Interview de Stéphanie Hans au TGS Springbreak 2018

Interview de Stéphanie Hans au TGS Springbreak 2018

Stéphanie Hans est une autrice de bande dessinée française, née à la frontière luxembourgeoise à Moyeuvre Grande en 1976. Illustratrice de bande dessinée et de couvertures de romans jeunesse, elle est sollicitée en 2010 par Marvel Comics pour illustrer la couverture de Firestar puis beaucoup d’autres comme Journey into Mistery, The Mighty Thor , New Mutants, Avengers Origins, Young Avengers etc. avant de travailler pour d’autres éditeurs américains comme Dynamite, Boom! Studios, IDW, Image et Dark Horse pour ne citer qu’eux...
 

Si on en croit vos interviews, vous n'avez pas été jamais transcendée par les écoles d'art, même si vous y êtes passée… Est-ce cependant un moyen pour se retrouver à bosser pour des grosses machines comme Marvel, DC, IDW ou Vertigo ?

C'est vrai, je n'ai pas été transcendée ! (rires) J'ai fait une école d'art… mais en fait que ce soit dans les arts graphiques ou dans l'illustration, on est d'abord jugé sur notre portfolio. Si vous allez voir un éditeur pour être embauché, avoir fait une école d'art peut être un sésame (c'est le cas pour les Gobelins, par exemple), mais en règle générale, les éditeurs recherchent en premier une véritable patte. Et mis à part des écoles spéciales qui permettent d'obtenir cette fameuse patte, c'est sur votre dossier et votre portfolio qu'on va juger votre travail et vous embaucher... ou non !

Selon vous, quelle est la différence entre la France et les USA dans la façon de travailler dans le milieu du comics ?

C'est une question assez difficile car en France, je ne faisais pas exactement le même travail qu'aux États-Unis. En France, pour la bande dessinée je ne faisais que des intérieurs de BD alors qu'aux États-Unis je fais plutôt des couvertures, même s'il m'arrive parfois de faire des pages. Aux USA, dans le domaine du comics, on a toujours pris en compte mon avis sur mon propre travail, ce qui est quelque chose de très appréciable.
En ce qui concerne le travail avec les éditeurs, il y a beaucoup de différences entre la France et les États-Unis. Ainsi, pour moi les éditions franco-belges c'est un peu comme toutes ces écoles d'arts qui ne m'ont jamais convenu (rires). Peut-être que j'y reviendrai un jour… mais je n'ai pas particulièrement aimé l'ambiance générale.

 

Paul Renaud parlait de paternalisme pour définir les éditeurs franco-belges…

C'est vrai ! Il y a effectivement un côté familial que les éditeurs entretiennent beaucoup. Même si en France tous les éditeurs ne jouent pas trop avec ce côté paternaliste, c'est quelque chose d'assez récurrent. Du coup, les artistes se retrouvent être vite dépendants du rapport qu'ils ont avec leur éditeur et ce, même s'il est parfois assez malsain dans la mesure où l'artiste va être en recherche de son approbation, parce que l'éditeur est la seule personne qui voit son travail pendant au moins un an. Moi, ce qui me convient le mieux dans l'édition du comics, notamment dans le domaine de la couverture, c'est que je travaille avec beaucoup d'éditeurs et que j'ai des nombreux de regards différents sur mon travail.
De plus, tout va toujours très vite aux Etats-Unis si bien que je n'ai pas le temps de me poser la question de savoir ce que vaut mon travail… Mais vu que suis sollicitée chaque mois, je pense que mon travail est plutôt bien apprécié ! (rires)

Sur vos réseaux sociaux, vous exposez souvent des œuvres numériques. C'est une technique que vous semblez beaucoup apprécier…

C'est mon truc ! Moi, ce que je fais c'est de la peinture numérique. De temps en temps je fais des couvertures en traditionnel, mais relativement peu (j'en ai fait quatre ou cinq l'année dernière). Ça m'arrive d'en faire quand je suis en voyage sans avoir accès à mon studio. Du coup, quand je n'ai pas mon matériel je travaille à l'ancienne, mais ma spécialité c'est de travailler en numérique. Ce n'est qu'un outil… mais c'est un outil avec lequel je suis très à l'aise.

Lorsque vous êtes amenée à travailler sur différentes couvertures aux différents univers, est-ce que vous cherchez à adapter votre style ?

Oui il y a un peu de ça, mais en règle générale j'adapte mon style à mes propres envies. Parfois, il y a des choses que j'ai envie de faire, comme par exemple travailler sur la lumière qui passe à travers la peau et je bosse quelques couvertures sur lesquelles j'étudie ce genre de choses. Les couvertures me donnent l'occasion de mettre tout ça en pratique, tout de suite... D'autres fois, je suis intéressée par le travail graphique des illustrateurs commerciaux des années 1970, donc je vais faire en sorte de travailler sur approches artistiques qui vont dans ce sens-là.
En fait, tout va vraiment dépendre de mes préoccupations à moi plutôt que celle de l'éditeur, à moins qu'il me demande quelque chose en particulier. Mais en règle générale c'est moi qui lui propose des choses différentes ! (rires)
Après, je sais aussi ce qu'on attend de moi, c'est le privilège (mais aussi parfois le piège) d'être dans ce métier depuis si longtemps. Ainsi, je sais à quoi s'attendent certains de mes éditeurs, donc si j'ai pas trop de temps je leur fais exactement ce qu'ils veulent, et si j'ai un peu plus de temps j'essaye de leur proposer des choses un petit peu différentes car j'aime bien m'amuser...

 

Depuis l'affaire Wenstein et le mouvement #MeToo, le féminisme est devenu un sujet important. En tant qu'artiste, pensez-vous que l'industrie du comics prend la mesure du sujet important qu'est le féminisme ?

Moi je ne suis pas bien placée pour parler de ça, car je n'ai jamais eu de problème pour me faire éditer. Je n'ai pas ressenti particulièrement d'animosité envers moi en tant que femme, par contre j'ai été le témoin direct de choses qui sont arrivées à des femmes avec qui je collabore...
Personnellement, j'ai toujours eu conscience que ce que je faisais était important dans une certaine mesure. Par exemple, le fait pour moi de bosser dans la bande-dessinée a toujours été quelque chose de naturel, mais au final, on était très peu de femmes à faire ça en France, même si plus tard, il y a eu des blogs de BD qui ont ramené des choses qu'on a classifiées du côté de la BD féminine. Au tout début de ma carrière, j'ai pensé à faire autre chose, mais je me suis ravisée car j'ai pensé que si je partais, il y aurait eu moins de femmes dans la bande dessinée ! (rires)
Des années plus tard, il y a encore des femmes qui viennent me voir pour me dire qu'elles ont commencé à découvrir le monde de la BD en me lisant ou pour me dire qu'elles se sont mises à dessiner grâce à moi. Pour moi, c'est la récompense directe de mes efforts !

Est-ce que vous sentez qu'il y a une prise de conscience de la place de la femme dans l'industrie du comics ?

Quand j'ai débuté, j'ai pas mal travaillé sur des trucs un peu féministes et engagés… mais dans le comics, je n'ai jamais eu de problèmes par rapport à ça. Ma place en tant qu'artiste n'a jamais posé de problème, même s'il y a parfois des crispations qui se ressentent parfois depuis ces derniers temps. En effet, d'un côté on est dans une période de libération de la parole de la femme, mais paradoxalement on est aussi dans la libération d'une parole antiféministe et violente... Et ça, c'est un vrai problème pour le coup. Par exemple, il y a des gens qui ne supportent pas l'idée que Carol Danvers ait moins de poitrine et ça déchaîne les passions ! Mais bon, je pense que ce genre de propos c'est le chant du cygne d'un mouvement qui s'essouffle. Les antiféministes devront se résoudre à accepter la place de la femme. Ils s'y feront. Tout le monde s'y fait...

En décembre dernier, dans le cadre du Toulouse Game Show, Mark Waid nous disait que de nombreuses jeunes artistes étaient harcelées par des haters sur les réseaux sociaux. Avez-vous déjà eu affaire avec ce genre de personnes ?

Ça ne m'est jamais arrivé. Je n'ai jamais eu de véritable souci… J'ai eu certes quelques accrochages un peu bêtes au début de ma carrière en France, quand des gens qui me demandaient si j'étais coloriste ou si j'accompagnais un artiste… Ça n'a jamais été bien méchant, mais ça faisait quand même un peu mal.
Aux États-Unis, je n'ai jamais eu vraiment de souci, mais effectivement j'ai des amies qui ont été prises à partie. Je pense notamment à Kelly Thompson (Jem & The Holograms) avec qui j'ai travaillé et qui ne va plus dans aucune dédicace tant elle a été harcelée. Et le fait qu'elle ait commencé le métier en tenant des chroniques féministes n'a pas été facile pour elle...
Il faut savoir qu'on a des directives des grands éditeurs - notamment DC Comics - qui nous demandent de ne pas nous engager dans des combats féministes sur les réseaux sociaux afin d'éviter le doxxing (pratique consistant à révéler l'identité et les coordonnées de quelqu'un sur Internet – Ndr) pour ne pas avoir affaire à une horde de followers aux commentaires haineux. Ça peut être une catastrophe pour la santé psychologique… il y a des femmes qui continuent à être harcelées par ce biais-là depuis plus de six mois !

 

Que peut-on attendre de Stéphanie Hans en 2018 ?

Je travaille pour une nouvelle série pour Images Comics mais c'est encore un secret donc je ne peux rien dévoiler (rires). Je peux juste dire que j'ai fait les découpages des 85 premières pages et que le travail avance vite… mais je ne peux pas dire avec qui, ni même quand ! Sinon, il est bien possible que je me remette à l'écriture aussi… Ah oui ! Je n'ai pas le droit de le dire… mais cette année il y aura du lourd (rires)

(rires)… et il y a un projet qui n'est pas secret ?

Oui ! Dans les jours à venir je vais faire la couverture de Kamala Khan dans Miss Marvel #50 en direct live sur Facebook, en traditionnel avec de la vraie peinture !

Un grand merci à Stéphanie Hans et à toute l'équipe du TGS pour cette interview !

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