été repensé dans le cadre de la série Excalibur ?

Alan Davis : En fait, je n’ai pas l’impression qu’il y ait eu de très grands changements dans le design des personnages ou de leurs costumes, sauf peut-être pour Nightcrawler. Le but c’était d’en faire un leader, un personnage central de la série donc on a fait en sorte de retravailler sa carrure pour le rendre plus musculeux et athlétique. Parallèlement à ça, on a revu sa gestuelle pour y rajouter un peu de grâce et d’élégance à la façon du danseur Rudolf Noureev.
L’ironie du sort, c’est que John Byrne, le créateur de Nightcrawler n’a pas du tout aimé le nouveau design de son personnage dans Excalibur car il avait maintenant tout d’un héros alors même qu’il avait été imaginé à la base comme une sorte de démon. En fait, John Byrne n’a jamais tellement aimé ce personnage et le fait de voir qu’il avait pris une place centrale dans Excalibur n’a pas arrangé les choses ! (rires)

Chris, quand vous avez mis en avant Psylocke et Captain Britain dans l’annual sur lequel vous avez travaillé avec Alan, est-ce que vous aviez déjà en tête tout ce que vous alliez faire par la suite avec ces personnages ? Aviez-vous déjà un plan bien structuré ?

Oui, j’avais déjà en tête quelques idées précises de ce que j’allais faire avec les personnages à court et long terme. C’est pourquoi, j’ai fait en sorte d’étoffer certaines personnalités de héros et de vilains puis de mettre en place des situations spécifiques pour bien préparer le terrain. Bien entendu, comme je l’ai dit tout à l’heure, j’ai aussi tout fait pour qu’Alan trouve mes idées intéressantes afin qu’il reste motivé à bosser à mes côtés…

Quels sont vos épisodes favoris dans Excalibur ?

Alan Davis : Ce n’est pas évident de ne choisir qu’un seul épisode dans cette fantastique série… (il réfléchit) Si je devais vraiment en mettre un avant, je dirais que c’est celui dans lequel on voit énormément de personnages qui, au final, sont une seule et même personne : Impossible Man. J’ai aussi bien aimé faire la couverture d’Excalibur #16 avec Nightcrawler sous les traits de John Carter en reprenant l’affiche A Princess of Mars de Frank Frazetta

Chris Claremont : En ce qui me concerne, je suis un fan absolu de tous les épisodes écrits et dessinés par Alan Davis. Il y en a environ une petite vingtaine et je dois avouer que j’ai été surpris lorsque je les ai lus. Pour tout dire, j’étais jaloux ! (rires) En effet, étant que scénariste, je trouve ça injuste qu’un illustrateur aussi doué qu’Alan soit aussi un écrivain talentueux ! (rires) Ce gars-là sait apporter énormément de plus-value sur les différents scripts sur lesquels il travaille et en plus il n’a aucun mal à retranscrire les histoires dans ses dessins !
De plus, il faut dire aussi qu’Alan n’a jamais eu de problème pour s’adapter aux choses que je lui demandais en tant que scénariste comme par exemple, faire en sorte que le personnage de Rachel Summers se transforme en dinosaure sans perdre son humanité. À chaque fois que j’avais une idée un peu tordue, il arrivait à l’illustrer avec une aisance artistique incroyable. Ça m’a toujours poussé à me dépasser sur mes propres scripts. En effet, je me disais que si Alan arrivait à m’étonner sur des histoires que j’avais moi-même façonnées alors les lecteurs, eux, devaient être conquis…

Alan Davis : Ce que dit Chris est vraiment très flatteur pour moi ! (rires) Mais je dois avouer que je ne me sens pas véritablement écrivain, ni même scénariste. Moi, mon truc c’est le dessin. Et il faut savoir que quand j’ai travaillé tout seul sur les scripts et les dessins d’Excalibur au travers de quelques épisodes, j’ai juste mis en pratique ce que j’avais appris de Chris. Concernant la mise en place d’un scénario ou d’une narration, tout ce que je sais vient de Chris

Est-ce qu’il existe des histoires non publiées ou qui n’ont pas pu être racontées dans Excalibur ?

Chris Claremont : Il y a beaucoup d’histoires que j’aurais voulu raconter mais nous n’avons pas eu le temps de les mettre en place. Je me souviens d’un scénario en particulier qui me tenait à cœur et qui se serait passé après le run écrit tout seul par Alan. Cette histoire était inspirée par les séries et les films liés au pensionnat de jeunes filles de St Trinian’s qui m’ont beaucoup marqué quand j’étais jeune. L’idée était de raconter une histoire qui s’inscrivait dans l’arc narratif Girl’s School from Heck avec un concept typiquement Britannique, des super vilains, une équipe de foot et beaucoup de fun…

Alan Davis : En fait, on avait tellement d’idées qu’on aurait pu faire des runs de plusieurs années en déclinant des histoires à l’infini dans des réalités alternatives comme on l’avait déjà fait lors de la saga The Cross-Time Caper. On aurait pu tenir au moins deux ans, juste avec cet arc narratif ! (rires)

En relisant les épisodes de la série Excalibur, on se rend compte de quelque chose de très frappant par rapport à l’univers des X-Men, c’est que les mutants sont souvent hors de leur rôle de super-héros. C’était quelque chose de volontaire ?

Chris Claremont : De mon point de vue, je pense que les personnages ne doivent pas avoir qu’une seule facette. Chacun mène une vie de famille, une vie au travail et au final sa propre vie… C’est pareil pour les mutants. Le but n’est pas uniquement de les montrer en costume se battre face à des ennemis. Il fallait aussi mettre en avant qu’ils menaient aussi une vie "normale" parallèlement à leurs combats. À ce titre, l’un des moments que j’ai le plus aimé dans la série Excalibur c’est quand Brian Braddock va rencontrer son ex-petite amie du lycée. C’est à ce moment-là que le personnage prend du recul sur sa vie, sur son passé et fait le point sur ses relations amoureuses. Je dois avouer que les dessins d’Alan pour illustrer ce passage ont permis de rendre le personnage complet...
De plus, j’ai toujours pensé qu’utiliser les mutants dans des rôles à contre-emploi apportait un vent de fraîcheur indéniable dans nos histoires. Ainsi, on a pu voir Nightcrawler avec une robe attaché à un totem ou Kitty Pryde dans un costume des années 1940 poursuivie par des hommes en noir... Ces situations complètement loufoques et mises en page par Alan ont permis à Excalibur d’avoir un ton décalé et de se détacher des autres séries, notamment des X-Men.

Questions du public :

On voit le personnage de Kitty Pryde rentrer dans l’âge adulte dans Excalibur alors qu’elle n’était qu’une jeune adolescente inexpérimentée dans la série X-Men. Comment avez-vous travaillé sur cette évolution-là ?

Chris Claremont : (il réfléchit longuement) Alan, à toi l’honneur ! (rires)

Alan Davis : J’ai un regard différent sur Kitty que la plupart des lecteurs. Pour moi, la meilleure période de la vie pour les super-héros c’est l’adolescence car c’est à ce moment-là que tout change, que ce soit dans le corps ou bien dans l’esprit. En ce qui concerne les émotions, elles sont incontrôlables voire carrément chaotiques avant 20 ans. Puis, quand on a passé 20 ans, les choses commencent à se calmer un peu et à se stabiliser… Pour un artiste ou un scénariste, je trouve que raconter les histoires de personnages adultes est plutôt embêtant. Du coup, j’ai toujours préféré la Kitty Pride adolescente et inexpérimentée plutôt que la Kitty Pryde adulte et responsable que je n’ai jamais trouvé intéressante...

Il y a quelques années de ça, il y a eu une rumeur sur une reprise de la série Excalibur sous le titre Excalibur for Ever mais ça n’a jamais eu lieu. Est-ce que vous allez travailler encore ensemble un de ces jours ?

Chris Claremont : C’est vrai qu’on nous avait proposé de reprendre Excalibur il y a 5 ou 6 ans, mais apparemment nous étions trop chers pour que le projet soit lancé. (rires)

Alan Davis : De mon côté, ça fait très longtemps que je n’ai pas parlé à quelqu’un de chez Marvel. La proposition n’est jamais arrivée jusqu’à moi… mais n’hésitez pas à suggérer à l’éditeur de faire appel à nous ! (rires)

Dans le run qu’a fait Alan tout seul, d’anciens personnages ont été remis en avant, notamment Kylun qui avait été un peu oublié par Chris. Pourquoi avoir ressorti tous ces personnages du placard ?

Alan Davis : À ma connaissance, Chris n’avait pas vraiment de projet pour le personnage de Kylun et la raison pour laquelle je l’ai remis en avant c’est parce que Marvel a demandé que les intrigues qui étaient restées encore ouvertes soient closes. De ce fait, j’ai créé une histoire pour tous ces personnages avec une fin.

Si j’étais un éditeur très riche et que je vous proposais de travailler sur une histoire intitulée Captain Britain contre le Brexit, comment ça débuterait ?

Alan Davis :  Ca commencerait sans doute par le fait que Captain Britain aurait l’impression de faire un mauvais rêve ! (rires)

Chris Claremont : Moi, je commencerais cette histoire par une convocation de Betsy et Captain Britain au palais de Buckingham car le Royaume-Uni est toujours une monarchie… et il serait temps que la Reine prenne la parole ! Mais malheureusement c’est l’art qui imite la vie te non le contraire…

Un grand merci à toute l’équipe de PopCon / Super-Héros ainsi qu’à Xavier Fournier.

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