[Dossier] Les origines de Wonder Woman

[Dossier] Les origines de Wonder Woman

En ce Wonder Woman Day, nous vous proposons un dossier sur la génèse de l'icône de DC Comics, à travers une retrospective de la vie de son créateur William Moulton Marston, et de tous les éléments qui l'ont influencé, avec en tête les femmes ayant vécu avec lui. Découvrez aussi les coulisses de la création du personnage et de son lancement, en 1941.

Wonder Woman est une super-héroine de comics books, créée en 1941 par un certain William Moulton Marston, accompagné au dessin par Harry G. Peter. Elle fait partie du peuple des Amazones, une sororité de guerrières mythologiques retirées de notre monde et vivant sur une île paradisiaque, nommée Themyscira. Hyppolite est la reine des Amazones mais aussi la mère de Diana. Envoyée dans le « monde des hommes » pour y rapatrier un soldat s'étant écrasé sur l'île, le capitaine Steve Trevor, Diana devient "Wonder Woman" aux yeux du monde et combat pour l'amour et la Justice .

Elle porte de nombreuses valeurs importantes qui survivront, voir prendront une plus grande importance au fil des années, avec en tête une vraie revendication féministe et une lutte pour les droits des femmes, de manière générale. Une « super-femme », plus forte que la majorité des hommes, qui peut se débrouiller seule, se défendre elle-même, voir même venir au secours des hommes. En tant que super-héroïne, elle possède des accessoires qui permettent de la reconnaître entre tous : 

  • son lasso de vérité : qui soumet toute personne qui entre en contact avec celui-ci et la force, notamment, à dire la vérité.
  • ses bracelets : qui lui permettent notamment de se protéger (avec l'exemple le plus connue des balles de revolver déviées) mais représente aussi, dans la première version, son plus gros point faible.
  • Sa tiare : qui n'a pas vraiment d'utilité spécifique mais est indissociable du personnage
  • On peut aussi citer deux éléments de son costume comme la plaque sur sa poitrine (qui évoluera d'un aigle à ses initiales WW) et l'étoile à cinq branches, que l'on retrouve notamment sur sa tiare. 
  • L'avion invisible

S'il est intéressant de détailler ces éléments fondamentaux du personnage, c'est qu'il prennent tous source dans des éléments et évènements divers de la vie de son créateur, et des femmes de sa vie, ce que nous allons approfondir dans la suite.

 

William Moulton Marston est né le 2 mai 1893, dans le Massachusetts, fruit de l'union d'Annie Moulton et Frederick William Marston. Un enfant très intelligent mais aussi très pragmatique, ce qui va l'amener à croire très tôt (dès l'âge de 12 ans) au suicide.  « Si l'on peut accéder au succès avec aisance, la vie vaut le coup d'être vécue. Sinon, le meilleure chose à faire est d'arrêter là ». Il sera pourtant couronné de succès dans toutes ses études : chef de classe en 4ème, et au lycée, éditeur-en-chef d'un magazine, auteur d'un essai en histoire sous forme de discussion avec la déesse Clio, etc. Sa voix sera toute tracée vers Harvard, où il entrera à l'automne 1911, avec l'idée fixe de faire des études de droit. Il va rapidement tomber de son petit nuage en étant confronté à des cours obligatoires qui ne l'intéresseront pas du tout, avec en tête Anglais et Histoire médiévale. Il envisage alors sérieusement de mettre fin à ses jours et planifie de le faire en ingurgitant un poison : le cyanure d'hydrogène. Il s'agit du poison utilisé par le Dr Jekyll pour mettre fin à ses jours dans le roman L'Étrange Cas du Dr Jekyll & Mr Hyde, publié en 1886, qui a eu une certaine influence sur le jeune William. Fait intéressant, le tout premier vilain qu'affrontera Wonder Woman s'appelle Dr. Poison (sensation Comics #2, février 1942), dont le plan machiavélique est de concevoir une bombe de cyanure. 

WMM, de ses initiales, ne passera finalement pas à l'acte et sera sauvé par un autre cour, bien plus passionnant à ses yeux, celui de philosophie. Il est à l'époque donné par le professeur George Herbert Palmer, très apprécié et respecté par Marston, qui fera germer en ce dernier deux graines importantes pour la suite de sa vie et la future création de Wonder Woman : d'une part l'héritage grecque, avec des cours très accès sur l’hédonisme grecque, et d'autre part le féminisme, Palmer étant veuf d'une suffragette qui a combattu pour le droit des femmes et dont il a repris le flambeau en sa mémoire, à travers la ligue des hommes d'Harvard pour le vote des femmes.

   

William Moulton Marston / l'affiche du film Dr. Jekyll et Mr.Hyde / la 1ère apparition du Dr Poison

William Moulton Marston va évoluer à une époque où le mouvement pour le droit des femmes va faire beaucoup parler de lui en s'orientant vers le militantisme. Un mouvement qui va être représenté par une femme en particulier, de l'autre côté de l'Atlantique, avec la suffragette anglaise Emmeline Pankhurst. Elle fonda en 1903 l'union social et politique des femmes avec comme mot d'ordre « les actions, et non les mots ». Elle sera, à cette époque, à l'origine de nombreuses manifestations qui pouvaient aller assez loin comme s'enchainer sur des lieux symboliques, mettre le feu à des immeubles ou encore pratiquer des grèves de la faim, ce qui lui vaudra de faire quelques passages par la case prison. L'une des manifestations les plus connues reste celle de 1908, où des suffragettes derrière Pankhurst se sont enchainées aux grilles devant les bureaux du premier ministre, au 10 Downing Street. 30 ans plus tard, lorsque que Marston créera Wonder Woman , il lui donnera comme seul point faible de perdre toute sa force si elle se retrouve enchainée par un homme.

   

Emeline Pankhurst / les sufragettres / Wonder Woman enchainée

L'idée de faire de Wonder Woman une Amazone a aussi probablement été influencée par cet aspect féministe. En 1851, pour célébrer les 75 ans de la déclaration d'indépendance, un certain C. Hartwell fera un discourt parodique de cette déclaration, qu'il intitulera la « déclaration amazonienne d'indépendance ». Il donnera ce discourt dans une célèbre université pour femmes, la première aux États-Unis, le Mount Holyoke, fondée en 1837. Il s'agira en fait d'un plaidoyer pour les droits des femmes et l'égalité des sexes, avec comme point d'orgue cette citation : « Nous devons à ces vérités d'être intuitives et indiscutables, que tous les hommes et femmes sont nés libres et égaux ». Les féministes et suffragettes vont parfois se faire appeler « amazones » à cette époque, vers la fin du XIXème siècle, en partie parce qu'elles nourrissaient cette théorie, appuyée par quelques travaux d'anthropologues masculins, qu'une terre des amazones, dirigée par une matriarchie dans laquelle dominaient ces guerrières de la Grèce ancienne, avait véritablement existé durant plusieurs siècles. Au début de vingtième siècle, ce terme d' « amazone » désignait une femme rebelle, un nouveau type de femme, qui voulait être l'égal de l'homme. L'université féministe du Mount Holyoke accueillera en 1911 une nouvelle étudiante du nom de Sadie Elizabeth Holloway, qui deviendra quelques années plus tard la femme de William Moulton Marston. Et une université pour femme existera aussi dans le comic book de la princesse amazone, l'université Holliday (un mix entre Holloway et Holyoke), dans laquelle étudiera notamment l'un des personnages récurrents de la série, Etta Candy, qui, accompagnée des Holliday Girls (une sorte de sororité), viendront régulièrement à la rescousse de la super-héroïne. 

   

Les amazones de la mythologie grecque / l'université Holliday / Etta Candy

WMM s'intéressera rapidement à la psychologie lorsqu'il prendra des cours de psychologie expérimentale dans lesquels il empilera les A. La psychologie a fait ses débuts à Harvard sous l'impulsion du philosophe William James, dont l'une des grandes théories statut notamment que chaque homme détient deux facettes, un soi publique et un soi privé, à l'image d'un Dr Jekyll et d'un Mister Hyde. Ce qui n'est pas non plus sans rappeler l'un des fondements des super-héros : la double identité, à une époque où aucun comic book n'avait encore vu le jour. C'est James qui donnera à Harvard le premier cour de psychologie expérimentale de l'histoire des États-Unis et qui fondera son premier laboratoire pour cette discipline, à la tête duquel il placera l'allemand Hugo Münsterberg. Williams James meurt en 1910, une an avant l'entrée de Marston à Harvard. Lors de sa deuxième année, Marston suivra des cours avec Münsterberg, qui appréciera beaucoup son travail et fera de lui son assistant. L'une des toutes premières idées d'un détecteur de mensonge fondé sur des aspects physiologiques, qui sera ensuite reprise et approfondie par Marston, provient d'ailleurs de Münsterberg. Au début du XXème siècle, le scientifique invente un appareil capable de mettre en lumière la tromperie dans le discourt des gens, en se basant sur différentes mesures : la température de la peau, le rythme cardiaque ou encore la vitesse de parole. Son but avoué sera d'examiner l'esprit pour découvrir ce qui réside au fond du cœur. Sa réputation et son invention seront rapidement décrédibilisées, en partie dû à ses idées très machistes et anti-américaines. En juin 1943, dans Wonder Woman #5, Dr. Psycho, qui deviendra un vilain récurrent de l'univers de l'amazone, fait sa première apparition. C'est un professeur de psychologie au collège Holliday, très anti-féministe et dont le but est de renvoyer le statut des femmes à l'ère où elles étaient encore esclaves et au service des hommes. Dans sa première confrontation avec Wonder Woman , il l'enfermera dans une cage dans le sous-sol de son laboratoire de psychologie. Münsterberg mourra en décembre 1916 d'une hémorragie cérébrale, devant les yeux de Marston, et quelques années plus tard dans un numéro de Wonder Woman , une pierre tombale lira « Repose en paix prof. Psycho. ».

N'empêche que c'est bien ce qui inspirera William Marston à creuser les recherches sur la détection de la tromperie et des mensonges, avec son appareil de mesure de la pression artérielle, qui deviendra célèbre comme étant la toute première version du détecteur de mensonge. Le lasso de vérité de Wonder Woman fera bien sûr écho à cette invention, même si les spécialistes sont finalement assez partagés sur un vrai lien entre les deux, puisque le lasso représentera aussi un moyen de soumission, autre grand thème cher au créateur de la princesse amazone. D'autant que le détecteur de mensonges en tant que tel fera bien son apparition à plusieurs reprises dans le comic book, notamment lors d'une scène où Steve Trevor interrogera Diana Prince , l'identité secrète de WW.

   

Hugo Münsterberg / Dr. Psycho / le test du détecteur de mensonges par Marston

L'entrée des États-Unis dans la première guerre mondiale va mettre la lumière sur le laboratoire de psychologie d'Harvard puisque vont s'y réunir les grandes pontes du domaine, dont le président de l'association américaine de psychologie, Robert Yerkes, ainsi que l'un des conseillers de Marston, Herbert Langfeld, avec comme objectif de pouvoir repérer les soldats non aptes au combat. C'est eux qui permettront au futur créateur de Wonder Woman de poursuivre ses recherches sur la détection des mensonges, suite à une demande de sa part. Le champ d'étude sera tout trouvé en pleine guerre, interroger les ennemis et les potentiels espions pour dénouer le vrai du faux. Ses écrits, expériences et données récoltées ne le porteront pourtant pas très loin puisqu'il se fera rejeté par de nombreuses organisations desquelles il avait frappé aux portes, comme notamment le FBI ou  le bureau des renseignements militaires. Il sera finalement envoyé au camp militaire de Greenleaf en tant que professeur à l'école de psychologie militaire, en 1918, où il pourra renouer avec sa passion pour le droit en donnant notamment un cour sur les dépositions au sein de l'armée.

WMM est diplômé de Harvard en 1915 et décide de s'orienter vers le droit, suivi dans ce domaine par la femme qui partage sa vie, Elizabeth Holloway, qui a elle été diplômée de Mount Holyoke la même année. Les deux tourtereaux se marient d'ailleurs au mois de septembre et Sadie Elizabeth Holloway, prenant le nom de son mari avec réluctance, devient Betty Marston. Dans le droit, Marston va surtout d'intéresser aux dépositions et va y voir là un terrain parfait pour ramener sur le devant de la scène son détecteur de mensonge et essayer de lui donner une crédibilité à travers une application concrète et médiatique. En 1921, après avoir reçu son diplôme en droit d'Harvard, il va notamment s'installer à Washington et enseigner un cour de psychologie juridique à l'Université Américaine. L'un de ses principaux sujets d'étude à cette époque sera la place des femmes dans les jurys et comme juges. Malgré le droit de vote accordé aux femmes en 1920, elles ne pouvaient pas encore être jurés dans la majorité des états américains. Marston développera une étude comparative, assisté par sa femme, et conclura que dans les rôles de jurés et de juges, les femmes sont plus douées que les hommes pour dénicher les coupables, se basant sur des évaluations plus complètes et impartiales.

Le coup dur pour l'image de Marston et de son détecteur de mensonge arrivent en 1922, lorsqu'il est impliqué dans un procès pour meurtre. Il s'agit de l'affaire du jeune James Frye, un afro-américain accusé de meurtre au premier degré, qui a avoué le crime avant de revenir sur ses paroles et clamer son innocence. Il sera défendu par deux étudiants de Marston, qui vont ainsi inviter leur professeur à venir prouver l'utilité et la crédibilité du détecteur de mensonges. Après des entretiens avec Frye en prison et le passage des tests, Marston sera convaincu de l'innocence de l'accusé. Mais le juge de l'affaire, Walter McCoy, refusera catégoriquement d'admettre les éléments proposés par Marston comme pièces à conviction, statuant qu'ils ne s’appuient sur aucune légitimité juridique ou scientifique. Le procès sera perdu et Frye condamné à perpétuité. En mars 1945, dans un strip de Wonder Woman pour un journal, William Moulton Marston prendra sa revanche en mettant en scène un procès lors duquel Wonder Woman fera avouer à Priscilla Rich qu'elle est en vérité la vilaine Cheetah, grâce à son lasso magique. Elle sera remerciée par un juge qui ressemble étrangement à Walter McCoy. Après cet épisode, Marston abandonne le droit, et s'ouvre ainsi le champ libre pour plus tard pouvoir créer Wonder Woman .

   

James Frye passant le test du détecteur de mensonges / Wonder Woman devant le juge

Le futur créateur de Wonder Woman s'intéressera et mettra le nez dans beaucoup d'autres domaines, dont le cinéma. Il écrira notamment des scénarios qu'il tentera de vendre à des studios lorsqu'il sera encore à Harvard, entre 1912 et 1913 (entres autres celui de Jack Kennard, Coward, qui verra le jour en 1915). En 1929, lorsque les studios Universal rechercheront un psychologue, Marston répondra présent et sera engagé. Il y restera un an en tant que directeur de l'administration et son rôle sera de veiller à ce que tous les films produits par le studio sonnent juste, que les émotions qu'ils dégagent soient crédibles et en accord avec la réalité de la vie de tous les jours. Fidèle à lui-même, il insistera notamment sur les relations amoureuses, qui selon lui doivent être dominées par les femmes et mettre en avant les aspects primordiaux de soumission, de domination et de captivité. Il débarque dans le monde du cinéma à l'époque où les premiers films parlants font leur apparition, mais ne sont pas encore la norme. Il va plaidoyer en faveur de ce nouveau cinéma, Marston et un éditeur qu'il a fait engagé, Walter Pitkin, vont écrire un livre ensemble : The Art Of Sound Pictures, sorti en novembre 1929. Il sera rempli de conseils pour les futurs scénaristes, notamment sur la manière d'écrire un film parlant, mais aussi sur celle d'aborder les émotions. Selon Marston, aucune émotion à l'écran ne peut avoir une portée universelle à moins que celle-ci ne soit saupoudrée de passion sexuelle. Il explique que « les femmes possèdent le pouvoir supérieur de l'amour », capable de vaincre la force. « La passion est de façon prédominante une émotion mâle, et la soumission en amour appartient aux hommes et non aux femmes ». On voit là déjà les fondations des valeurs que portera Wonder Woman . Sa théorie des émotions sera aussi derrière des films d'horreur d'Universal tels que Frankenstein, Dracula et l'Homme Invisible. Marston fera un passage chez Paramount, où il utilisera son détecteur de mensonges pour étudier les réactions des gens pendant la projection de films. Il le fera notamment pour Dr Jekyll & Mr. Hyde. Il sera finalement écarté des studios, notamment parce qu'ils feront appel à un autre spécialiste du détecteur de mensonge, avec plus de crédibilité dans le milieu scientifique, Leonarde Keeler.

 

La vie de William Moulton Marston, ainsi que son œuvre de manière générale et son apogée avec la création de Wonder Woman , ne peuvent être dissociées des femmes qui ont partagé sa vie.

Marston fit la connaissance et tomba amoureux de Sadie Elizabeth Holloway assez tôt dans sa vie, dès le collège, en 4ème. Elle est originaire de l'île de Man, qui peut être compris par l'île des hommes en anglais (Isle Of Man), alors que Wonder Woman viendra, elle, de l'île des femmes (Isle Of Woman). Les deux vont suivre des trajectoires un peu similaires et rester ensemble tout du long, malgré le déménagement de Holloway durant le lycée. Ils sont d'ailleurs nés la même année, en 1893. Lorsqu'il entre à Harvard en 1911, elle devient étudiante dans la première université pour femme des États-Unis : la fameuse Mount Holyoke. Ils seront une nouvelle fois séparés par la distance mais Marston viendra lui rendre visite dès qu'il le pourra. Au Mount Holyoke, Holloway suivra de nombreux cours mais sera surtout passionnée par l'apprentissage de la langue grecque. Elle chérira les écrits de Sappho, une poétesse grecque de l'Antiquité, qu'elle lira dans sa langue originelle et à travers les passages traduits par Henry Wharton. Sappho est notamment à l'origine du mot « lesbienne » puisqu'elle est originaire de l'île de Lesbos, et sera considérée comme « La Lesbienne », même si le sens d'homosexualité qu'il a pris depuis date de bien après, à partir du IXème ou Xème siècle. L'une des expressions favorites de Wonder Woman , en dehors de « Great Hera ! », sera « Suffering Sappho ! », ni voyez là aucun hasard.

    

Sadie Elizabeth Holloway / Holloway et Marston

Comme l'homme de sa vie, Elizabeth Holloway va baigner dans les mouvements féministes, et notamment celui des suffragettes, dont elle fera partie intégrante en tant qu'étudiante de Mount Holyoke. Elle sera une de ces « nouvelles femmes », comme on les appelait, qui combattent pour l'égalité des sexes. L'un des arguments opposés à ce courant de pensée de l'époque, porté par les hommes, est la difficulté pour les femmes d'avoir une vie professionnelle ambitieuse si elle doivent en même temps s'occuper de leurs hommes et de leurs foyers. « Aucune femme ne peut arriver à quoique ce soit si elle doit faire sa propre poussière », déclarera une personnalité masculine, ce à quoi Holloway répondra : « Oh si elle peut, si elle se lève assez tôt le matin ! ». Une femme de caractère, qui voulait tout avoir, et qui aura tout. 

En 1915, Holloway est diplômée de Mount Holyoke, en même temps que Marston à Harvard. Elle décide comme lui de s'orienter vers le droit, à la même période où ils se marient, mais ne pourra pas le rejoindre à Harvard qui n'accepte pas les femmes, et devra se contenter de l'université Radcliffe, juste à côté. Elle aidera alors son mari dans ses recherches et ses expérimentations autour du détecteur de mensonges, et selon certaines sources, serait même à l'origine de l'idée. 

Holloway veut tout, des enfants, une famille et vie active. Une femme moderne, en somme. En 1920, Holloway accouche d'un bébé mort-né, Fredericka. En 1928, à l'âge de 35 ans, William et elle ont leur premier enfant, Pete. La jeune mère continue alors à travailler et cette situation est rendue possible pour elle grâce à Olive Byrne, qui va s'occuper des enfants de la famille.

Olive Byrne est née en février 1904, à Corning, dans l'Etat de New York. Sa mère est Ethel Byrne et sa tante Margaret Sanger, c'est d'ailleurs cette dernière qui a pratiqué l'acouchement et mis Olive au monde. Ethel et Margaret seront connues pour leur rôle dans le mouvement en faveur des droits des femmes et notamment leur militantisme en faveur de la contraception et du droit de la femme à disposer de son corps comme elle l'entend. Elle ouvriront à deux la première clinique axée sur la contraception et créeront l'American Birth Control League, qui deviendra le très célèbre planning familial. La relation entre les deux sœurs se détériorera au fil des années et c'est surtout Margaret Sanger qui restera dans l'histoire comme une des femmes les plus influentes ayant existé. Pourtant, Ethel Byrne  sera la protagoniste d'un bien triste épisode lorsqu'elle sera arrêtée et condamnée à 30 jours de prison pour ses actions d'activiste. Elle fera alors une grève de la faim de 185 heures et devra être gavée (alimentation forcée), devenant la première femme prisonnière politique à être victime de ce traitement. Pour l'anecdote, lorsqu'un film sur la vie de Margaret Sanger sera en projet (même s'il ne verra jamais le jour), il sera proposé que ce soit elle qui soit la protagoniste de cette grève de la faim, ce qui ne plaira pas du tout à Ethel, à juste titre.

Olive Byrne baignera ainsi, elle aussi, dans un fort militantisme féministe. En 1922, elle s'inscrit elle aussi à l'université, en cours de semestre, poussée par sa mère Ethel. Les admissions étant terminées, elle atterrira à l'université pour femmes de Tufts, près de Boston. Elle se lancera à fond dans sa vie étudiante, participera au journal Tufts Weekly, sera présidente du comité social et créera même un Club Libéral, comme sa mère et sa tante avant elle, ayant elle aussi des idées très ouvertes et libérales, notamment concernant l'amour. Anécdote intéressante, elle décrochera le rôle principal dans une pièce de théâtre, pour lequel elle se fera couper les cheveux assez courts et on lui donnera le nom de "Bobbie". Et une certaine Bobbie Strong apparaîtra dans un numéro de Wonder Woman , une étudiante du Holliday College. Le célèbre personnage d'Etta Candy, fidèle amie de Diana dans les comics, est inspirée d'une amie d'Olive Byrne à l'université, Mary Sears, qui avait un penchant pour les friandises et sortait toujours des expressions en rapport ave cle sujet. Le nom "Candy" et le penchant du personnage pour les friandises, viendra de là. 

William Moulton Marston débarque à Tufts en tant que professeur de psychologie appliquée en 1925, c'est de cette manière que les deux vont se rencontrer. Médiocre jusque là dans cette matière, Olive va décrocher des A avec Marston et s'inscrire à de nombreux cours avec lui. Marston va ainsi l'inviter à travailler avec lui comme assistante et ils vont ensemble monter une expérimentation sur la soumission et la captivité, avec les étudiantes de l'université. Expérimentation qui se retrouvera un jour, elle aussi, dans les pages de la série Wonder Woman . Byrne et Marston vont se rapprocher et si l'on ne sait pas exactement ce qui se passera dans ce laboratoire quand ils seront seuls, suite à cela ils ne se lâcheront plus. Marston va alors imposer un « ménage à trois » à sa femme Elizabeth Holloway, avec un ultimatum assez violent, soit elle accepte la situation, soit ils ne restent pas mariés. Holloway le prendra d'abord très mal mais finira par l'accepter, en y voyant les bénéfices que cela pourra avoir pour sa carrière, très importante pour elle. C'est d'ailleurs elle qui sera la seule source de revenu à une époque où Marston aura du mal à trouver du travail et où Olive Byrne sera la femme du foyer. La famille aura au total 4 enfants : 2 à Elizabeth Holloway et 2 à Olive Byrne. Olive ne révèlera jamais à ses enfants le secret de l'identité de leur père, qui n'est nul autre que William Moulton Marston, et inventera une histoire d'amour avec un homme mort à la guerre. Les enfants vivront avec Marston et le considéreront un peu comme un oncle.  

   

Olive Byrne, Margaret Sanger et la famille Marston au grand complet

Olive Byrne continuera à réaliser quelques travaux, quelques écrits, mais ce sera très souvent pour mettre en avant l'homme qu'elle idolâtre, William Moulton Marston. D'ailleurs, l'un de ses articles sera directement à l'origine de la création de Wonder Woman , comme on le verra plus loin. Comme Holloway, il y aura beaucoup d'Olive Byrne dans le personnage de Wonder Woman , la référence la plus évident étant les bracelets de l'amazone, qui sont identiques à ceux qu'Olive portait en permanence.

On se doit aussi de citer Marjorie Wilkes Huntley, dont la place dans la vie de la famille Marston et son influence sur la création de Wonder Woman sont assez difficiles à cerner, mais qui sera régulièrement présente au sein du foyer, par période. Elle sera considérée comme une tante par les enfants mais partagera elle aussi le lit familial aux côtés de Marston. On peut notamment noter qu'elle appréciait particulièrement les pratiques du "bondage", thème central de l'oeuvre de Marston, dans son aspect de soumission mais aussi dans sa métaphore pour représenter les liens qui entravaient les femmes à cette époque.

 

Tout prédestinait donc le personnage assez incongru de William Moulton Marston à un jour créer un personnage fictionnel sous la forme d'une femme forte, représentant le nouveau type de femme dont il a été entouré une grande partie de sa vie, et lui permettant d'aborder des thèmes et valeurs qui lui sont chers comme le féminisme et la soumission. 

Les premiers comics books (de strips de journaux assemblés et reliés en revues) naissent dans les année 30, sous l'impulsion de Maxwell Charles Gaines. Le titre phare Detective Comics est lancé en 1937 et Superman fait ses débuts en juin 1938. Quelques tentatives pour lancer des super-héroïnes verront le jour au début des années 40, notamment du côté de la maison d'édition Fiction House, où travaille le frère d'Olive, Jack Byrne. Deux exemples avec d'abord Sheena, Reine de la Jungle, une sorte de Tarzan au féminin, apparue dans Jumbo Comics en septembre 1940 et qui aura plus tard sa propre série et même une certaine gloire avec un film et une série TV. Et ensuite Amazona, the Mighty Woman, « une femme d'une force incroyable et d'une beauté inégalée », dont l'aventure est narrée dans le numéro #3 de Planet Comics en mai 1940. En pleine seconde guerre mondiale, les héros américains combattent les oppresseurs nazis, japonais ou russes et les comic books se retrouvent dans les mains de tous les enfants et dans celles d'une partie des parents. 

 

Sheena et Amazona

A partir de novembre 1935, Olive Byrne écrira une chronique pour le magazine Family Circle, où à chaque numéro elle partira à la rencontre du psychologie et avocat William Moulton Marston, pour l'interviewer sur des sujets de société et interrogations qu'elle peut avoir. Évidemment, le contexte de cette rubrique et la relation entre les deux seront totalement fictionnels, Olive ne révélant pas qu'elle le connait bien et habite même avec lui depuis neuf ans. En octobre 1940, elle l'interrogera sur le sujet des comic books et lui demandera notamment son avis sur l'influence qu'ils peuvent avoir auprès des jeunes lecteurs. Marston défendra ces bande dessinées à la mode en appuyant principalement sur le fait qu'elles permettent d'excauser les souhaits des lecteurs : tout le monde a envie de voir, ou même d'être, une personne aussi forte que Superman et d'utiliser ses pouvoirs pour défendre le peuple et la liberté. Sur la question de la torture ou du sadisme qui peuvent être présents dans certains comic books, Marston répond que la menace de torture n'est pas sadique tant qu'elle n'est pas montrée. De même, lorsqu'un personnage féminin est kidnappé et attaché, les lecteurs savent très bien que la cavalerie ne va pas tarder à arriver. Les lecteurs souhaitent que les personnage s'en sortent et c'est ce qui se passe, donc on ne leur apprend pas à aimer et cautionner la souffrance. 

L'article ne passera pas inaperçu, notamment au près de Maxwell Gaines, directeur de All-American Publications (qui fusionnera plus tard avec DC Comics), qui a cette époque est justement attaqué sur ces aspects néfastes des comics et a du mal à se défendre. Il va alors mettre au point un comité d'éducateurs et de psychologues pour le conseiller et va y recruter Marston. Ce dernier va très vite dépasser le cadre de ses fonctions et être promu scénariste, c'est alors que, pour lutter contre l'image des comic books, il va proposer de lancer une super-héroïne. Selon certaines sources, c'est Elizabeth Holloway qui serait à l'origine de l'idée, demandant à son mari d'en faire une femme parce qu'il y a déjà trop d'hommes dans le domaine. Information difficile à officialiser, Holloway l'ayant démenti elle-même. En février 1941, William Marston présente son pitch de la première version de ce nouveau personnage, qu'il appelle alors « Suprema, The Wonder Woman ». L'histoire ressemblera déjà beaucoup à la forme finale qu'elle prendra ensuite. Max Gaines placera Sheldon Mayer (fort de son expérience sur Superman ) comme éditeur du titre, ce qui ne dérangera pas Marston à un détail près, il refusera que l'on touche aux revendications féministes du titre. Mayer acceptera le boulot, même s'il considérera que le pitch de Marston est un joli tas de conneries. Il fera tout de même un changement, enlever le « Suprema », pour ne garder que « Wonder Woman ».

   

La rubrique d'Olive Byrne sur les comics / Réunion créative entre Marston, Peter, Gaines et Mayer

Pour donner vie à son personnage, Marston va engager son propre artiste, contre l'avis de son éditeur mais avec le soutien de Gaines, en la personne de Harry G. Peter. Ce dernier est déjà plutôt âgé à l'époque puisqu'il a 61 ans, et sa seule expérience dans les comics books est d'avoir dessiné un peu pour True Comics. Malgré une orientation très féministe de leur personnage (Marston ne cessera de répéter que Wonder Woman est faite pour être « de la propagande psychologique pour le nouveau genre de femmes qui devraient, je le crois, diriger le monde »), personne chez All-American Publications ne pensera à engager une femme au dessin. Marston justifiera son choix en disant qu'il a apprécié Peter car celui-ci sait de quoi la vie est faite. Un autre élément sur lequel Marston ne crachera pas, le dessinateur a lui aussi vécu durant le mouvement des suffragettes. Il dessinera d'ailleurs pour le journal Chronicle, qui couvrira abondemment ce mouvement féministe, et épousera une dame faisant le même métier que lui, Adonica Fulton, elle aussi suffragette. En 1908, Peter commence à travailler pour le magazine Judge, aux côtés d'une illustratrice très connue pour ses caricatures et dessins protestataires pro-féministes, Lou Rogers (dont il s'inspirera d'ailleurs plus tard pour un dessin de Wonder Woman ). Peter a aussi dessiné, un peu plus tôt dans sa carrière, pour le San Francisco Chronicle, qui a publié le tout premier strip, intitulé Mutt And Jeff. Rien ne montre pour autant qu'il a travaillé directement sur ce strip, malgré les dires de Marston. 

Wonder Woman devait personnifier la montée du pouvoir des femmes et le retranscrire dans sa manière d'être, de se tenir, de s'habiller. Tout le monde sera d'accord pour les bracelets, inspirés par ceux d'Olive Byrne, et notamment Gaines pour qui le fait d'arrêter les balles de pistolet avec était un bon point pour les relations publiques autour de ce délicat sujet. Elle devait être extrêmement belle et elle portera ainsi une tiare, comme les gagnantes des concours de beauté. A cause de la concurrence de Captain America qui vient tout juste de sortir chez Timely Comics et fait un carton dans les ventes, Wonder Woman devra aussi porter les couleurs de l'amérique et du patriotisme : blanc, rouge et bleu. Et finalement, elle devra porter très peu de vêtement, sur demande de Gaines pour faire vendre plus de magazines. Dans la première version de Peter, l'amazone porte un short bleu avec des étoiles blanches, un bustier rouge avec une plaque jaune en forme d'aigle dessus et des sandales. Marston valide la plupart des éléments mais rejette les petites ailes sur les sandales et s'interroge sur l'ajout d'une ceinture. Dans sa version finale, Wonder Woman garde la tiare et le bustier avec l'aigle, reçoit une ceinture avec l'inscription « WW », voit son short devenir une jupe et porte des bottes rouges. 

   

Caricature féministe de Lou Rogers reprise par Peter / Première esquisse de WW par Peter

 

La nouvelle super-héroïne Wonder Woman fera ses débuts à l'automne 1941 dans le segment « Introducing Wonder Woman », dans le 8ème numéro du magazine All-Star Comics. Ce magazine publiait à l'époque les aventures d'une équipe de super-héros, la Société de Justice d'Amérique. Marston va d'abord cacher son identité et signer le titre du pseudonyme Charles Moulton, un mix entre Maxwell Charles Gaines et son propre nom. Quelques mois après la sortie de ce numéro, l'armée japonaise attaque Peal Harbor et les États-unis entrent dans la seconde guerre mondiale. Marston, comme lors de la première, va proposer son aide et l'utilisation de son détecteur de mensonge, sauf que cette fois il n'aura aucune réponse et ne participera pas directement à la guerre, il combattra depuis les pages de son comic book. Ainsi, dès janvier 1942, dans Sensation Comics #1, Wonder Woman quitte l'île de Themyscira pour rejoindre le monde des hommes et combattre les forces du mal de l'axe. Elle est en route pour combattre le fascisme par le féminisme.

   

All-Star Comics #8, Sensation Comics #1 et Wonder Woman #1

Dans les premiers numéros, les origines du personnage seront assez mystérieuses et présentées de manière succincte. C'est lorsqu'elle obtiendra son propre comic book, à l'été 1942, que l'origine complète de l'amazone sera dévoilée dans le premier numéro : 

Les amazones sont un peuple légendaire de guerrières créé par la déesse de l'amour, Aphrodite, qui a besoin de femmes plus fortes que les hommes pour combattre les armées d'Arès (aussi connu sous le nom Mars), le dieu de la guerre. Aphrodite offre à la reine Hippolyte une ceinture magique grâce à laquelle elle ne peut être battue par aucun homme. Les guerrières vivent en paix sur Amazonia, jusqu'à ce qu'elles soient attaquées par Hercules, l'homme le plus fort du monde, et ses hommes. Les amazone s l'emportent, en partie grâce à la ceinture, et Hercules et ses hommes sont faits prisonniers. Mais Hercules, avec toute sa perfidie, va séduire Hippolyte et profiter de cette faiblesse chez la reine pour lui voler la ceinture et retourner la situation. Avec l'intervention d'Aphrodite, les amazones vont pouvoir se libérer et vaincre une nouvelle fois les hommes, avant de s'exiler sur une île paradisiaque, interdite aux hommes. Les bracelets portés par toutes les amazones existent pour leur rappeler cet épisode et ne pas oublier ce moment de faiblesse, c'est aussi leur seul point faible, si elles sont attachés au poignet par des hommes, elles perdent toute leur force.

Ayant envie d'une fille, Hippolyte va sculpter une statue à laquelle Aphrodite va donner vie et le nom de la déesse de la chasse, Diana. Quelques années plus tard, un militaire du nom de Steve Trevor s'écrase sur l'île et est secourue par la princesse amazone. Un tournoi entre amazone est organisé pour déterminer la plus forte qui sera ainsi chargée de ramener Steve Trevor dans le monde des hommes, pour y combattre les forces de l'Axe, dirigées par Arès. Diana participe au tournoi contre l'avis de sa mère, en dissimulant son identité, et le remporte. On lui remet alors son costume et le lasso de vérité et elle s'en va à bord d'un avion invisible. Dans notre monde, elle prendra l'identité secrète de Diana Prince , une infirmière qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau, et participera à la guerre aux côtés de Steve Trevor.

   

Hyppolite et Hercules / Naissance de Diana / Tournoi des amazones (Wonder Woman #1)

Cette histoire est originale et novatrice dans le monde des comics books, et pour de jeunes lecteurs, mais elle n'invente rien, elle est en partie très inspirée de fictions féministes et utopiques des années 1910. Dans Child of the amazons and other poems, de Max Eastman, en 1913, une fille amazone annonce à la reine qu'elle est tombée amoureuse d'un homme. Mais partir avec lui et porter ses enfants serait en violation direct avec les traités des amazones. Elle décide alors de ne pas suivre son cœur et de patienter jusqu'à ce que les hommes cessent leur tyrannie. La nouvelle Angel Island de Inez Haynes Gillmore raconte l'histoire de 5 hommes dont le bateau s'écrase sur une île déserte, sur laquelle habitent de magnifiques femmes portant des ailes. Les hommes vont les capturer et les faire prisonnières en leur coupant les ailes, puisqu'elle ne savent pas marcher. Finalement, la plus forte d'entre elles mènera les autres à la révolte et elles apprendront à marcher.
Enfin, en 1915, Charlotte Perkins Gilman, publie une nouvelle utopique intitulée Herland, dans laquelle les femmes vivent de manière totalement libres par rapport aux hommes et n'accouchent que de filles, créées par parthénogenèse (mode de reproduction monoparental).

L'équipe de la Société de Justice d'Amérique de l'époque, créée à l'hiver 1940, était composée à l'origine de huit membres : Flash, Green Lantern, Hawkman, The Spectre, The Sandman , Doctor Fate, Atom et Hourman. Le titre va notamment permettre de tester de nouveaux personnages auprès des lecteurs, il va ainsi y avoir un « turnover » régulier. Superman et Batman en feront partie mais seulement en tant que membre honorifiques, c'est à dire qu'ils peuvent être appelés en cas de grave danger. L'équipe n'aura pourtant jamais eu de femme, c'est pour cette raison que Gaines va souhaiter y intégrer Wonder Woman . Mais il laissera le choix aux lecteurs et proposera un vote entre 6 personnages pour faire élire le nouveau membre de la JSA. Le bulletin de vote est publié dans Sensation Comics #5, où un numéro sera offert aux 1000 premiers votants. Le choix se fera entre Wonder Woman , Wildcat, Mr Terrific, The Black Pirate, The Gay Ghost et Little Boy Blue. Sans surprises, la princesse amazone remporte la vote haut-la-main. Sauf que le vote était légèrement biaisé, la photo de Wonder Woman apparaissant deux fois sur la page et en bien plus grande taille à côté des autres. Wonder Woman fait ses débuts au sein de la Société de Justice en août 1942 dans le numéro #11 de All-Star Comics. Mais ce n'est pas du tout le résultat attendu puisque le scénariste de la série, Gardner Fox, fait de Diana la secrétaire de l'équipe, chargée de consigner ses aventures. Son rôle sera minimal et elle ne participera jamais à l'action, restant au QG (« Bonne chance, les garçons ! J'aimerais tellement pouvoir venir avec vous ») ou trouvant des raisons pour disparaître dès le début des numéros. Même lorsqu'elle réunit toutes les petites amies des super-héros pour aller les secourir, c'est elles qui se mettent en danger et finissent par être secourues. William Moulton Marston sera fou de rage, sa Wonder Woman est une femme forte, progressiste et féministe, qui combat les forces du mal pour la Justice , la liberté et le droit des femmes, celle de Fox est inutile et sans défense. 

   

Les membres fondateurs de la JSA / WW acceptée dans l'équipe / WW et les femmes des héros

William Moulton Marston utilisera sa Wonder Woman à des fins de satyre sociale sur des sujets controversés de l'époque. Il s'attaquera notamment à l'industrie de distribution du lait dans Sensation Comics #12, alors qu'un scandale éclate dans le journal Hearst, avançant qu'il existe une escroquerie sur le prix de vente du lait, remontant jusqu'aux plus hautes fonctions de l'état. Marston approfondira un peu cette histoire pour la faire coller au contexte de guerre et dévoilera que les allemands comme responsables de l'affaire, dans le but d'affaiblir les futures générations d'américains. Dans Sensation Comics #8, l'Amazone s'attaque à l'industrie du textile, en faisant référence à une grande grève devant une usine de textile en 1912, à Lawrence, à laquelle ont notamment participé Margaret Sanger et Ethel Byrne. Diana découvre un complot autour d'un grand magasin dans lequel les femmes sont sous-payées ou injustement virées. Elle fera ouvrir les yeux à la directrice avec son lasso de vérité, pour découvrir que son mari est derrière toute l'affaire. En septembre 1942, Marston s'attaque aux violences conjugales alors que Diana Prince , la vraie dont Wonder Woman a copié l'identité, se retrouve mariée à une brute qui l’empêche d'aller travailler et lui fait faire toutes sortes de tâches à la maison. La princesse amazone et son scénariste prôneront toujours l'inverse, qu'une femme doit être indépendante et pouvoir travailler dans le « monde des hommes » et des affaires, si elle le souhaite. C'est d'ailleurs pour cette raison que Diana refusera pendant longtemps d'épouser Steve Trevor, malgré les demandes incessantes de ce dernier. La seule fois où elle acceptera sous l'ère de Marston, c'est parce qu'elle aura perdu sa force et qu'elle sera soumise à Trevor. « Je suis prête à être ta petite femme docile », dira-t-elle, totalement en dehors de son personnage.

Le scénariste de Wonder Woman sera même parfois en avance sur son temps, comme dans Wonder Woman #7, à l'hiver 43, où il fait de Wonder Woman la présidente des États-Unis. L'histoire se déroule dans le futur, en 3004, avec une WW soutenue par le parti des femmes opposée à Steve Trevor, soutenu par le résistance des hommes, qui vont essayer de trafiquer l'élection. La Diana du futur l'emportera et sa jeune version du présent, témoin de cette vision, regrettera que cela se passe ainsi et Hippolyte lui dira que « les hommes sont bien plus heureux quand leur nature agressive est contrôlée par une femme sage et aimante ».

Sous la direction de son créateur, Wonder Woman sera publiée dans Sensation Comics, Wonder Woman et Comic Cavalcade. En 1943, et durant une année, elle aura l'honneur d'avoir son propre strip dans les journaux, comme Superman et Batman avant elle.

   

WW contre l'industrie du lait / WW présidente / les débuts de WW dans les journaux

William Moulton Marston décède le 2 mai 1947, à 54 ans, des suites d'un cancer de la peau que sa famille lui a caché pour lui éviter une grande dépression mais aussi certains excès de colère et de violence qu'il aurait pu manifester. Dans son eulogie, il est cité comme l'un des précurseurs du détecteur de mensonge, comme le créateur de Wonder Woman , qui laisse derrière lui une femme et 4 enfants. Aucune mention n'est faite d'Olive Byrne. Holloway tentera de reprendre la direction du personnage et souhaitera l'écrire après la disparition de son mari, postulant qu'elle connait le personnage mieux que quiconque et qu'elle saura faire perdurer la vision de Marston. DC Comics refusera et mettra le destin de Wonder Woman entre les mains du scénariste Robert Kanigher

Il est encore aujourd'hui difficile d'évaluer précisement à quel point et dans quelles mesures les deux femmes de la vie du créateur de Wonder Woman ont influencé et forgé la naissance du personnage, mais l'on sait au moins que leurs rôles ont été majeurs et déterminants. Les deux femmes continueront à vivre ensemble jusqu'à leurs morts, Olive partira la première en 1990 à l'âge de 86 ans, Elizabeth vivra jusqu'à ses 100 ans, en 1993. Ce trio laisse derrière lui une véritable icône, qui a pris une dimension et une place insoupsonnées dans la conscience collective et qui a eu et continu d'avoir un impact culturel déterminant, en portant des valeurs et des idéaux qui ont autant d'importance et de pertinence en 2017 qu'en 1941.

 

Sources : Les informations et anecdotes de ce dossier sont grandement tirés de l'excellent livre "The Secret History Of Wonder Woman ", par Jill Lepore, (seulement disponible en anglais) que l'on vous conseille chaudement si vous souhaitez encore plus creuser ce sujet passionnant de l'origine historique de Wonder Woman .

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  • Mitch31200
    Mitch31200

    il y a 7 ans

    Superbe article!!!!!

  • mmat1986
    mmat1986

    il y a 7 ans

    Excellent article, le parallèle vie privée de l'auteur et sa création sont super intéressants

  • Star Raider
    Star Raider

    il y a 7 ans

    Merci pour ce superbe dossier ! ^_^
     

  • Laulau
    Laulau

    il y a 5 ans

    Excellent article..merci beaucoup pour ce travail, complet et de compréhension aisée..