Conférence Carlos Pacheco au PopCon de Toulouse

Conférence Carlos Pacheco au PopCon de Toulouse

Pour sa première édition, le festival Super-Héros qui s’est inscrit dans le cadre de l’évènement toulousain PopCon a décidé pour l'occasion de mettre les petits plats dans les grands en invitant des poids lourds du monde des comics sous l’impulsion du costaud Paul Renaud. Parmi eux, l’espagnol Carlos Pacheco, illustrateur et véritable figure des années 1990 de Marvel est venu dans la ville rose pour présenter son travail. C’est au fil d’une conférence menée par l’inénarrable Xavier Fournier que l’artiste a levé le rideau sur l’envers du décor de sa fulgurante carrière…

Tu es d'origine espagnole et a priori rien ne te destinait à devenir un artiste reconnu dans le monde des comics américains. Comment en es-tu venu à être un dessinateur dans l’industrie des comic books ?

Il y a toujours eu une scène de comics très intéressante en Espagne mais il est vrai que personne ne travaillait réellement sur les super-héros à mon époque. En effet, dans les années 1970, les comics books de Marvel et DC n'étaient pas tellement accessibles. Autant dire qu’il était impensable de pouvoir travailler chez ces éditeurs quand on n’était pas de nationalité américaine ! Maintenant, avec la démocratisation d’Internet tout est plus facile : de nombreux artistes de nationalités différentes travaillent maintenant aux États-Unis au sein d’une multitude d’éditeurs.
En ce qui me concerne, quand j'ai commencé à m'intéresser aux comic books américains, les choses commençaient à se décanter petit-à-petit. On pouvait approcher les éditeurs en leur envoyant directement des dessins, en général quelques petites planches en noir et blanc. C'est à cette époque-là que j'ai commencé à me prendre de passion pour le monde des super-héros - notamment grâce à l’œuvre de Moebius - et que j'ai fait mes premiers dessins en mettant en avant des mouvements amples et des corps sculpturaux. Au fil du temps, dessiner des super-héros est devenu quelque chose de très naturel pour moi...
Bref, le plus difficile a été de pouvoir travailler chez des gros éditeurs américains comme Marvel et DC. En effet, comme vous pouvez vous en douter, le fait d’être Espagnol ne m’a pas permis de m’imposer naturellement auprès de ces grosses structures ! (rires). J'ai donc commencé à me faire connaître en envoyant de nombreux dessins par courrier aux gros éditeurs. À l’époque il était difficile d’avoir un suivi précis des envois via des transporteurs comme FedEx et consorts, j’envoyais donc régulièrement mes dessins sans savoir vraiment si mes œuvres arrivaient à destination ! (rires) Mais au final, j'ai eu de la chance : mes dessins ont bien été acheminés jusque sur les bureaux des éditeurs... et en plus, ils ont plu !

Comment vous définiriez votre propre style ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?

En fait, je pense que mon style est un mélange un peu hétérogène des nombreuses références qui m’ont marqué. Dans les années 1970, les continents était un peu plus cloisonnées stylistiquement parlant. En effet, la façon de dessiner les comic books, d’illustrer les personnages ou de développer les histoires étaient très différentes en fonction des pays : ce qui se faisait aux États-Unis n’était pas fait de la même façon en Espagne, par exemple. Dans un premier temps, j’ai donc été influencé par ce qui se faisait dans mon propre pays puis dans les pays limitrophes, notamment en France avec des artistes comme Moebius et même Uderzo. Petit à petit j’ai travaillé mes dessins en m’inspirant de ces artistes-là de manière plus ou moins inconsciente. J’ai dévoré tellement de BD en étant enfant et durant l’adolescence que mon style d’aujourd’hui est la résultante de l’apport de tout ce que j’ai pu lire. Plus tard, je me suis intéressé aux artistes américains mais mes principales influences sont celles de mon enfance…

On remarque souvent dans vos travaux une utilisation très marquée de la contre-plongée si bien que ça fait maintenant partie de votre style. C’est quelque chose que vous travaillez de manière consciente pour déformer les anatomies des personnages ou pour que le lecteur soit toujours en dessous du héros ?

L’utilisation de la contre-plongée dans mes dessins est quelque chose de parfaitement volontaire car je pense que ça reflète ma vision des super-héros. En effet pour moi, les super-héros sont des dieux qui évoluent dans le monde des humains. De ce fait, ces personnages se situent donc à un niveau supérieur de celui des simples hommes. Pour moi, l’utilisation de la contre-plongée est effectivement une façon de placer les lecteurs en dessous des héros : c’est une sorte de révérence face au côté majestueux et puissants des super-héros (rires). À partir de là, la contre-plongée m’oblige à travailler sur les anatomies des personnages en mettant en avant la tension au niveau des jambes et du dos. Ça permet de véritablement mettre en relief la musculature des personnages…
En fait, je pense que le but d’un comic book c’est de faire rêver le lecteur. C’est pourquoi les héros doivent être grands, puissants, majestueux et avoir des particularités physiques bien au-delà des humains !

Vous avez travaillé sur des dizaines de séries différentes dont Avengers Forever en 1998. Pouvez-vous nous raconter la naissance de ce projet si marquant ?

Il faut savoir qu’à l’époque, c’étaient les X-Men qui surfaient sur le haut de la vague et les séries sur The Avengers n’avaient pas le même succès qu’aujourd’hui. Ces héros-là n’étaient plus très populaires auprès du lectorat et même pour les artistes. En ce qui me concerne, j’en avais un peu marre de travailler sur les mutants et j’avais envie de me diriger vers autre chose. C’est donc tout naturellement que je me suis investi sur l’équipe de The Avengers avec Kurt Busiek dont j’étais fan depuis de nombreuses années. Nous avons vite mis en place un nouvel arc narratif – Avengers Forever – mais à cette époque-là, Marvel avait décidé de partir sur un récit plus commercial afin de toucher un plus large public et remettre The Avengers au goût du jour. Du coup, nous avons donc dû modifier beaucoup d’éléments par rapport à ce que nous avions prévu de faire initialement…

Vous êtes connu en tant que dessinateur talentueux mais le grand public ne sait sans doute pas que vous avez été pendant deux ans de 2000 à 2002 le premier scénariste non-américain sur la série Fantastic Four…

En effet, j'ai travaillé un petit moment en tant que scénariste sur la série Fantasic Four. Avant cela, j'avais bossé sur un livre consacré à The Inhumans pour lequel j'étais consultant pour Marvel. À la suite de ça, on m'a proposé de plancher sur un projet de nouveau groupe de héros mutants qui auraient été créés par Cerebro en combinant les ADN de nombreux mutants. Malheureusement cela ne s'est pas fait... Mais j'étais tellement à fond dans ce projet qu'on m'a demandé de reprendre la série The Inhumans. Le truc c'est que cette série était encore aux mains de Paul Jenkins et de Jae Lee qui ont connu un énorme succès avec la collection Marvel Knights. C'était donc très compliqué de se glisser derrière eux après un succès comme celui-là. C'est pourquoi on m'a proposé de travailler sur la série Fantastic Four vers 2000. En m'intéressant à The Inhumans, je me suis aperçu que les Américains avaient une fascination incroyable pour la monarchie et ce, pour une raison que j'ignore. Je me suis donc mis en tête de développer cette optique là en m'attachant notamment au personnage de Star-Lord….

Quels souvenirs gardez-vous de cette aventure en tant que scénariste pour Fantastic Four ? Il me semble que vous n'avez plus écrit après ça...

Qu’on ne s’y trompe pas : je ne garde que des bons souvenirs de ce travail de scénariste. Je n'ai plus renouvelé cette aventure pour la bonne et simple raison que je n'ai pas de véritable expérience dans ce domaine. J'ai d'ailleurs été le premier surpris quand Marvel m'a donné l'opportunité de plancher sur les scripts de la série Fantasic Four. Et puis mon truc à moi c'est le dessin ! Cependant, le fait de pouvoir être scénariste m'a permis de me concentrer sur le côté classique de Fantasic Four, c’est pourquoi j’ai fait en sorte de revenir aux bases durant mon run.

Après Fantastic Four, vous vous êtes retrouvé chez DC Comics...

Oui. Après Marvel, je suis parti chez Cliffhanger, un petit label de Wildstorm qui était spécialisé dans les comics creator-owned. Je bossais notamment sur Arrowsmith avec Kurt Busiek jusqu'au jour où les droits de ce label indépendant ont été rachetés par DC Comics. Je me suis donc retrouvé chez eux un peu malgré moi ! (rires)
Après m'être investi sur sur Arrowsmith, DC m'a proposé des contrats pour travailler sur les grandes licences de l'éditeur. Comme tout fan, j'étais vraiment heureux qu'on me donne l'opportunité de travailler sur des personnages iconiques comme Superman ou Wonder Woman. J'ai donc collaboré avec Geoff Johns sur JLA/JSA : Virtue and Vice en 2002 / 2003 et j'en garde un excellent souvenir. Ensuite j'ai enchaîné sur des séries comme Superman/Batman, Green Lantern et bien d'autres !

Arrowsmith est un titre marquant de votre carrière. Pourquoi vous êtes-vous dirigé vers une histoire qui se déroule pendant la Première Guerre Mondiale ?

J'ai toujours été fasciné par la Première Guerre Mondiale et je me suis rendu compte qu'elle n'était jamais mise en avant dans les comic books, comme si l'univers des super-héros commençait à partir des années 1930. Vu que l'industrie du comics mainstream n'est pas le meilleur moyen pour raconter une histoire sur la Première Guerre Mondiale, Kurt Busiek et moi-même avons donc décidé de réaliser cette série sous la bannière creator-owned. Ensuite, nous avons développé l'univers de la magie dans cette époque post révolution industrielle et nous nous sommes interrogés sur son influence dans la vie quotidienne des êtres humains. Nous avons fait en sorte de bâtir un récit qui se devait de bien fonctionner même si nous retirions le côté fantastique de l'histoire. En effet pour nous, le cœur d'Arrowsmith c'était la Première Guerre Mondiale et non pas la magie...

Arrowsmith est une série très riche. Pourquoi a-t-il fallu attendre 15 ans pour travailler sur une suite ?

En fait, Kurt et moi-même avions beaucoup de contrats à honorer. Il a donc fallu attendre que nous soyons tous les deux libres pour pouvoir retravailler ensemble, ce qui n'a pas été très facile. En plus, Kurt a eu aussi quelques petits problèmes de santé, ce qui a repoussé notre collaboration. Voilà, maintenant tout est terminé et ça devrait sortir dans pas très longtemps...

Est-ce que vous vous imaginez travailler avec d'autres scénaristes sur de nouveaux projets dans la veine d'Arrowsmith ?

Arrowsmith est pour moi une sorte de soupape lorsque j'en ai un peu marre de travailler 24h/24h sur les super-héros. C'est un projet qui me permet donc de prendre un peu de recul et de pouvoir respirer lorsque tous ces gars avec des masques et des collants se font trop pressants dans ma vie. Ceci étant, j'adore l'univers des super-héros et je n'ai pas envie de faire autre chose pour l'instant. Je n'ai par exemple jamais travaillé sur le personnage de Spider-Man, je pense donc que je suis encore loin d'avoir fait le tour de ce formidable univers !

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