RetroComics # 6 : Batman - Gothic

RetroComics # 6 : Batman - Gothic


Après des mois d’inactivité dûes à une grosse panne de ma machine à voyager dans le temps… nan je plaisante, je dois avouer avoir perdu un peu de temps libre et de motivation pendant cet été à cause de ma vie personnelle. Mais trêve de bavardage, notre escapade du jour va nous ramener une fois de plus dans les années 1990, et une fois de plus du côté de Gotham City . Si je sors ma machine du garage, c’est aujourd’hui pour vous présenter une histoire s’inscrivant parfaitement dans la logique des publications actuelles concernant le Dark Knight. Aujourd’hui, Grant Morrison est acclamé pour son run sur l’univers Batman (oui je parle d’univers car il a officié sur Batman , puis Batman and Robin , et Batman Inc pendant ce run) qui touche à sa fin dans sa version originale est qui est réédité dans nos contrées dans la langue de Molière en ce moment même. Mais saviez-vous qu’avant tout cela le Monsieur s’était déjà frotté au personnage ?

Je vous propose donc de monter dès maintenant dans notre machine, comme vous pouvez le remarquer (… ou pas) beaucoup d’améliorations concernant votre confort y ont été apporté. Bref, trêve de bavardage, direction Gotham City en Avril 1990 !





Grant Morrison se frotte pour la première fois au personnage de Batman après que celui-ci ait éclaté aux yeux du grand public au cinéma, mais avant qu’une nouvelle génération de batfans ne se forme via la série animée que la plupart d’entre vous doivent connaitre. Dans sa tâche, il est accompagné par Klaus Janson, un copain européen que je ne connais pas tellement… cela s’explique surement par le fait que ce dernier a la plupart du temps dessiné des one-shots sur des séries célèbres et moins célèbres, et pas mal d’arcs en 2 ou 3 numéros et des mini-séries comme les deux premières version de Gambit . D’ailleurs autant vous le dire tout de suite, je n’orienterai pas du tout ce voyage sur l’aspect visuel. Sachez juste que les dessins sont plutôt lambda, très typés années 1980 (et oui, on entre à peine dans les 90’s, on a pas encore eu les mecs de chez Image qui forcent tout le monde à gonfler les muscles des persos et à leur donner des looks improbables !).

Revenons donc à notre histoire, et nous ne parlerons ici que de cela, dans le sens où cette histoire en 5 parties est le premier rapprochement entre Batman et le scénariste de génie qui lui a rendu ses lettres de noblesses dans les années 2000.
Petit aparté pour revenir sur la série dont est extrait cette histoire, et je parle bien d’histoire car elle a plus tard été sortie en TPB, comme beaucoup d’autres mini-séries composant « the Legends of the Dark Knight ». Pour ceux qui n’auraient pas lu le numéro relatifs aux Halloween Specials (parus en tpb sous le nom Haunted Night… je ne me souviens pas de vous l’avoir dit en fin d’article), ce n’est en fait pas du tout une série. C’est un espace d’expression pour des artistes reconnus ou en devenir (comme c’était le cas pour Morrison à ce moment-là) qui avaient la possibilité d’y développer « leur » Batman, puisqu’ils étaient affranchis de la continuité et qu’il n’y avait aucune exigence de fil rouge général entre les histoires. Je ne vais pas trop revenir dessus, mais beaucoup d’histoires sorties en tpb depuis cette époque proviennent de là : Shaman, Venom, … avec des artistes tels que Doug Moench, Archie Goodwin, Dennis O’Neill, De Matteis, … quasiment tout le gratin ayant travaillé chez DC Comics à cette époque-là en fait.
Ce que j’apprécie dans ces histoires, c’est qu’il n’y a pas de cahier des charges à part placer ça « dans les premières années d’activité du Dark Knight », les artistes ayant travaillé dessus ont donc pu vraiment proposer des choses et c’est l’une des rares séries Mainstream sur le héros qui a laissé une liberté quasi-totale sur le personnage, ce qui a abouti à pas mal de trucs assez fous, mais à la fois très bon puisque réalisés par d’excellents artistes maitrisant totalement leur sujet. Je ne vais pas m’étendre plus sur la série en elle-même, mais j’espère vous y avoir clairement sensibilisé afin qu’à votre prochain passage dans un comic shop, si vous avez la chance d’en trouver un pas trop cher de sauter dessus s’il s’agit d’un one shot !






Lorsqu’on ouvre le premier numéro et que l’on voit les quelques premières pages, on se trouve tout d’abord dans une scène de passage à tabac…. façon de parler, en clair c’est une mise à mort en espérant soutirer une information à la victime avant de s’en débarrasser ! Ensuite, il s’agit d’un cauchemar de Bruce Wayne le ramenant dans ses souvenirs d’enfants. On retrouve donc deux thèmes assez chers à Grant Morrison : un Batman qui aura affaire à des gangs, et surtout une volonté d’apporter quelque chose au passé du personnage, de le développer, de le faire partir dans de nouvelles directions.
En avançant un peu, on remarque quelque chose qu’on ne voit plus si souvent de nos jours : Gotham City pleine de couleurs, lumineuse. Bien entendu, quasiment tout se passe la nuit, mais on est assez loin du style de Neal Adams. Les couleurs sont chatoyantes et surtout la ville est pleine de vie, on voit des gens marcher dans la rue, il y a des mecs qui essayent de draguer maladroitement (… plutôt harceler je dirais) les jeunes femmes sortant du train arrivant parfois pour la première fois à Gotham City. En clair, c’est plutôt sympathique. L’intrigue est d’ailleurs tout de suite très liée au monde de la rue, puisque l’ennemi que devra affronter Batman est présenté dans cette première partie, de lui on ne verra rien que son dos dans une sorte de Trench Coat Rouge, mais on sait qu’il s’appelle Mr Whisper et est de retour, apparemment pour en découdre avec les mafias du coin puisque ses victimes en font toutes partie. Conclusion du numéro, la mafia a peur car « Whisper is back », Batman fait régner l’ordre dans la rue en défendant un homme agressé par deux petites frappes, et tout ça se termine par un bon gros Bat-signal dans le ciel nuageux de Gotham City .



Dans la suite, on retrouve la mafia tentant de faire un marché avec le Dark Knight que celui-ci refuse bien entendu. Ce qui est très intéressant, c’est que dès le début, le lecteur est appâté en révélant un peu le passé de ce mystérieux Mr Whisper et ce qu’il s’est passé 20 ans plus tôt qui explique son retour et pourquoi il tue ces personnes. Et tout de suite après, on nous relance sur la piste du cauchemar de Bruce en nous montrant une autre scène assez tordue lui faisant parvenir le message « unlock the rose », et il y aurait également quelque chose laissé en friche depuis 20 années de son côté qu’il doit remettre en lumière. En fait, c’est assez surprenant ce rythme, l’histoire est écrite quasiment comme une chanson avec un refrain et des couples qui alternent, toujours avec un pont de une ou deux pages entre les deux, nous parlant d’une cathédrale en phase de réouverture qui est certainement la cathédrale du premier rêve de Bruce que l’on nous fait découvrir. Très rapidement, on revient sur les années d’école primaire de Bruce en Angleterre, établissant là aussi un lien avec l’histoire « principale » notamment en citant un homme sans ombre. On voit déjà à ce moment-là que 15 années avant d’entamer son run sur Batman , Grant Morrison maitrisait déjà très bien le personnage et avait ce talent, certainement inné chez lui, de lancer plusieurs intrigues en parallèle et de les mener de front en apportant à chacune le même soin, les rendant toutes vraiment aussi intéressantes les unes que les autres.
Après deux numéros, le seul petit reproche que l’on pourrait faire est dans la structure du récit. On a toujours environ 4 pages de l’histoire principale, puis dans les 10-12 suivantes, on passe les 3 autres intrigues en revue, donnant une impression de véritable consistance à ces 3 groupes de 4-5 pages, et on revient à presque à 10-12 pages sur l’histoire principale mais souvent avec peu de dialogues, on a donc de l’action pendant 75% de ce passage avant d’avoir la petite fin sensé nous donner envie de revenir le mois suivant pour finir le numéro. C’est vraiment dommage car ça déprécie un peu toute cette dernière partie alors qu’en fait, elle n’est vraiment pas mauvaise du tout, on a de la bonne action à la Batman et certaines pages proposent des détails visuels plutôt sympas.




Dans le chapitre suivant, la rythmique est un peu cassée, on passe pas mal de temps sur le passé de Bruce et ce dernier va suivre ses souvenirs qui vont le mener de son ancienne école à un monastère autrichien, lieu où un prêtre lui révèlera d’ailleurs ce qui a précédé le monastère actuel. C’est assez intéressant à suivre et très bien écrit comme tout le reste mais je ne m’étalerai pas plus sur le sujet. Ce qui est vraiment bon, c’est qu’on passe de l’intrigue très réaliste des deux premiers numéros à une intrigue cette fois mise en valeur pendant presque tout le chapitre qui touche à la religion, à la notion d’enfer et dévie totalement vers le fantastique. Au final, plus l’histoire évolue, plus on se retrouve dans tout ce qui rend ce personnage et son univers si attrayant : des sujets profonds, de l’action, du fantastique. Cela parle donc beaucoup plus dans ce troisième chapitre mais c’est tellement bien fait que c’est très cool à suivre, surtout cette transition si rapide et bien menée entre le réel et le fantastique.



Dans le quatrième chapitre, on retrouve Batman plus dans son rôle de détective, il essaye de relier tous les éléments entre eux, sa manière de penser est très bien retranscrite par Morrison et il nous distille une mini leçon d’architecture assez intéressante sur l’architecture gothique en particulier via Batman . Ce chapitre est aussi l’occasion de faire avancer la trame principale de l’histoire, très réaliste au début mais qui finalement baigne dans le fantastique, et les événements du numéro précédent permettent à Bruce de faire le lien avec la Cathédrale de Gotham… qui va vraiment être bientôt rouverte ! Autre point particulièrement intéressant, Morrison relie habilement le passé de Bruce qu’il détaille dans cette histoire à la continuité en le faisant quitter l’école et revenir au Manoir Wayne pendant la fin d’après-midi précédent la célèbre sortie familiale au cinéma. Cela me permet de revenir sur un point important des Legends of the Dark Knight. Ils étaient au départ censés être hors continuité mais lorsque certains auteurs lient leur histoire à la continuité et viennent même l’enrichir, je pense que ces éléments sont tout à fait à inclure dans le mythos général de l’univers Batman pré-reboot. Je pense que ceci est particulièrement mis en valeur par le choix des histoires tirées de cette série ayant été éditée au format TPB (en graphic novel en quelque sorte), car que ce soit Gothic ou Venom , par exemple, on voit bien que ces deux histoires ont installés quelque chose au sein de la continuité, le premier que nous suivons en ce moment même de part ce qu’il apporte en ce qui concerne l’enfance de Bruce et le passé ayant abouti à cette cathédrale de Gotham City (un apport double donc, autant au personnage qu’à son environnement). Le second a simplement introduit le « venin », qui aboutira peu de temps après à l’introduction d’un ennemi qui passera dorénavant à la postérité grâce au TDKR de Nolan : Bane.
Pour en revenir à notre chapitre, toutes les révélations sont faites, les éléments rassemblés, ce chapitre est au final composé de pas mal d’action aboutissant à la capture du Chevalier Noir et à la mise en marche du plan machiavélique du méchant qui veut tromper le Diable en personne en tuant des millions de gens. Je sais, dit comme ça, je fais un peu perdre de valeur à tout ça, mais Grant Morrison le met en scène bien mieux que moi et donne surtout un sacré chrisme à ce méchant.

Le chapitre suivant est 100% action mais offre une conclusion au final assez poétique. On est totalement dans le fantastique mais la boucle est bouclée, on apprend même la raison de la scène de l’arrivée d’une jeune fille à Gotham qui passe presque inaperçue en début de récit, qui donne d’ailleurs même presque l’impression d’être un événement anodin pour donner un peu de vie à la ville.





Au final, je ne vous ai pas révélé grand-chose à partir du troisième chapitre de cette histoire mais j’imagine que vous vous doutez pourquoi ! Cette histoire mérite vraiment d’être découverte car on a affaire à de l’excellent Batman écrit par un jeune artiste en devenir qui depuis a très largement confirmé toutes les qualités que l’on pouvait déceler dans cet essai.
Pour conclure ce voyage, un petit résumé de ce que nous avons appris sur le jeune Grant Morisson :
1) Il était déjà bourré de talent
2) Une histoire dense multipliant les intrigues pour nous perdre et tout nous rebalancer dans la figure à la fin
3) Du réaliste, du fantastique, une ligne entre les deux qui s’estompe totalement à la fin, on retrouve un peu une progression du fantastique vers le réel à la Théophile Gautier
4) Un réel apport sur le passé de la ville et de Bruce Wayne qui justifie sûrement à lui seul la réédition en TPB
En gros il faut le lire ! Ça se trouve assez facilement sur la plus grande librairie mondiale en ligne à même pas 10 euros, donc pour ceux qui sont intéressées par les jeunes années de Batman et les jeunes années de Bruce Wayne , jetez-vous dessus !

Il est maintenant temps de détacher vos ceintures, je vous souhaite un agréable retour en 2012. J’attends vos commentaires, remarques et critiques concernant cet article. Je pense m’y remettre sérieusement, mais j’ai besoin de votre aide pour les sujets / héros que vous souhaiteriez éventuellement voir abordés dans cette rubrique. Sur ce… *BAM*

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Un Long Halloween... à Gotham City

  • conan
    conan

    il y a 12 ans

    Yeah j'aime bien cet article sur une oeuvre de mon scénariste favoris. En espérant que si les Grant Morrison présente Batman ont du succès, Urban le sortira.

  • susano-wo
    susano-wo - Rédacteur de l'article

    il y a 12 ans

    Franchement j'en doute un peu car ce qu'il a ajouté au lore via cet arc sur LoTDK n'est pas reprit dans son run. Si ça avait été le cas, vu qu'ils ont prévu de nous publier une bonne partie du black casebook (à mon avis ça av s'étaler sur les 4 et 5), ça aurait surement été reprit là dedans, mais là ça me parait étonnant. A la limite, il vaut mieux rééditer le superbe one shot Son of the Demon qui explique la conception de Damian :)