Vous l'avez peut-être remarqué: la rubrique a changé de nom depuis la dernière fois. Other Comics ne convenait plus. Les news des très petits éditeurs étaient regroupées sous cette catégorie et il fallait trouver un nouveau nom pour faire de cette rubrique un véritable rendez-vous, d'autant plus qu'elle a maintenant repris un rythme régulier. Voici donc le numéro #36 des Indéspensables, puisque non, chez MDCU, on ne re-numérote pas sur un coup de tête. Vous pouvez toujours retrouver tous les anciens numéros dans l'onglet rubrique du menu principal du site et découvrir un nouveau numéro toutes les deux semaines. Aujourd'hui, on parle d'une des plus grandes séries de tous les temps selon à peu près la planète entière: Sandman.

La planète entière ET Seth Cohen, qui, dans l'épisode de Newport Beach où il conseille des comics à sa copine néophyte, Summer Roberts, lui tend une pile de comics en lui disant:
"Tiens, tu vas commencer par le meilleur. Watchmen, Dark Knight Returns et Sandman ". Cqfd les amis. La genèse de
Sandman est assez compliquée.
Neil Gaiman n'a approché le monde des comics qu'à l'âge de 24 ans avec la lecture du
Swamp Thing d'
Alan Moore. Cet apprenti journaliste et écrivaillon est alors devenu obsédé par ce médium. Il entre en contact avec Moore et finit par sympathiser avec lui. Moore l'introduit alors chez DC. Il va faire ses premières armes sur Marvelman à la suite de son nouvel ami et enchaîne avec plusieurs Graphic Novels en collaborant avec celui qui deviendra un de ses artistes fétiches:
Dave McKean. Dessinateur qu'on retrouvera sur chaque couverture de
Sandman . Ce duo produit en 1988 une mini-série sur le personnage de Black Orchid.
Karen Berger, la future créatrice de Vertigo, est alors emballée par le style de Gaiman et le contacte pour lui confier la ré-écriture d'un personnage DC Comics: Sandman. Gaiman avait proposé quelques mois plus tôt un projet sur le personnage inventé par Gardner Fox. Mais Berger lui demande de revoir entièrement sa copie, ce qui donnera ce titre atypique qui s'éloigne de la continuité de DC tout en l'approchant par moments.

Au départ, Sandman est un héros utilisant un gaz soporifique pour endormir ses ennemis. Il intègrera même la
Justice Society of America. Quand
Jack Kirby reprend le personnage, il en fait un être surnaturel qui maitrise les rêves. La version de Gaiman s'inspire énormément de cette deuxième version. Mais les demandes de Berger en ont fait une ré-interprétation mythologique bien plus symbolique. Gaiman pioche dans le folklore populaire. Il en extirpe la légende du marchand de sable, l'associe avec un aspect divin et construit sa série autour de cette base. Après le numéro #47, Sandman suit le parcours de Karen Berger et s'installe chez le nouveau label indé de DC, Vertigo, pour y devenir la série phare et promouvoir un comic résolument plus adulte et intellectuel que les productions de l'époque.

La série débute en octobre 1988 avec
Sam Kieth au dessin. Il ne restera que cinq numéros pour être remplacé par
Mike Dringenberg. Suivront ensuite une pelletée d'artistes pour arriver jusqu'au 75ème numéro. Tous ces dessinateurs restent toutefois dans le même style crayonné, et assez orienté horreur. On n'est pas désorienté par un changement radical de design lors de la lecture du titre à part vers la fin ou le trait devient plus coloré. L'impact de
Sandman dans le monde des comics est tel que l'univers va se développer autour du titre principal créant une multitude de spin-offs pas toujours dirigés par Gaiman. Mais le britannique reste le véritable maître à bord. Son contrat stipule qu'après son départ, DC ne pourra pas poursuivre la série et quand il décide de mettre fin à la série en 1996, c'est la conclusion d'un pan historique de l'histoire de la bande-dessinée américaine.
La couverture de Sandman #75 Et maintenant? Sandman est entré dans la légende. Cela fait partie des oeuvres qu'on n'ose plus vraiment touché et que l'on conseille à ceux qui voient encore les comics comme une sous-culture. On pensait cet univers clos et achevé mais lors de la dernière San Diego Comic Con, Vertigo a annoncé le retour de Gaiman pour une mini-série préquelle avec aux dessins
JH Williams III (
Promethea, Batwoman). Elle racontera ce qu'il s'est passé avant l'emprisonnement de Dream dans le premier numéro.

Comment? Vous ne savez pas qui est Dream? Ni qu'il avait été enfermé? Fallait me dire, je vous aurais raconter l'histoire. Allez, faisons ça dans une partie spéciale. Lors d'un rituel au départ destinée à Death, la déesse de la mort, un culte parvient à capturer une divinité inattendue:
Dream, le dieu des rêves. Ce qui aurait du donner la vie éternel au chef de cette secte se transforme au final en kidnapping de longue durée. Dream restera captif pendant plus de 70 ans de cette famille. Durant tout ce temps, la divinité patiente dans son globe de verre. Tout autour du monde, son absence se fait sentir. Des maladies se développent. Des enfants, des femmes, des hommes ne se réveillent plus, et restent eux aussi prisonniers.
Dream, prisonnier mais pas résigné Quand finalement, Dream parvient à s'extirper de sa cellule, c'est pour se venger de cette famille qui l'a privée de liberté pendant si longtemps. Le dieu a maintenant beaucoup à faire: retrouver ses pouvoirs qui lui ont été subtilisés en même temps que ses artefacts magiques et reconstruire son royaume. Voilà le scénario du premier numéro de
Sandman . Oui, uniquement du premier numéro. Cet épisode est un véritable chef d'oeuvre. Dense, puissant, épique, il pose les bases de ce qui sera ensuite une saga initiatique autant pour Dream que le lecteur. On peut noter plusieurs phases dans la suite de l'histoire. Au début, Dream va tenter de récupérer ses pouvoirs. Une fois son statut retrouvé, il va tenter de trouver un but à son existence. On l'imaginait très adulte au début mais à partir du moment ou Gaiman introduit sa soeur
Death, on le découvre presque adolescent, à chercher un sens à son existence divine.
La première apparition de Death Gaiman va s'essayer à différentes façons de raconter ses histoires. Parfois, en one-shot, parfois sans même y faire intervenir Dream, ou alors plus classique avec une construction en arc narratif, on a vraiment le droit à tout et on ne sait jamais à quoi s'attendre à chaque début de numéro. Sandman fait partie des oeuvres qui portent le comics plus haut que les autres titres. Sandman est la preuve que le comic est un art à part entière, qu'il peut rivaliser avec la littérature classique à la condition d'être écrit par un scénariste talentueux. Quand on lit
Sandman , on sent tout l'univers autour des histoires de Dream. On sent ce monde comme si c'était le notre, on est transporté dans cette atmosphère sombre et ténébreuse, sale et horrifiante mais à la fois poétique et romantique.

Gaiman parvient à fusionner ce monde avec celui de DC Comics. En prenant des libertés souvent certes, mais croiser Etrigan, Martian Manhunter ou John Constantine quand on ne s'y attend pas, ça ajoute au bonheur de la lecture. Mais cela devient aussi rapidement un défaut. On sent que Berger a tenté d'intégrer le personnage à la continuité puis a finalement fait marche arrière pour ensuite décider que les personnages DC pouvaient être utilisés mais qu'il s'agirait de versions alternatives. Pourtant Gaiman tente de recoller avec le passé du premier
Sandman en ré-utilisant le personnage original. Mais tant pis, ce n'est pas le coeur de la série et cela ne perturbe pas énormément le scénario de toute façon. Quand il ne reprend par des personnages existants, Gaiman en invente des nouveaux et parmi eux, le plus connu est sans aucun doute Death, la petite soeur de Dream. Dès son apparition, elle fait l'unanimité et devient vite la coqueluche des fans, en dépassant presque la notoriété de son personnage principal de frère. Si on encense l'écriture, il est temps de parler un peu du dessin. Alors, comment formuler ça sans trop troller… En gros, c'est du Vertigo mais du Vertigo des débuts en plus.

Personnellement, je n'ai aucun problème avec les dessins. L'orientation presque horrifique de la série au début permet d'avoir ce trait inspiré de
Creepie et
Eerie. Mais c'est vrai que les couleurs ont mal vieillies. Même une nouvelle colorisation dans les éditions Absolute continue de maltraiter les planches de Sam Kieth et Mike Dringenberg. D'ailleurs, je conseille fortement les versions noir et blanc des éditions Annotated
Sandman (rendez-vous dans la partie suivant pour découvrir de quoi il s'agit) qui permettent une seconde lecture plus qu'appréciable. Bref, le dessin n'est pas très bon mais dans une oeuvre où l'on passe plus de temps à lire les bulles qu'à forcément regarder ce qu'il se passe dans les cases… Pourtant de grands artistes se sont succédés par la suite:
Chris Bachallo, Jill Thompson, Tony Harris, Mike Allred. Des artistes depuis devenus des stars. Si vous n'êtes pas fan des dessins, forcez-vous un peu d'accord? Laissez sa chance au premier numéro. Lisez le chez votre libraire tranquillement et vous déciderez alors si la suite en vaut la peine.

Sandman est une oeuvre mature et adulte, qui ne convient pas forcément au public plus adolescent qui s'attend à des combats épiques entre super-héros. Une fois n'est pas coutume, on commence par la VF. Si j'ai décidé de vous parler de
Sandman , ce n'est pas sans raison.
Urban Comics vient de sortir le premier tome d'une collection qui rassemblera l'intégralité de la série. On table donc sur 5 tomes pour la série régulière et un autre pour les spin-offs consacrés à Death. Vous avez sans doute entendu parler de l'erreur d'impression sur les premières versions vendues lors de la
Paris Comics Expo. Sachez que vous pouvez demandez à
Urban Comics de vous envoyer un ex-libris pour remplacer la planche manquante de cette version. Mis à part ce défaut d'impression, l'édition d'Urban Comics est magnifique à tout point de vue. Elle égale presque les Edition Absolute VO.

Et pourtant, j'aime ces
Absolute. Le magnifique coffret renferme un livre à la reliure imitant de vieux livres. À l'intérieur, la colorisation a été modernisée avec l'accord de Gaiman, ce qui ne ravit pas tout le monde mais permet aux nouveaux lecteurs d'être moins rebutés par le dessin. Tout aussi luxueux, Les
Annotated Edition sont plus récentes et proposent de redécouvrir la série en noir et blanc avec des annotations de Leslie Klinger, une amie proche de Gaiman qui a réuni les notes de l'auteur et les a ajouté à des bandeaux en bords de pages. Double bonus donc car on a un making-off passionnant et sans les couleurs qui ruinent parfois les planches.

Pour ceux qui ne sont pas fans des beaux livres et qui veulent uniquement lire du bon comic, la série existe en 10 TPBs tout à fait abordable. C'est en plus sous ce format que vous trouverez les très nombreuses mini-séries et spin-offs.
Vous n'avez aucune raison de passer à côté de Sandman . Je ne saurais que vous conseiller d'aller quérir au moins une des éditions ci-dessus. Si vous ne le faites pas, je me verrais obligé d'appeler Dream et de vous envoyer une flopée de cauchemars qui ne cesseront pas avant que vous ayez commencé la lecture de cet exceptionnel chef d'oeuvre. Dans deux semaines, ce sera un véritable coup de coeur à l'opposé de
Sandman dont je vous parlerais.
Le Magicien d'Oz d'Eric Shanower et Skottie Young est un véritable vent de fraicheur et une pépite qui réchauffe le coeur et qu'on lit au coin du feu à ses enfants.
PS: un grand bravo à ceux qui trouveront les références dans le sous-titre de la news et les noms de parties. J'attends vos propositions en commentaires. À gagner: toute ma reconnaissance.
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