Scénario: Willingham Bill – Dessin: Buckingham Mark

Passionné à l’extrême par ses comics, le jeune Pinocchio se met en tête de recruter sa propre équipe de super-héros parmi la communauté des Fables. Quand le Grand Méchant Loup rencontre Batman… Le cross-over que vous n’auriez jamais osé imaginer. (contient les épisodes #94-100)

Pas d'avis pour le moment.
Il était une fois une magnifique aventure qui depuis dix-neuf tomes avec succès perdure. Le dix-huitième volume fit la joie des lecteurs. La tâche s’annonçait ardue pour son successeur s’il désirait se hisser à la même hauteur. Le centième épisode fut un feu d’artifice où le scénariste [b]Willingham[/b], non sans malice, aidé de [b]Buckingham[/b], dessinateur complice, multiplia rebondissements et fausses pistes. La conclusion de l’histoire n’étant que partielle, la situation ne pouvait demeurer telle quelle. [center][galerie2]http://www.mdcu-comics.fr/upload/news/news_illustre_1377330597_37.jpg[/galerie2][/center] Et soudain l’enchantement disparut. Tout comme le miroir magique remplaça son parler poétique par un phrasé bien plus prosaïque, [b]Willingham[/b] voulut changer de registre. Différents fables étant dotés de pouvoirs, l’auteur eut l’idée saugrenue de les rassembler pour former une équipe de super-héros. La plupart des lecteurs de [i]Fables[/i] étant des geeks, il s’agissait, le temps d’un arc assez court, de les brosser dans le sens du poil en multipliant les clins d’œil à leur univers de prédilection. L’idée a été traitée avec beaucoup d’humour et le pastiche assez réussi. Cependant, pour amusante qu’elle soit, cette farce semble complètement déplacée dans le contexte. Si la parodie des contes de fées est au cœur même du concept de la série, elle ne constitue en aucune façon un ressort pour les multiples intrigues qui y sont développées. Peinant à justifier ce choix douteux, l’auteur se raccroche à la passion de Pinocchio pour les comics et lui fait échafauder un plan tellement tiré par les cheveux qu‘il se sent obligé d‘impliquer Raiponce. On comprend mal comment la machiavélique Ozma ou le très renfrogné Bigby ont pu se laisser embrigader dans cette mascarade au point d’enfiler un costume ridicule. Si l’auteur voulait s’amuser, un bonus humoristique en annexe de l’épisode 100 aurait largement suffi. [center][/center] Une deuxième incohérence scénaristique est hélas à déplorer. M. North, le tempétueux père de Bigby, se lance dans une quête dont on comprend mal les motivations, malgré l’explication sur sa nature changeante. D’ailleurs, l’utilisation de ce personnage à un moment si tardif du récit relève plus du deus ex machina que du coup de théâtre savamment préparé, d’autant que la facilité déconcertante avec laquelle s’achève cette histoire laisse un goût d’inachevé. [b]Bill Willingham[/b] semble vouloir jouer aux montagnes russes, alternant des développements au long cours et conclusions précipitées. Hélas, c’est davantage la qualité du titre qui passe des sommets aux creux en un temps record. Cependant, résumer ce tome à ses défauts serait commettre une injustice. En effet, malgré les reproches précédemment formulés, il reste très plaisant à lire, ouvre de nouvelles pistes, introduit de nouveaux personnages et modifie profondément le statu quo. Le cahier de charges est malgré tout rempli et les auteurs n’ont pas à rougir du travail accompli, notamment [b]Mark Buckingham[/b] que le concept de super-héros a véritablement inspiré. [center][/center] Tout en conservant son style très affirmé et son cadrage évoquant les enluminures médiévales, le dessinateur rend un hommage appuyé et réussi au père de nombreux super-héros, le King [b]Kirby[/b]. Les costumes de la Sorcière Verte ou du Chevalier Doré semblent tout droit sortis d’un épisode des [i]Eternals[/i], sans parler du spectaculaire Grinder dans sa double page introductive. Parmi les autres références flagrantes, citons la page d’ouverture du numéro 104 dont la mise en scène, la présentation des héros sur le côté et même le titre à la police très 60’s feront bondir le cœur des amateurs du Silver Age. Et si le combat final évoque sans conteste l’œuvre du King, ce n’est pas tant grâce à l’usage des splash pages que par l’impression de puissance qui s’en dégage. [b]Buckingham[/b] va jusqu’à reprendre les taches noires représentant les crépitements d’énergie, les visages aux traits épais et anguleux et même les coupes de cheveux si caractéristiques des personnages issus des planches de [b]Kirby[/b]. Pour autant, tous ces emprunts s’intègrent tellement bien dans le style de [b]Buckingham[/b] qu’on se demande ce qui tient de l’hommage et ce qui relève de l’influence d‘un maître sur son disciple. [center][/center] Deux autres artistes participent à ce volume, illustrant des épisodes indépendants. [b]Willingham[/b] recourt fréquemment à ces petits interlude pour souffler entre deux arcs et lancer de nouvelles intrigues. [b]Eric Shanower[/b] assure la partie graphique du premier d‘entre eux. Ce numéro est centré sur Bufkin, le singe bibliothécaire, qui se voit confier une nouvelle mission. Le choix de ce dessinateur n’est sans doute pas un hasard quand on connaît ses centres d’intérêt. Le second épisode, illustré par [b]Terry Moore[/b] ([i]Strangers in Paradise[/i]), s’avère être une introduction à [i]Fairest[/i], spin-off de Fables. Ce procédé marketing a beau être assez classique pour lancer un titre, son utilisation n’en est pas moins regrettable. Il ne nous reste plus qu’à espérer qu’Urban se décide à traduire cette série, ce qui n’est pas gagné d’avance étant donné que l’éditeur n’a pas encore publié la suite de [i]Jack of Fables[/i], autre dérivé de la série principale. L’ouvrage s’achève sur les magnifiques couvertures de [b]Joao Ruas[/b] (on s’étonnera d’ailleurs du fait que la celle rendant hommage au [i]Man of Steel[/i] de [b]Byrne[/b] n'ait pas été sélectionnée pour illustrer le recueil en version française) et sur quelques croquis bienvenus de [b]Buckingham[/b]. [center][/center] [b]Après le précédent volume qui fêtait le centième épisode par une avalanche de coups de théâtre et de bonus, écrire une suite qui ne souffre pas de la comparaison s‘avérait délicat. Willingham limite les dégâts en combinant suspense, humour et action. Il gâche malheureusement le tout par de grossières facilités scénaristiques et par son idée inopportune de pasticher les super-héros. Voici dont un tome en demi-teinte mais suffisamment riche en rebondissements pour justifier sa lecture. [/b] [conclusion=3][/conclusion][onaime]- Buckingham rendant hommage à Kirby - Le dénouement d’intrigues importantes - Une lecture malgré tout agréable[/onaime][onaimepas]- L’idée des superfables - Le comportement peu rationnel de M. North[/onaimepas]