Conférence sur les comics LGBT au TGS 2017

Conférence sur les comics LGBT au TGS 2017

En ce deuxième jour du Toulouse Game Show, les comics sont mis à l’honneur au travers de pas mal de conférences tout au long de la journée. En cette matinée du dimanche 3 décembre nous nous rendons donc au Hall 4 du Parc des Expositions de Toulouse à l’espace Vulcain pour assister à une conférence sur la notion de LGBT dans les comics, en compagnie de Katchoo, Sonia Smith (Comics Magazine), Florent Degletagne (Bliss Comics) et d’Aurélien Vives de Panini Comics. Un sujet ô combien intéressant et d’actualité…

 

Petit historique des personnages LGBT dans les comics

La sexualité dans les comics date d’il y a plus de cent ans. On peut citer tout d’abord, le comics Krazy Kat de Georges Herriman qui, dès 1913, distille une sexualité suggérée dans les pages par le biais du chat Krazy Kat amoureux d’une souris qui s’appelle Ignatz. Au fil des pages, on s’aperçoit que Krazy Kat n’est pas genré, et que Georges Herriman garde le Silence à ce sujet ; on reste donc dans un non-dit suggéré sur l’homosexualité supposé du chat… Par la suite, pour les versions animées de Krazy Kat visibles dès 1916, Krazy Kat sera officiellement une fille pour ne pas heurter les bonnes mœurs de l’époque.


Conférence LGBT - TGS 2017 © MDCU (Crédit : Vincent BN)

Plus tard, à partir des années 1920, on retrouvera des personnages ouvertement homosexuels dans les comics pornos de l’époque, notamment dans Tijuana Bibles qui va prendre un malin plaisir à mettre tous les personnages phares de l’époque (Mickey, Donald…) dans des situations olé-olé ! En règle générale, les homosexuels n’y sont pas représentés de manière positive et toujours en pervers et manipulateurs…

Il faudra attendre 1939 et la série Terry Et Les Pirates de Milton Caniff pour avoir affaire à un personnage clairement homosexuel : Sanjak (une femme française). Elle est habillée en homme et elle courtise une autre femme de manière fortement suggérée. L’ambiguïté est mise en avant par le biais du travestissement… ça rappelle d’ailleurs un peu les livres du Club des 5, dans lequel on retrouve le personnage de Claudine, qui se fait appeler Claude et qui préfèrerait être un garçon.

Dans les années 50, on découvre dans les comics des choses assez embêtantes pour la bienséance américaine : Wonder Woman vit dans une île peuplée que de femmes, et Batman et Robin partagent le même lit ! Une grosse vague de protestation (qui touche aussi les comics d’horreur) menée par un psychiatre du nom de Fredric Wertham voit le jour aux Etats-Unis. Dans son livre intitulé « Seduction of The Innocent », ce dernier affirme que tous les enfants qui lisent des comics risquent de devenir homosexuels, notamment du fait de l’ambiguïté sexuelle entre Batman et Robin

C’est à partir de ce moment-là que les comics mainstream vont chercher à éviter toutes ces problématiques en créant le Comics Code of Authority afin de continuer à vendre des comics pour la jeunesse. Il faut savoir que ce « code de bonne conduite » était une autocensure que s’imposaient les éditeurs pour pouvoir publier leurs bandes dessinées et non pas une obligation.

A la fin des années 60, on assiste à l’apparition des mouvements de libération sexuelle qui se greffent à d’autres mouvements contestataires comme la lutte pour les droits des noirs ou le féminisme. Dès 1969, des comics progressistes comme Underground Comix prônent une liberté sexuelle sans barrière et vont ouvrir la voie à d’autres comics du même genre dans les années 70, jusqu’à la création de l’éditeur Gay Comix en 1980 qui va publier des œuvres d’artistes LGBT (des autobiographies, des histoires pornographiques ou sentimentales, etc.). Un nouveau lectorat va se développer, notamment en Californie, qui va clairement assumer son homosexualité par le biais de ces comics.


Gay Comix

Dans les années 80, la communauté homosexuelle va être touchée par l’apparition du virus du SIDA (ce sont les années SIDA), réveillant par là-même des mouvements anti-homosexuels malgré une grosse mobilisation de nombreux artistes pour combattre ce fléau et s’afficher aux côtés de la communauté LGBT. C’est à ce moment-là que le mot « gay » est écrit pour la première fois dans les pages de comics, dans Fantastic Four #251 de John Byrne (1983). A partir de là, de nombreux auteurs vont ajouter des personnages LGBT dans leurs œuvres à l’image d’Alan Moore dans Watchmen ou bien V pour Vendetta, ce qui amènera tout un groupe d’artistes à se réunir sous la bannière de AARGH (Artistes Against Rampant Government Homophobia) en 1988 au Royaume-Uni.

Quelques temps plus tard, on voit les premiers personnages LGBT apparaître dans des séries majeures à l’instar de Maggie Sawyer, une mère homosexuelle dans le comics Superman. A la fin des années 80, le Comics Code of Authority perd de plus en plus de son influence, et les comics mainstream s’en détachent peu à peu, afin de se permettre plus de choses, notamment pour présenter l’homosexualité de manière positive.

De ce fait, les années 90 voient l’arrivée de personnages ouvertement homosexuels comme Northstar en 1992 qui sera le premier à faire son coming-out dans Alpha Flight, un comics mainstream. On peut aussi parler de Strangers In Paradise (1993) de Terry Moore qui relate les amours de Francine et Katchoo (ici présente). Même si on remarque que l’homosexualité est décrite de manière positive, on verra cependant dans pas mal de pages des histoires contre le « gay bashing », comme par exemple dans Green Lantern sur le run « Hate Crime ».

Enfin dans les années 2000, on assiste à une sorte de normalisation des personnages LGBT dans les comics avec notamment la mise en avant du personnage de Renee Montoya (qui vient de la série animée Batman) dans Gotham Central ou bien du couple Hulking et Wiccan dans The Young Avengers… On peut aussi saluer le travail des auteurs français Colinet et Charretier qui ont sorti le comics The Infinite Loop il y a quelques années, ou bien la distribution française de Love Is Love, très récemment…

Les personnages LGBT dans les comics mainstream Marvel et DC

L’un des premiers à avoir indirectement parlé de l’homosexualité dans une grosse série chez Marvel, est Chris Claremont dans les X-Men. Il l’a fait par le biais de scénarios au sujet des minorités oppressées ou bien en traitant du virus Legacy (une allégorie du SIDA) ainsi qu’en mettant en avant le « couple » composé de Mystique et Destiny. Dans le même ordre idée, Mystique a été plus ou moins vue comme un personnage transsexuel du fait de ses pouvoirs de métamorphe.


I Am Gay !

On peut aussi relever un épisode one-shot de New Mutants où un adolescent harcelé par ses camarades qui le traite de « mutant » se met à son tour à harceler les New Mutants… pour finir par se suicider à la fin de l’histoire, lorsqu’il apprend qu’il est lui-même un « mutant » ! Le parallèle avec l’homosexualité est très prégnant dans cette histoire plutôt émouvante.

Comme on l’a dit tout à l’heure, c’est Lobdell qui a abordé le sujet de l’homosexualité de manière plus directe avec le coming-out de Northstar dans les pages d’Alpha Flight. Il voulait faire la même chose avec le personnage d’Iceberg dans X-Men, mais ça n’a pas été validé par Marvel à l’époque. Le cas Iceberg a d’ailleurs été l’un des serpents de mer de chez Marvel, car plusieurs scénaristes ont aussi tenté de révéler son l’homosexualité sans y parvenir vraiment… Au final, c’est Bendis qui s’en est chargé à travers une histoire un peu alambiquée de voyage dans le temps dans All New X-Men #40

Plus récemment, Kieron Gillen a mis en place des personnages LGBT dans Young Avengers avant de faire lui-même son coming-out d’homme bisexuel il y a 2 ou 3 ans. Petit à petit la notion d’homosexualité est de plus en plus abordée, ce qui permet au lectorat d’être sensibilisé à la cause LGBT.

Chez DC, on peut noter la série Gotham Central avec le personnage homosexuel de Renee Montoya qui est victime d’homophobie dans le cadre de son travail de détective. Ce harcèlement sera d’ailleurs le fil conducteur de toute la série…

D’une manière générale, quelques scénaristes de comics mainstream ont plus de marge de manœuvre chez les éditeurs indépendants pour mettre en place des personnages LGBT dans leurs histoires, et peuvent ainsi s’affranchir de la frilosité des gros éditeurs comme Marvel ou DC, même si ces derniers ont fait pas mal de progrès (le mariage de Northstar et Kyle Jinadu en 2012 chez les X-Men)


Northstar et Kyle Jinadu

Depuis peu, on voit certaines séries se développer en France à destination de la jeunesse comme Jem et les Hologrammes chez Glénat qui présentent ouvertement des personnages LGBT. C’est un véritable changement par rapport aux générations précédentes…

Depuis quelques années, on assiste à une véritable acceptation de l’homosexualité dans les comics, et aujourd’hui, un personnage LGBT s’intègre parfaitement dans une histoire sans pour autant être une victime, un malade du SIDA ou bien collectionner tous les clichés homosexuels ! D’ailleurs, on voit même des histoires d’amour se nouer entre des personnages homosexuels au même titre que des romances entre hétérosexuels.

AARGH et compagnie

AARGH (Artistes Against Rampant Government Homophobia) a été initié par Alan Moore, le scénariste culte de Watchmen et V pour Vendetta à la fin des années 80 en Angleterre, sous le gouvernement de Margaret Thatcher, en réponse à un décret interdisant entre autres la promotion de l’homosexualité en Grande-Bretagne. C’est un peu comme ce qu’il se passe maintenant en Russie avec Vladimir Poutine qui censure les associations locales LGBT et qui ôte petit à petit leurs droits aux homosexuels… Pas mal d’artistes ont collaboré sur l’anthologie AARGH au travers de nombreuses histoires. Les ventes sont été entièrement reversées à l’Organisation for Lesbian and Gay Action.

Récemment, l’attentat homophobe du 12 juin 2016 à Orlando en Floride dans le club gay Pulse (49 morts et de nombreux blessés) a déclenché une énorme vague de mobilisation dans le monde du comics, ce qui a amené à la mise en œuvre du comics Love Is Love chez IDW et DC Comics, dans lequel on retrouve énormément d’artistes et de témoignages poignants. Le livre sorti en janvier 2017 a été un immense succès aux Etats-Unis (il a été réédité plusieurs fois en quelques mois) et a rapporté plus de 200.000 $ aux associations LGBT et aux familles des victimes.

En France, Love Is Love est sorti chez Bliss Comics avec en plus des œuvres très puissantes de Katchoo, Vincent Dedienne, Paul Renaud et bien d’autres… La moitié des bénéfices générés par les ventes du livre est versée à des associations américaines et l’autre moitié à des structures françaises. En plus des planches du comics original, l’éditeur Français Bliss a enrichi le livre de nombreuses histoires et dessins d’une remarquable qualité. C’est un véritable ascenseur émotionnel ! Ce genre de livre est assez rare en France, car c’est un projet qui n’est pas institutionnalisé. La couverture a été réalisée par une illustratrice française, Elsa Charretier.


Love is love

Et du côté du cinéma et de la TV ?

Mise à part sur quelques séries TV adaptées de comics comme Supergirl ou Runaways, le Marvel Universe et le DC Universe sont très frileux dans la mise en place de personnages LGBT, malgré quelques allusions ici et là, notamment sur le personnage de Valkyrie dans Thor.

Et même si du côté de Marvel ou DC, on affirme haut et fort qu’il n’y aurait pas de problème à mettre en avant des notions LGBT dans les films, on s’aperçoit que ce sont plus des déclarations d’intention, car il n’y a aucun acte derrière… Il y a encore du travail à faire en ce sens !

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  • Ben Skull
    Ben Skull

    il y a 6 ans

    En ce qui concerne la CW, ils ont déjà une liste plutôt pas mal de personnage LGBT :
    -White Canary
    -Maggie Sawyer
    -Alex Danvers
    -Mr Terrific
    -Le Capitaine Brian Sing (capitaine de police dans Flash)
    -Je suis sûr d'en oublier un ou deux
    Donc on peut dire qu'ils ont beaucoup, vraiment beaucoup d'avance sur ABC qui ont :
    -Melter (avec une micro seconde qu'il faut pas louper)
    -Carolina Dean si je me souviens bien (j'ai pas encore regardé Runaways)

    • Citizen974
      Citizen974

      En réponse à Ben Skull

      il y a 6 ans

      Tu peux rajouter The Ray et le

       
      Attention Spoiler
      Y'a aussi le petit ami asiatique de Ray dans Freedom Fighters mais je pense pas que c'est un héros, juste un persos secondaire.
      Effectivement, la CW avait prit des initiatives dès le début sans que ça soit forcément une mode (que Marvel a commencé à lancer dès Marvel Now puis DC comics a "suivit")