Les Indéspensables #38: King City

Les Indéspensables #38: King City

Dans la rubrique, je parle souvent de séries paraissant chez de gros éditeurs indé comme Image Comics, IDW, Dark Horse et consorts. Mais la rubrique s'appelle maintenant les INDÉspensables et ce n'est pas pour rien. Mon but, c'est aussi de vous parler de plus petits titres qui sortent chez de plus petits éditeurs mais qui n'en sont pas moins bon, voir très bon. Voir géniaux comme King City aujourd'hui.

Notez quand même que je triche parce que si la première moitié a été éditée chez Tokyopop, elle a ensuite migré chez Image Comics. Mais ce n'est pas le plus important! Ce qui compte, c'est de vous donner envie de découvrir l'univers unique de King City et de son auteur Brandon Graham. Au départ, Brandon Graham est un artiste de rue, un graphiste. Il intègre un groupe d'artistes: Meathaus au début de sa carrière et commence à travailler sur ses propres séries. À cette époque, il vit à New-York et ne parvient pas à attirer l'attention des gros éditeurs. Il faut dire qu'il écrit pas mal de comics pornographiques. Mais pas que. Parmi ses créations, il écrit et dessine 40 pages qui deviendront King City mais là, personne n'en veut. Son amie Becky Cloonan (à qui l'on doit des titres comme Demo, Channel Zero ou encore le récent Batman #12) a alors la bonne idée d'aller voir le petit éditeur Tokyopop qui est immédiatement emballé. L'aventure commence alors.
La ligne éditoriale de cet éditeur est finalement assez proche du style de Graham. On retrouve dans ses pages des influences venues de toute la planète, mais surtout du manga. Ses planches sont en noir et blanc, il y a cette narration souvent lente et contemplative, très orientale dans ses histoires. Et puis parfois, l'action arrive et on se rapproche plus d'un Amer Béton. Cependant, vous trouverez beaucoup d'éléments européen. Dans les décors, les angles de vues ou les interactions entre personnages. Graham cite souvent Katsuhiro Otomo et Moebius dans ses inspirations et on le sent bien à chacune de ses créations.
7 numéros de King City sortent chez Tokyopop. Malheureusement, la société finit par couler. Graham trouve alors refuge chez Image qui lui propose de continuer la série. Après une ré-édition des premiers numéros, la série prendra fin en décembre 2010 avec un douzaine de singles au total. Depuis, Brandon Graham a gagné ses galons de scénariste atypique. Rob Leifeld fait appel à lui pour poursuivre les aventures de Prophet, un héros tiré du label Extreme Studios qu'il veut ressusciter. Il accepte mais entraîne le titre dans une ambiance à l'opposé de l'action bad-ass de départ pour en faire un récit de science-fiction hommage à Moebius. J'adore cette série, qui dégage une atmosphère tellement différente de ce qui se fait même en Europe. En parallèle, il reprend la série Multiple Warheads, qu'il avait débuté chez Oni Press en 2008. Et ce, toujours chez Image Comics. La première mini-série se nomme Multiple Warheads et est en cours de parution. Graham explique vouloir sortir une mini-série par an pour ne pas manquer d'inspiration. Un mode de publication que personnellement j'applaudis des deux mains parce que forcément, qui dit moins de publication, dit moins de rentrée d'argent mais dans le cas de Graham, cela veut aussi dire plus d'inspiration et d'originalité. Parce que le style Graham est particulier. Je n'ai jamais lu de comics comme les siens et je pense que King City est jusqu'ici son oeuvre la plus aboutie. Pourquoi donc ce titre de partie me direz-vous? Tout simplement parce qu'au départ, la série devait s'appeler Catmaster. Mais Tokyopop a préféré changer pour King City car l'histoire ne se focalise pas uniquement sur le personnage de Joe et de son chat multi-fonction. Ah, j'ai parlé de chat, je sens que j'ai attiré votre attention avec ce détail et comme pour le lecteur, c'est ce qu'on a tendance à dire lorsqu'on veut résumer cette série: En gros, c'est un mec un peu espion dans une ville gigantesque. Le mec, il a un chat qui peut faire pleins de trucs quand il lui injecte un liquide spécial mais le reste du temps, le chat est trop fort quand même. Après, y'a son meilleur pote qui porte toujours un masque/bonnet et son ex qui sort avec un vétéran de la guerre atteint d'une maladie bizarre qui fait tomber son corps en une sorte de cendre qu'il peut fumer. Grâce à son Earthling (c'est le nom du chat), Joe (c'est le nom du type au chat) est engagé pour pleins de missions un peu louches, souvent en rapport avec des trafics douteux et ça tourne souvent mal. Voilà en gros comment j'ai du résumer King City la première fois. Et oui, le concept du chat fonctionne, surtout quand on complète en disant: mais c'est trop cool, il s'en sert comme d'un copieur de clés: un copy-cat quoi! Et puis, plus tard, il fait périscope en plaçant ses yeux dans l'arrière train de l'animal d'Earthling pour partager sa vision.
King City, c'est donc complètement dingue et Graham surprend à chaque chapitre. Il ouvre plusieurs pistes très rapidement et les explore toutes en parallèles. Chaque numéro est découpé en plusieurs chapitre qui se concentre sur l'une des intrigues. On passe d'un personnage à l'autre sans jamais s'ennuyer. Ce qui fait de King City une oeuvre à part, ce sont les pages de Graham. Son style manga est très détaillé et il utilise chaque pan de mur, chaque espace pour y ajouter une scènette ou un panneau sur lequel est écrit une blague, une référence. La plupart du temps, c'est totalement inutile au scénario mais ça ajoute une profondeur et surtout, ça fait s'arrêter le lecteur. Ou au moins, ça donne envie d'y revenir pour voir ce qu'on a pu rater.
Et il y a même plus fort, comme quand Graham casse le quatrième mur et joue avec le lecteur. On retient surtout ce numéro ou vous pouvez découper vos pions et jouer à un jeu de l'oie sur une double page de pure folie.
J'ai dévore les 400 et quelques pages de la série en seulement deux jours, et cela faisait longtemps que je n'avais pas autant accroché à un titre. Sans doute parce que je suis aussi un grand lecteur de manga et franco-belge et que Graham est au croisement entre tous ces univers. Il est par contre certain que cela ne plairait pas à tout le monde. Pas de chance pour les lecteurs VF car seul une partie de la série a été publiée par Milady Graphics. Vous connaissez sans doute les problèmes rencontrés par cet éditeur français et la publication s'est arrêtée pour sans doute ne jamais reprendre, à moins qu'un nouvel éditeur francophone ne se lance.
Par contre, en VO, c'est bien plus facile de lire cette série. Image a sorti en mars dernier un recueil souple reprenant l'intégralité de la série ainsi que les nombreux bonus présents dans les issues VO. Cela coute 20$ soit moins de 20 euros pour 424 PAGES! C'est une sacrée aubaine vraiment et je ne vous garantis pas que vous accrochiez au style de Bradon Graham mais à ce prix là, l'expérience en vaut le coup. L'édition est en plus très bien faite avec pleins de bonus, des gags en plus sur les couvertures et les rabats (le logo Image détournée en une serrure de porte par exemple). Refilez-le à votre petit frère qui lit encore du manga si jamais ça ne vous plait pas. Voilà, c'est tout pour aujourd'hui, on se retrouve dans deux semaines pour peut-être parler de The Invisibles de Grant Morrison mais pour cela, il faudrait que je lise les 1500 pages d'ici là. Souhaitez-moi bon courage.


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  • policemouton
    policemouton

    il y a 10 ans

    Dommage le comics n'est pas répertorié sur le site je l'aurai mis dans les "à acheter". En tout cas ça donne absolument envie, moins le chat que le gars qui peut se transformer en une sorte de cendre qu'il fume !