Interview de Paolo Villanelli au TGS 2018

Interview de Paolo Villanelli au TGS 2018

Mine de rien, l’artiste Italien Paolo Villanelli a su se faire une petite place au soleil dans le monde des comics. Ainsi, après un rapide passage chez un petit éditeur transalpin, l’illustrateur a décidé d’aller se frotter au marché américain en se faisant les dents sur des séries comme Hellraiser, G.I. Joe : Snake Eyes, Agent of Cobra, Star Wars : Lando, Rogue One : A Star Wars Story ou Deadpool pour Boom! Studios, IDW Entertainment ou bien Marvel Comics… Excusez du peu ! Véritable stakhanoviste du dessin, Paolo n’en reste pas moins conscient du travail à accomplir pour s’imposer comme l’une des fines gâchettes du genre. En ce premier jour du Toulouse Game Show 2018, on est donc allé tailler une bavette avec le sieur Villanelli, histoire de parler avec lui de son parcours et de sa façon de voir les comic books !

Après avoir travaillé au sein de Villain Comics, Boom! Studios et IDW il y a quelques années, vous êtes maintenant chez Marvel. Quel regard portez-vous sur votre ascension plutôt rapide ?

D’aussi loin que je m’en souvienne, j'ai toujours fait en sorte de travailler dur. J'ai toujours voulu faire des comics, notamment aux États-Unis. J'ai donc commencé à faire mes premiers pas au sein d'un petit éditeur du nom de Villain Comics en Italie. Cette maison d'édition a vite mis la clé sous la porte car c'était juste une entité créée par un groupe d'amis passionnés de comic books, mais ça m'a permis d’engranger un peu d'expérience et de pouvoir envoyer mes dessins à différents éditeurs américains. J'ai été repéré par Boom! Studios puis ensuite par IDW et enfin par Marvel.
Mais pour répondre à la question, je dois avouer que pendant longtemps je n'ai pas vraiment eu l’impression que les choses se soient passées si vite pour moi. En effet, quand on travaille dur, on a toujours l'impression que rien n'avance ! (rires) Maintenant, avec du recul, je m'aperçois que c’est vrai : ma carrière a vite décollé. Je pense avoir fait mes preuves, mais je sais que je dois encore travailler dur pour pouvoir me faire ma place…

"Ma carrière a vite décollé. Je pense avoir fait mes preuves, mais je sais que je dois encore travailler dur pour pouvoir me faire ma place"

Les comic books sont en général le reflet de la société moderne et le mouvement #MeToo, qui a maintenant un an, a fait changer pas mal des choses en ce qui concerne la place de la femme. C’est quelque chose que vous avez ressenti dans l’industrie des comics ?

Je pense que le fait qu’on puisse voir de plus en plus de femmes dans l’industrie des comics en tant qu’artistes, scénaristes, coloristes ou bien dans d’autres métiers liés au comic books est une bonne chose. De plus, on s’aperçoit que de nombreuses jeunes filles et femmes lisent de plus en plus de comics, qu’elles viennent aux conventions, qu’elles discutent avec les artistes etc. Ça prouve que les mentalités sont en train d’évoluer et que les choses commencent à changer. Je pense sincèrement que les éditeurs ont compris ça et qu’ils se sont adaptés en conséquence, dans la mesure où les femmes sont devenues maintenant une véritable composante du marché des comics…
Cependant, la poussée d’un mouvement comme celui de #MeToo et plus généralement du féminisme a obligé les maisons d’édition à changer leur fusil d’épaule et à intégrer d’une manière plus prégnante la place de la femme. La montée en puissance de ce mouvement a été si fort qu’il a fait sauter tous les verrous de l’industrie et les résistances de certains. C’est quelque chose de très bien et il est intéressant de noter que les gros éditeurs – comme Marvel ou DC – se sont aussi vite adaptés à ce changement des mentalités. Personnellement, je trouve que c’est assez remarquable car, en règle générale, les choses évoluent très lentement dans les grosses structures. Mais parfois c’est le lectorat qui ne suit pas. En effet, si mes souvenirs sont bons, je crois qu’il y avait une couverture qui avait amorcé la chose en 2016 sur une série Marvel [Mockingbird – Ndr] avec un personnage féminin où il était écrit quelque chose comme "Ask me about my feminist agenda". C’était une cover plutôt cool avec un message très fort, mais beaucoup de gens se sont sentis offusqués et la scénariste de ce comic book, Chelsea Cain a été harcelée sur les réseaux sociaux. C’était terrible de constater que de nombreuses personnes (des hommes de 30 à 40 ans pour la plupart) ne comprenaient que les choses évoluaient… Mais bon, je pense que, malgré tout, les éditeurs vont dans le bon sens en mettant les femmes en avant et en défendant des causes justes.

Il y a 2 ans, nous avions fait une interview avec Mark Waid qui est très investi pour défendre les jeunes artistes harcelés à cause de leur ouverture d’esprit. En tant qu’artiste, avez-vous eu affaire à ce genre de problèmes ?

Je dois avouer que je ne sais pas vraiment… peut-être indirectement (il prend son temps pour réfléchir) En fait, ça fait longtemps que Mark Waid est attaqué par des gens du Comicsgate et il y a quelques temps ces derniers ont mis en avant une de mes planches pour illustrer un de leurs articles plein de haine. Je dois avouer que j’ai eu un peu peur car je ne savais pas si je ne devais rien faire ou bien si je devais me justifier de quelque chose… Mais au final, il ne s’est rien passé et personne ne m’a harcelé ou menacé.

Vous avez mis un pied dans l’industrie du comic book européen à vos débuts. Selon vous, quelles sont les différences entre les comics européens et américains ?

Ouch ! Ce n’est pas une question facile, ça ! (rires) Je pense que l’une des différences fondamentales c’est que les Américains ont ce truc pour créer beaucoup de merchandising autour des personnages de comic books. Ils sont vraiment très forts pour diversifier leurs produits sur ce marché-là. Et bien entendu, ils sont très doués pour faire des films directement adaptés des personnages de comics ! En fait, la mise en place d’un comic book aux Etats-Unis n’est pas toujours une mince affaire, car c’est souvent un gros investissement pour les éditeurs. De ce fait, ils vont chercher à rentabiliser tout ça avec du merchandising, des dessins animés, des jeux vidéo, etc.
En ce qui concerne les comics européens et plus particulièrement la bande dessinée franco-belge, je dirais que petit à petit on se rapproche des Américains en ce qui concerne le merchandising ! (rires) Mais sur le fond, la qualité est très souvent au rendez-vous. Je trouve que les histoires sont souvent très bien travaillées. On le ressent notamment grâce au format de ces BD (en gros, une BD fait environ 40 ou 50 pages, ce qui correspond à 3 comic books aux États-Unis). Les Américains font souvent des mini-séries de 5 numéros pour mettre en place une histoire – quitte à aller parfois un peu trop vite –, alors qu’en Europe, le format permet de prendre son temps pour bien développer son récit. Si besoin on peut même faire plusieurs tomes comme c’est le cas pour les séries XIII ou Blueberry, par exemple.
Quoiqu’il en soit, je trouve que les différences entre les comics US et européens ne sont pas si nombreuses.

Vous allez retravailler d’ici peu sur l’univers Star Wars avec Age Of Republic dès le mois de janvier… Vous allez donc dessiner Jar Jar Binks ?!

(rires) Non, non… Tout le monde me pose cette question, mais la réponse est non ! (rires) Je vais travailler sur Mace Windu… mais sans Jar Jar ! (rires)

"Si un personnage ne me transcende pas tellement, j’arrive quand même à m’amuser et à prendre plaisir à ce que je fais"

Est-ce qu’il vous arrive des fois de devoir travailler sur des personnages que vous n’aimez pas (comme Jar Jar, par exemple) ?

(il réfléchit) Oui… ça fait partie du boulot. Quand on travaille pour de gros éditeurs comme Marvel qui possède de très nombreux personnages, il peut arriver qu’on tombe sur un héros (ou un vilain) qui ne nous attire pas trop mais il faut faire avec, même si le design ou les costumes ne plaisent pas trop à l’artiste. De plus, en règle générale, les éditeurs n’aiment pas trop changer drastiquement les personnages qu’ils ont créés, surtout quand ces personnages existent depuis très longtemps. En ce qui me concerne, tout ce qui m’intéresse c’est de dessiner, j’adore ça… Donc même si un personnage ne me transcende pas tellement, j’arrive quand même à m’amuser et à prendre plaisir à ce que je fais.
Mais parfois l’éditeur donne la possibilité à l’équipe créative d’apporter un peu de changement. Quand ça arrive c’est vraiment une grosse satisfaction car ça me permet en tant qu’artiste de créer des choses nouvelles. Et en plus, la deuxième satisfaction c’est qu’une fois que le changement a été opéré, on sait que ça va durer un peu de temps, c’est-à-dire que les artistes suivants seront obligés de faire avec… même s’ils n’aiment pas le nouveau design du personnage ! (rires)

En règle générale, comment se passe le travail avec un scénariste ?

Ça dépend… Quand je travaillais avec l’excellent James Robinson sur Squadron Supreme pour Marvel Comics, il était très strict et me disait dans les moindres détails ce qu’il attendait de mes dessins. J’ai eu la même expérience avec Larry Hama sur G.I. Joe. Ces deux scénaristes ont une façon d’appréhender les choses et une vision générale qui ne font pas de distinction entre le travail du script et celui l’artiste. Je veux dire par là que quand ils écrivent un récit, ils ont précisément en tête les dessins qui vont avec. Avec eux, on est loin de la méthode Stan Lee dans laquelle le scénariste donne les grandes lignes directrices au le dessinateur. Ces expériences ont été très riches pour moi, car ça m’a permis de travailler dans une ambiance très cadrée et ce, même si j’ai quand même essayé d’y apporter mon petit grain de sel en proposant différentes choses comme faire une double page, par exemple… ce qui a toujours été refusé ! (rires)
Cependant, en général, je travaille étroitement avec les scénaristes avec qui je collabore. On communique beaucoup et chacun apporte des idées sur le rendu final de chaque planche.

En ce moment, les adaptations de comics vont bon train au cinéma et à la télévision. Pensez-vous que votre série phare Rom & The Micronauts puisse voir le jour sur les écrans ?

Ce serait vraiment génial ! J'adorerais vraiment voir ce que ça pourrait donner à l'écran, même si je pense que ça ne serait sans doute pas une mince affaire d'adapter cet univers. En tout cas, j'ai beaucoup apprécié travailler sur cette série avec David Messina et Christos Gage et si un studio veut l'adapter, j'en serais très heureux…Je peux même participer au projet si on me le demande ! (rires)

Quels sont vos projets pour 2019 ?

En plus de Star Wars : Age Of Republic, je vais travailler sur un numéro de Man Without Fear pour Marvel puis je serai de retour sur un autre projet lié à Star Wars, mais je ne peux encore rien dire, comme tu dois t'en douter ! (rires) Quoiqu'il en soit, je suis vraiment content car j'adore l'univers Star Wars et tous ses personnages…
 

Un grand merci à Amélie, Guillaume ainsi qu’à toute l’équipe du TGS

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