Interview de Fernando Blanco au TGS 2018

Interview de Fernando Blanco au TGS 2018

Fernando Blanco est quelqu’un de discret… mais un artiste ô combien apprécié qui traîne ses guêtres depuis plus de vingt ans au sein de nombreux éditeurs au détour de séries comme Batman Eternal, Star Wars, Batwoman, Army Of Darkness ou bien Midnighter And Apollo. Véritable touche-à-tout, l’homme a abandonné en 2006 son rôle de simple encreur pour devenir un artiste à part entière au trait bien assuré jusqu’à s’imposer comme l’une des valeurs sûres auprès d’éditeurs de renom comme Marvel ou DC Comics. Excusez du peu ! En ce dernier jour du Toulouse Game Show, Fernando Blanco nous a accordé dix petites minutes pour un entretien rapide mais très instructif au travers duquel on a appris pas mal de chose sur cette artiste Ibérique décidément hors du commun !

Ça fait environ 20 ans que vous évoluez dans le p’tit monde des comics au sein de pas mal d’éditeurs comme Dark Horse, Marvel, DC ou bien Dynamite. Quel regard avez-vous sur l’industrie du comic book d’aujourd’hui par rapport à vos débuts dans le métier ?

(Il réfléchit.) Ce n'est pas évident de répondre… (rires) Je dirais qu'aujourd'hui, l'industrie du comics est toujours dominée par les grosses écuries que sont Marvel et DC Comics. Cependant, les éditeurs indépendants sont de plus en plus importants et amènent beaucoup de diversité. De plus, on remarque une montée en puissance de comics books façonnés sous l'étiquette creator owned et ça, c'est plutôt une bonne chose dans l'évolution de l'industrie des comics car ça permet aux artistes de proposer des choses nouvelles et de choisir leur façon de travailler de manière quasi indépendante.

"J’en avais un peu marre de n'être cantonné qu'au rôle d'encreur alors même que le métier d'illustrateur était fait pour moi ! Et puis j'en avais marre de travailler pour les autres !"

À la base, vous étiez encreur. Comment en êtes-vous arrivé à devenir un artiste à part entière dès 2006 ?

En fait, j'ai toujours voulu être un artiste complet. En 2006, j'en avais un peu marre de n'être cantonné qu'au rôle d'encreur alors même que le métier d'illustrateur était fait pour moi ! Et puis j'en avais marre de travailler pour les autres ! (rires) Au-delà de ça, je me suis vite aperçu que le métier d'encreur n'avait pas beaucoup d'avenir avec l'arrivée massive des médias digitaux et de l'encrage via ordinateur. J'ai donc décidé d'arrêter l'encrage pour de bon et je me suis concentré totalement à l'illustration. Mais je dois avouer que ça n'a pas été facile car, à cette période-làl, les éditeurs n'étaient pas convaincus qu'un simple encreur puisse devenir un véritable artiste. En plus, à cette époque, il y avait un important clivage entre les activités et les métiers du comics si bien qu’il était très difficile de passer de l’un à l’autre.

Un an après le mouvement #MeToo, est-ce que vous avez ressenti des changements dans la manière de créer des comic books ?

Je ne suis pas convaincu que le mouvement #MeToo ait véritablement influencé le monde du comics en ce qui concerne le féminisme et plus largement la place de la femme. En effet, les comic books avaient déjà intégré ces notions de diversité, de féminisme ou bien de multiculturalisme quelques années auparavant. C'est d'ailleurs assez intéressant de voir que parfois les comics peuvent être en avance sur leur temps ! De plus, ça fait longtemps qu’il y a pas mal d'équipes créatives féminines ou d'héroïnes au travers des planches et tout le monde en est vraiment satisfait. Bien entendu, il y aura toujours des grincheux rétrogrades qui sont dans le même état d'esprit que ceux du Comicsgate… mais ces gens-là appartiennent au passé ! (rires)

Selon vous, quelle est la différence entre les comics européens et américains ?

Pour moi, la différence principale se trouve dans les deadlines ! Il y a moins de pression dans les comics européens : il est possible de faire moins d'une dizaine de pages en un an tandis qu'aux États-Unis, il n'est pas rare de devoir produire vingt pages par mois ! (rires) La raison de cette différence entre les deadlines est due au fait qu'il y a une demande considérable du lectorat en ce qui concerne les comics aux USA. Les artistes sont donc formatés pour produire beaucoup et en peu de temps.

Vous avez déjà travaillé pour des éditeurs européens ?

Oui, il y a pas mal de temps j'ai travaillé pour Semic sur une mini-série de quelques numéros [il s’agit du titre Strangers sorti en 2002 – NDR]. J'en ai un excellent souvenir mais j'ai ressenti une grosse différence dans les deadlines dès que j'ai commencé à bosser pour les comics US. Cependant, ce qui est cool en Europe, c'est que les artistes ont plus de temps pour travailler sur leurs illustrations ; ils peuvent peaufiner les détails sans avoir une énorme pression de la part de l'éditeur pour rendre le travail au plus vite ! (rires) En ce qui me concerne, j'ai l'habitude de travailler à l'américaine, mais parfois je serais bien content d'avoir un peu plus de temps comme en Europe…

Récemment, vous avez travaillé avec Steve Orlando sur Midnighter And Apollo. Combien de temps cela a-t-il pris pour mettre ce titre en place ?

Ce n'est pas évident de répondre à cette question car quand j'ai été contacté par DC Comics pour illustrer ce titre, Steve Orlando avait déjà quasiment finalisé son script, je ne pourrais donc pas vous dire le temps qu'il a mis pour le faire. En ce qui concerne le premier numéro de Midnighter And Apollo, je dirais que nous y avons passé environ une petite dizaine de jours, puis les choses se sont déroulées très naturellement pour les numéros suivants.

En règle générale, comment se passe le travail entre vous et les scénaristes ?

En fait tout dépend du scénariste. Certains font en sorte de tout détailler car ils ont des images bien précises en tête et d'autres ne donnent que les grandes lignes à l'artiste et le laisse faire. L'illustrateur doit alors se débrouiller pour faire rentrer ce script dans un nombre de pages déterminé à l'avance (avec en général cinq ou six cases par page). Bien sûr, il est possible de faire évoluer le nombre de cases et de les remodeler en fonction des scènes à illustrer, mais on part quand même d'une base d'environ cinq cases. Tout le travail du dessinateur est donc de faire en sorte de retranscrire le script du scénariste sans jamais le dénaturer mais en prenant compte du nombre de cases à remplir. Il faut parfois savoir jouer les équilibristes ! (rires)

"En ce qui me concerne, j'ai l'habitude de travailler à l'américaine, mais parfois je serais bien content d'avoir un peu plus de temps comme en Europe…"

Il vous arrive parfois de devoir travailler avec d’autres artistes sur une même série (Catwoman avec Joelle Jones, par exemple). Devez-vous adapter votre propre style au style graphique des autres illustrateurs ?

Non pas vraiment… En fait, lorsque les éditeurs font appel à différents artistes pour une même série, c'est parce qu'ils veulent qu'il y ait des styles graphiques différents sur un même récit. À partir de là, il n'est pas demandé aux illustrateurs de s'adapter aux styles des autres. Du coup, ce n'est pas bien grave si les personnages ne sont pas représentés de la même façon d'un artiste à l'autre car ce qui compte c'est que chacun puisse inclure sa personnalité dans les dessins tout en respectant le travail du scénariste. L'essentiel c'est que le script soit respecté par tout le monde !

Que peut-on attendre de vous pour l’année 2019 ?

Je vais continuer à travailler avec DC Comics mais aussi sur d'autres projets… mais je n'ai pas le droit d'en dire plus ! (rires)

Un grand merci à Amélie, Guillaume ainsi qu’à toute l’équipe du Toulouse Game Show

Partagez cet article !
Ça peut vous intéresser
Twitch du jeudi 03/07 : Squid Game, Ironheart, Doom Academy, Krypto et plus

Twitch du jeudi 03/07 : Squid Game, Ironheart, Doom Academy, Krypto et plus

02 Juillet 2025

Rejoignez-nous et partagez votre avis !

[VF] Sélection MDCU de juillet 2025

[VF] Sélection MDCU de juillet 2025

02 Juillet 2025

Nos avis sur les sorties du mois

[Sorties Comics] Mercredi 02 Juillet

[Sorties Comics] Mercredi 02 Juillet

02 Juillet 2025

Qu'avez-vous prévu d'acheter ?

Pas d'avis pour le moment.