Barry Kitson fait partie de ces artistes pour qui le monde des comics n'a plus aucun secret et qui eut la chance de travailler sur de nombreuses séries à succès comme Batman, Superman, Wolverine, The Avengers chez les plus grands éditeurs. Bref, le bonhomme est une légende et possède un CV long comme le bras. Autant dire que sa venue au Toulouse Game Show 2018 a été un veritable succès puisque l'ami Kitson a dessiné à tour de bras pour les nombreux fans venus lui rendre visite sur le stand des comics. Il nous a accordé dix petites minutes pour une interview dans son emploi du temps de ministre, on en a donc profité pour en savoir plus sur sa façon de travailler et d'aborder l'univers des comic books.
Après de nombreuses années à travailler avec Marvel, DC, Valiant et bien d'autres, comment voyez-vous l'évolution de l'industrie des comics ?
En voilà une question difficile, d'entrée de jeu ! (rires) (il réfléchit longuement) Je pense que nous sommes en train de vivre une période très intéressante car j'ai l'impression que les grosses structures comme Marvel et DC travaillent de plus en plus avec leurs propres studios pour développer des films et leurs univers cinématographiques plutôt que de totalement se concentrer sur les comic books. De plus, avec l'arrivée en force des éditeurs indépendants sur ce terrain-là comme Image ou Valiant, j'ai l'impression que c'est une véritable course qui s'est engagée. On est donc dans une période euh… intéressante !
D'après vous, est-ce que le mouvement #MeToo a fait évoluer la place de la femme au sein de l'industrie des comics ?
Je ne pense pas que ce mouvement ait fait véritablement changer les choses… En ce qui me concerne, je crois que les comics sont en évolution constante. La place de la femme a été mise en avant dans les comics il y a déjà pas mal de temps. #MeToo a juste permis de mettre un coup de projecteur sur cette volonté de changement. Pour moi, les comics ne sont que le reflet d'un pan de la société qu'ils ont bien voulu recréer dans leurs pages. En effet, dans les années 1960, les comic books mettaient en avant la Guerre Froide dans une multitude d'histoires et la place de la femme n'y était quasiment jamais abordée. Puis, dans les années 1970, on a commencé à mettre en place un peu plus de multiculturalisme avec des personnages de couleur et aussi des femmes. Je pense que les comic books se sont toujours adaptés à leur époque et à leur lectorat : l'industrie n'a pas attendu le mouvement #MeToo pour mettre en avant les femmes, que ce soit dans les pages des comic books ou même dans les équipes créatives. La chose s'était déjà bien amorcée il y a de nombreuses années…
Dans les années 1990, vous avez créé la série Empire avec Mark Waid. Comment ce projet s'est-il mis en place ?
C'est assez simple, en fait. Mark avait cette idée en tête puis nous en avons discuté. Chacun a émis des idées, ébauché des pistes de scénario puis le reste s'est fait de manière très naturelle. La série a connu un succès immédiat chez Gorilla Comics puis ensuite chez DC. Après toutes ces années j'espère qu'on arrivera à terminer ce comic book ! (rires)
Oui, il y a quelques années vous avez récupéré les droits d'Empire qui étaient aux mains de DC. A quand la suite de cette série, alors ?
On y travaille ! Rien n'est fait pour le moment, mais je pense que les choses vont bouger dans le courant de l'année prochaine…
Vous avez déjà dit la même chose il y a trois ans ! (rires)
Euh… oui ! (rires) En fait, à la base on avait vendu les droits d'Empire pour une adaptation et on comptait terminer l'histoire pour la sortie du film, mais ce projet de long-métrage a pris du retard et à l'heure qu'il est, je ne sais même pas où ça en est… mais on va quand même clore l'histoire d'Empire !
Il y a quelques minutes, lors de la conférence sur les super-héros créés par les éditeurs indépendants, vous disiez que vous n'aviez rien en commun – mis à part l'amour des comics – avec Mark Waid. Vous vous détestez mutuellement ?!
(rires) Non, je ne dirais pas ça… C'est juste que nous sommes viscéralement différents ! Mark est une personne publique et il aime ça. C'est quelqu'un qui adore les réseaux sociaux et tout ce qui va avec. Moi, ce n'est pas mon genre. Je n'aime pas les réseaux sociaux, je n'aime pas me mettre en avant. Nous sommes le jour et la nuit : nous n'avons pas les mêmes goûts musicaux et nous n'avons pas les mêmes goûts littéraires non plus. Par contre, quand on travaille sur un comic book, notre duo fonctionne à merveille ! Mais je ne peux pas expliquer pourquoi… (rires)
Vous avez récemment travaillé sur des projets comme Faith and the Future Force, Avengers, Thor ou Harbinger avec des artistes plus jeunes que vous. Quelles sont vos relations avec eux ? Vous leur donnez des conseils, parfois ?
Oui, je donne des conseils… mais à chaque fois qu'on m'en demande ! Je ne me comporte pas comme un professeur qui étale sa science face aux plus jeunes ! Je suis flatté que des jeunes artistes viennent vers moi pour me poser des questions. J'essaye à chaque fois de les aider du mieux que je peux, mais je dois avouer que la jeune génération est plutôt douée et qu'elle se débrouille très bien…
Est-ce que le fait d'avoir une notoriété comme la vôtre vous permet de choisir les équipes créatives avec qui vous travaillez ?
Oui… mais en règle générale, je n'ai pas besoin de choisir une équipe créative, car l'éditeur sait comment je fonctionne. Après de nombreuses années à travailler dans l'industrie du comics, j'ai pu construire des relations fortes avec de nombreuses personnes pour faire les meilleurs comic books possibles (comme avec Mark Waid, par exemple). Du coup, quand un projet se met en place et que j'y suis associé, je sais que l'équipe créative qui va travailler avec moi sera celle qui me conviendra le mieux.
Pour terminer cet entretien, je vais faire demander au citoyen - et non à l'artiste – Barry Kitson ce qu'il pense du Brexit ?
Une question difficile pour débuter l'interview et une autre pour la terminer, c'est ça ? (rires) Je pense que c'est un sujet sensible au Royaume-Uni car les négociations ne sont pas bien engagées avec l'Union européenne et elles sont aussi mal engagées au sein du gouvernement de Theresa May ! Pour moi, la seule solution pour s'en sortir ce serait d'unir le pays contre cette sortie… mais ça ce n'est pas gagné car tout le monde campe sur ses positions en fonction de ses intérêts et de ses valeurs. Mais bon, je ne suis pas le mieux placé pour donner des leçons !
Que peut-on attendre de vous en 2019 ?
Je pense que Mark et moi allons retravailler ensemble. Après, j'aimerais faire moins de séries mainstream et moins de continuité aussi. Personnellement, je sature un peu de la continuité de nos jours et même si j'adore les personnages de Marvel ou de DC, je trouve que tout devient trop compliqué : il y a trop de séries, trop de comic books. Tout monde s'y perd ! Quand j'étais plus jeune, je lisais TOUTES les publications Marvel ou DC qui sortaient… maintenant il y en a trop ! C'est pour ça que j'espère travailler sur des histoires où il n'y a pas de continuité. Je compte donc bosser sur des choses plus indépendantes, on verra bien ce qu'on me propose !
Un grand merci à Amélie, Guillaume et toute l'équipe du Toulouse Game Show
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