Le moins que l’on puisse dire, c’est que la délicieuse Roberta Ingranata est un cas à part dans le petit monde des comics. En effet, en l’espace de quelques petites années, cette illustratrice italienne hors-pair a gravi à vitesse grand V tous les échelons pour arriver avec la scénariste Cailtlin Kittredge à la tête du reboot de Witchblade chez Image Comics. Bénéficiant d’une solide réputation, notamment du fait de son travail sur Robyn Hood en 2014/2015 pour Zenescope Entertainement, Roberta est une dessinatrice sur laquelle il va falloir sans doute compter dans le futur. Le rendez-vous était donc pris avec elle dans le cadre du Toulouse Game Show 2018 afin de faire le point sur son début de carrière fracassant…

"Je dois avouer qu'à mes yeux aussi, l'ancien Witchblade reste une véritable référence !" 
 

Vous avez fait une entrée plutôt rapide dans le monde des comics américains et ce, sans même passer par la case Europe ! Comment arrive-t-on si vite d’Italie jusqu’aux bureaux d’Image Comics ?

J'ai fait connaître mon travail via le biais d'Internet et plus particulièrement Facebook. C'est à partir de là que Zenescope Entertainement m'a contactée pour que je fasse des essais. Ils se sont révélés positifs et c'est donc comme ça que j'ai commencé à travailler avec cet éditeur sur une série intitulée Robyn Hood. C'est aussi simple que ça ! (rires)

Vous êtes actuellement en train de travailler sur le reboot Witchblade avec Cailtlin Kittredge. Comment avez-vous été associée à ce projet ?

Après avoir travaillé sur quelques numéros de Robyn Hood vers 2014/2015 ainsi que sur quelques petits projets pour d'autres petites structures, c'est Image qui m'a contactée pour me proposer de travailler sur le reboot de Witchblade avec Cailtlin.

C’est intéressant de voir que c’est maintenant une équipe créative 100 % féminine qui s’occupe de la franchise Witchblade, alors même que cette série des années 1990 était faite par et pour des hommes. Comment avez-vous fait pour apporter une dimension plus féministe dans ce reboot ?

En fait à la base, Image Comics voulait étendre son lectorat pour Witchblade et notamment attirer plus des lectrices. C'est pour ça que l'éditeur a choisi de mettre en place une équipe créative féminine pour relancer la série. De ce fait, on retravaillé le personnage en faisant apparaître l'héroïne comme une personne plutôt normale et dans des poses moins dénudées.

Est-ce que Marc Silvestri, le créateur originel de Witchblade, vous a donné son avis sur la mouture 2017/2018 de sa série ?

Oui, bien sûr qu'on a eu un retour de Marc ! (rires) Nous étions mortes de peur à l'idée qu'il n'apprécie pas du tout pas notre façon de voir les choses… mais il l'a bien aimée. Ouf ! C'était un véritable soulagement ! (rires) Cependant, nous sommes conscientes que dans le cœur des lecteurs, c'est l'ancien Witchblade qui reste LA référence. Le reboot a permis à la série de s'ouvrir à un plus large lectorat, notamment féminin, mais force est de constater que les anciens lecteurs n'y adhèrent pas trop car ils restent fidèles au comic books du début des années 1990. Ceci étant, je dois avouer qu'à mes yeux aussi, l'ancien Witchblade reste une véritable référence ! (rires)

Un an après les débuts du mouvement #MeToo, pensez-vous que la place des femmes a évolué dans l’industrie des comics ?

En fait, depuis que je suis arrivée dans le métier, il y a eu toujours eu des femmes au sein des équipes créatives et dans d'autres postes de l'industrie du comic books. Je pense qu'on y fait plus attention maintenant parce qu'on met le focus dessus. C'est juste qu'on ne les mettait pas assez en lumière, auparavant.
Les femmes sont des êtres humains à part entière qui ont des droit et qui doivent les faire respecter. Quand j'ai commencé mes études de dessin pour devenir illustratrice de comics, je me suis aperçue qu'il y avait énormément d'hommes. Les femmes sont arrivées un peu plus tard dans ce genre d'études mais les choses commencent doucement à changer, ce qui est une bonne chose.
 

"J'adorerais travailler pour Marvel ! C'est un objectif personnel que je me suis fixé"
 

Comment se passe le travail avec Caitlin sur Witchblade ? En tant qu’artiste, vous devez respecter scrupuleusement son script ou est-ce que vous avez carte blanche dans vos dessins ?

Caitlin et moi sommes devenus très amies depuis ces derniers mois donc nous travaillons dans la confiance mutuelle. En règle générale, elle me donne le script et quelques lignes directrices sur comment les personnages doivent apparaître avec une rapide description et moi je m'occupe des dessins avec beaucoup de liberté dans ma création. Je ne suis pas engoncée dans un script très strict, j'ai plus ou moins carte blanche dès lors que je respecte la vision de Caitlin et les idées de Bryan Valenza, pour la mise en place des illustrations. Ce n'est certes pas une femme (rires), mais on communique beaucoup et il s'est parfaitement intégré à notre équipe créative.

Comment s’est passée votre rencontre avec Caitlin ?

En fait, nous ne sommes jamais rencontrées, nous ne faisons que communiquer par Internet ! (rires)

Mais c'est une amitié virtuelle, en fait ! (rires)

Oui, complètement ! Mais on va enfin se voir l'année prochaine lors de la Comic Con de New-York. Je suis sûre qu'on va se tomber dans les bras l'une de l'autre et qu'on va beaucoup pleurer ! (rires)

Quand on lit Witchblade, on s’aperçoit que le personnage d’Alex Underwood est assez proche de celui de Robyn Wood sur lequel vous avez travaillé il y a quelques années. C’est quelque chose de conscient dans votre façon d’appréhender les choses ?

C’est vrai. Le personnage d'Alex est très similaire à Robyn en ce sens que ce sont des personnages avec un tempérament très fort et qui ont la possibilité de faire changer les choses. Elles ont toutes les deux des choix à faire pour réaliser des choses grandioses. Et même si ces choix sont parfois difficiles à faire, elles savent que ce sont les bons…
C'est un véritable hasard que les personnages d'Alex et de Robyn soient si proches, mais je pense sincèrement qu'Image Comics m'a démarchée pour travailler sur Witchblade après avoir pris connaissance de mon travail sur Robyn Hood lorsque j'étais chez Zenescope Entertainment. En effet, le développement du personnage d'Alex est quasiment identique à celui Robyn. On y retrouve les mêmes ingrédients, que ce soit au niveau de la personnalité que dans les épreuves que les héroïnes doivent traverser…

Que peut-on attendre de vous dans un futur plus ou moins proche ?

J'adorerais travailler pour Marvel ! (rires) Il n’y a encore aucun pourparlers avec cet éditeur légendaire, mais c'est un objectif personnel que je me suis fixé. Idéalement, j'aimerais travailler sur le personnage de Captain Marvel… Je croise les doigts ! (rires)
 

Un grand merci à Amélie ainsi qu'à toute l'équipe du TGS 2018