S’il y a une personne en France à qui l’on ne pourra pas reprocher de ne pas donner ses chances aux French comics, c’est bien
Thierry Mornet. Responsable éditorial comics chez
Delcourt, il profite des succès des grosses franchises comme
Star Wars ou
Walking Dead pour participer au lancement (aux côtés de David Chauvel)de projets plus risqués mais tout aussi passionnants :
Comics Fabric, une collection de comics réalisés en France (avec notamment
Bad Ass qui vient d‘être vendu aux Américains et l‘excellent
Superworld) et le retour d’un des plus légendaires sup’héros :
Mikros, de
Jean-Yves Mitton, via des rééditions et de l’inédit. Mais cela ne lui suffisait visiblement pas. Pendant ses loisirs, il décide de lancer en auto-production, sous le label
Hexagon Comics un nouveau comics à la française dont il assure lui-même le scénario. Ainsi est né
Le Garde Républicain.
Pour être honnête, tous les comics français ne sont pas forcément à la hauteur de leurs homologues américains. C’est toujours avec une certaine appréhension qu’on les feuillette, craignant de trouver une pâle copie de ce qui se fait aux Etats-Unis. La première chose qui interpelle, quand on prend en main le numéro 2 du
Garde Républicain, c’est sa couverture hommage aux mythiques revues des
Éditions Lug. Le ton est donné, Le Garde Républicain adresse un clin d'oeil appuyé aux lecteurs de
Strange.
On retrouve partout cet amour d’une époque révolue à la lecture des deux épisodes que contient cette revue. Le premier est exclusivement consacré au héros tricolore. Il n’est nul besoin d’avoir lu le numéro précédent pour se plonger dans l’histoire. En effet,
Le Garde Républicain est une identité que plusieurs personnes ont adopté au cours des décennies pour défendre les valeurs républicaines. Et l’épisode du jour se concentre sur les origines du Garde post-mai 68. Un point d’entrée parfait pour le lecteur novice.
La genèse du héros occupe une dizaine de pages sur les 26 que compte l’épisode. On y suit le recrutement du caporal Maillard, soldat émérite recruté par le Gouvernement pour endosser le costume du Garde, héros patriotique au service de l‘État. On pourrait craindre le pire face à ce qui pourrait ressembler à un succédané français de
Captain America mais plusieurs éléments vont vite nous rassurer.
Le premier d’entre eux est l’ancrage historique et géographique de l’histoire.
Thierry Mornet (sous le facétieux pseudonyme de
Terry Stillborn) et
Christophe Henin (le dessinateur) s’attachent à faire revivre une époque grâce à une grande attention portée aux détails : des costumes datés à la visite des anciennes Halles de Paris, en passant pas les pensées du personnage retranscrites sur de vieux cahiers à spirales. Mais le plus impressionnant est le ton utilisé, qui rappelle franchement les fictions françaises des années 60. Si les techniques narratives et le graphisme n’étaient pas modernes, on pourrait croire à une BD contemporaine à l’action.
L’ennui, c’est que, passé le charme de la nostalgie, on se retrouve face à un récit alourdi par ce classicisme vieillot. Pendant plusieurs pages, on se demande où veulent en venir les auteurs. La réponse commence à poindre page 10 avec une innocente question : « Qu’est-il arrivé au précédent
Garde Républicain ? ». A partir de ce moment, l’intérêt de la série décolle, les pièces du puzzle se mettent en place et la série emprunte un tournant résolument politique. L’utilisation d’un super-héros à la solde de l’Etat prend alors tout son sens et la naïveté des premières planches semble bien éloignée lorsque s’achève l’épisode. Dans ce contexte, on ne s’étonne pas de trouver une allusion à
Watchmen dans les dialogues. Et on tourne la dernière page impatient de lire la suite.
Graphiquement,
Le Garde Républicain est bel et bien un comics. Le découpage et les traits de
Christophe Henin auraient toute leur place dans une publication américaine. Il y a une volonté manifeste de respecter les codes du genre même si certaines cases mériteraient d’être fignolées, notamment pour les décors. Côté colorisation, le choix des teintes est harmonieux et on évite le rendu criard qu’on pouvait légitiment craindre avec un personnage bleu-blanc-rouge. Hélas, les effets Photoshop manquent de subtilité et apporte une touche de modernité qui jure avec la recherche d’authenticité du scénariste. Cette fausse note n’est cependant pas flagrante et n’enlève rien à l’intérêt de la série.
Passons désormais au deuxième titre qui complète le sommaire :
Fox Boy. Le titre et le costume du personnage ne sont, de prime abord, pas très engageants. Mais, dès la première page, la magie opère. Ce « super-héros » parcourant sur un vélo les routes de Bretagne suscite aussitôt notre sympathie. Pour ceux qui n’ont pas lu l’épisode précédent, toutes les informations utiles nous sont distillées au fil de l‘épisode. Bien que l’action se situe loin de l’environnement urbain habituel des super-héros, on se croirait dans un vieux
Strange. Le protagoniste, jeune et inexpérimenté, s’avère beaucoup plus attachant que l’iconique
Garde Républicain (version contemporaine) qu’il va croiser. Le rythme, parfaitement dosé, ne souffre d’aucune lenteur, les rebondissements s’enchaînent. Bref, c’est un comics de qualité comme
Marvel savait en produire avant les désastreuses années 90. On en redemande !
Saluons le remarquable travail de
Laurent Lefeuvre qui a su s’inspirer des plus grands auteurs américains. Il leur rend d’ailleurs hommage à travers les graffitis de la prison. On regrette, à la lecture de ces planches, de ne plus pouvoir retrouver ce style élégant aujourd’hui, sauf chez quelques auteurs encore en activité comme
Alan Davis. Mais attention, à trop vouloir s’approcher de ses maître, le talentueux artiste est à la limite du plagiat, comme lors de la dernière case de la page 3 directement empruntée à
Miller sur un
Daredevil. Sans parler des créatures que le héros affronte et qui ont un sérieux air de déjà-vu pour les lecteurs du
Dr Strange et de
Captain Britain. Mais on lui pardonnera volontiers tant il sait capturer l’essence des œuvres de
Neal Adams, de
Gene Colan ou encore de
Will Eisner.
Le Garde Républicain est un French comics réalisé par des passionnés qui veulent transmettre leur amour de l’âge d’or des comics. Sans le soutien d’un grand éditeur, car entièrement auto-édité, ils ont accompli un travail très professionnel à la hauteur de leurs ambitions. Si le tout n’est pas sans défaut, les auteurs ont gagné leur pari. Vivement le numéro 3.
Pour en savoir plus sur ce comic book, cliquez
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[conclusion=3,5][/conclusion][onaime]- La fibre nostalgique bien exploitée
- Les hommages aux artistes américains
- L’utilisation pertinente de l’environnement français
- Un bon comic-book à l’ancienne[/onaime][onaimepas] - L’introduction trop classique
- La colorisation du 1er épisode
- Le prix élevé dû au fait qu'il s'agit d'une création et non d'une traduction et au tirage limité[/onaimepas]
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