Interview de Yanick Paquette au TGS 2017

Interview de Yanick Paquette au TGS 2017

Véritable trublion et artiste complet de la maison DC, le Québécois Yanick Paquette fait partie de ces illustrateurs de talent qui n’ont pas la langue dans leur poche et qui restent toujours droits dans leurs bottes. Entre deux séances de dédicaces sur le stand comics du TGS 2017, on a eu la chance de tailler une bavette avec un Yanick Paquette enjoué comme à son habitude. Parmi les sujets abordés, il y a eu Wonder Woman, Grant Morrison, Brian Bendis et bien d’autres choses…

 

Après toutes ces années passées à travailler aux USA chez DC notamment, quel regard portez-vous sur votre carrière ?

Ça, c’est une vaste question ! (rires) J’ai vu l’évolution des comics américains surtout chez DC, dans la faction pour laquelle je travaille, mais je retiens surtout l’explosion des conventions.
Quand j’ai commencé, je pensais que j’allais être tranquille chez moi dans la pénombre de ma maison à dessiner hors de vue et peut-être parler à des gens une à deux fois par mois de mon travail par téléphone, mais depuis l’engouement autour des super-héros, notamment dans les films, il y a des conventions partout dans le monde et même en Asie. Je voyage donc continuellement à travers le monde, c’est presque trop ! (rires)


Yanick Paquette - TGS 2017 © MDCU (Crédit : Gregory Lerustre)

Je suis content que le statut des coloristes soit maintenant pris en compte dans le cadre légal de DC et qu’ils puissent toucher aussi leurs royalties mêmes si ça reste assez symbolique au niveau financier. Ça envoie le message clair que les coloristes font partie intégrante de l’équipe créative d’un comics ! - Yanick Paquette

Il y a quelques années vous avez poussé un coup de gueule contre DC qui ne créditait pas les coloristes. Quelques semaines après, DC annonçait une nouvelle politique dans la distribution de royalties. Qu’en est-il aujourd’hui ?

La politique de DC a changé, puisque les coloristes ont maintenant droit à une partie des royalties qui leur reviennent de droit et ils sont crédités sur les couvertures des comics.
Il faut savoir qu’à l’époque quand l’attente graphique n’était pas très importante, les coloristes pouvaient travailler sur environ vingt-cinq comics. Depuis quelques temps, les choses ont bien changé et la production de comics a explosé. Les coloristes sont donc amenés à travailler énormément et ils apportent une réelle plus-value à l’ensemble.
Par exemple, pour Wonder Woman : Earth One, nous travaillons à trois : c’est Grant Morrison qui écrit, moi je dessine et Nathan [Fairbairn – Ndr] se charge des couleurs. Nathan fait partie intégrante du processus de travail ; ses couleurs permettent en plus des dessins de faire vivre le récit ou de changer les atmosphères… Je pense donc que c’est important que son travail soit reconnu à sa juste valeur et qu’il se sente à l’aise pour travailler avec nous.
Je suis donc content que le statut des coloristes soit maintenant pris en compte dans le cadre légal de DC et qu’ils puissent toucher aussi leurs royalties mêmes si ça reste assez symbolique au niveau financier.
Cependant, ça envoie le message clair que les coloristes font partie intégrante de l’équipe de création d’un comics !

Récemment, il a été dévoilé que Wonder Woman : Earth One Vol.2 était prévu pour août 2018 alors qu’on l’espérait pour ce noël suite à des rumeurs persistantes !

En fait, il n’a jamais été mentionné que Wonder Woman : Earth One Vol.2 devait sortir pour noël de cette année… Quand DC a dévoilé quelques planches du comics lors de la Comic Con de San Diego cette année, des gens ont spéculé sur le fait que la bande dessinée sortirait pour noël, alors qu’il n’y avait seulement que douze pages de terminées ! (rires) Initialement, c’est vrai que ça aurait été super de pouvoir sortir ce comics pour noël… mais il va falloir attendre l’année prochaine ! (rires)
Après il faut savoir que nous n’avons pas eu de retard pour Wonder Woman : Earth One dans la mesure où il n’y avait pas de deadline. On a décidé de sortir le comics quand on a estimé que le produit était prêt.
En plus, DC a dû composer avec nos agendas car parallèlement à ça, j’ai aussi travaillé sur Batman, Nightwing, j’ai fait aussi plein de couvertures… Grant de son côté, a écrit pas mal de trucs pour l’adaptation TV de Happy !, il est éditeur en chef du magazine Heavy Metal etc.
En gros, une fois qu’il est terminé, un produit comme Wonder Woman : Earth One, prend environ six mois à être véritablement distribué après les phases d’impression, les pressages pour la presse etc.

Que peut-on attendre de ce Wonder Woman : Earth One Vol.2 ?

Euh… Sans dévoiler de détail, il est clair qu’on fait une trilogie de Wonder Woman : Earth One, le Vol.2 sera le moment où les catastrophes arrivent, ce sera dans ce tome-là que les choses vont se corser. D’ailleurs, Grant Morrison se plaît à dire que c’est notre L’Empire Contre-Attaque à nous ! (rires) C’est le moment où l’histoire devient problématique et qu’elle pose les bases du troisième volume où là, il y aura pas mal d’action, un peu comme si on faisait notre Retour du Roi ! (rires)


Yanick Paquette - TGS 2017 © MDCU (Crédit : Gregory Lerustre)

Pour Wonder Woman : Earth One il n’y avait pas de deadline. On a décidé de sortir le comics quand on a estimé que le produit était prêt. - Yanick Paquette

Vous vous connaissez plutôt bien avec Grant Morrison vu que vous avez déjà travaillé ensemble par le passé, comment se passe la collaboration avec lui ? Est-ce qu’il a un droit de regard sur vos dessins et à l’inverse votre manière de dessiner peut-elle influencer son scénario ?

Au contraire de bien d’autres personnes, il est assez difficile de pouvoir parler avec Grant Morrison, car il vit un peu reclus ! (rires) J’ai travaillé avec lui sur pas mal de choses comme Seven Soldiers Of Victory, Batman : The Return Of Bruce Wayne , Batman Incorporated et donc sur Wonder Woman : Earth One, et on fonctionne de la manière suivante : il me fournit quelques pages de son script que je dois dessiner, puis je lui envoie mes dessins qu’il étudie, pour qu’au final ça lui permette d’affiner le reste de son script… En général, le scénario est assez ouvert à l’interprétation, c’est pour ça qu’il attend mes dessins pour connaître ma propre interprétation de son histoire et se positionner par rapport à mes décisions graphiques…
C’est assez intéressant de travailler comme ça avec lui car même s’il a une idée générale du script, tout est en « worki in progress » constant et tout peut changer en fonction de nos façons de voir les choses ou de l’actualité politique du moment ! On fait en sorte de toujours s’adapter aux changements… C’est très stimulant de travailler comme ça, car tout est à (ré)inventer tout le temps !
Je pense que cette manière de travailler convient parfaitement à Grant car quand il m’envoie ses pages à dessiner, il ne sait pas quelle va être mon interprétation de l’histoire, ce qui lui permet de garder de la fraîcheur dans son inspiration…

Raven : Daughter of Darkness est une nouvelle série sur laquelle vous avez travaillé avec Marv Wolfman qui va sortir dès le mois de janvier 2018. Pouvez-vous nous la présenter ?

Je n’ai strictement aucune idée de comment ça va être ! Je n’ai pas encore eu le script… (rires) On m’a proposé de faire Raven : Daughter of Darkness et j’ai dit oui. Je n’ai fait qu'une couverture pour l’instant... Je trouve que le personnage est intéressant d’un point de vue graphique avec cet univers sombre, toutes ces ambiances de magie etc.
J’aime varier les styles. Par exemple, Wonder Woman : Earth One était pour moi une façon de m’éloigner un peu des atmosphères lugubres et dégueulasses de Swamp Thing. Je voulais que Wonder Woman soit le contraire de Swamp Thing : que ce soit beau, ensoleillé, positif, lumineux etc. Donc le choix de bosser sur le personnage de Raven va me permettre de rajouter un peu de noirceur dans mon travail ! (rires)


Yanick Paquette - TGS 2017 © MDCU (Crédit : Gregory Lerustre)

Personnellement, je suis beaucoup plus libéral que l’Américain moyen, c’est pourquoi je me mets mes propres limites en jaugeant moi-même les situations. Jusqu’ici, tout ce que j’ai dessiné n’a jamais dérangé personne... sauf peut-être des critiques ! (rires) - Yanick Paquette

Récemment le scénariste Brian Michael Bendis a annoncé son départ de Marvel pour DC en tant que scénariste exclusif. Qu’en pensez-vous ? Est-ce qu’une collaboration Bendis / Paquette est envisageable ?

Je n’en ai aucune idée ! Pour l’instant mon futur est dominé dans sa quasi-intégralité par Wonder Woman.
Ceci étant, dans un an ou deux – quand je serai libre de faire mes propres choix –, j’aimerais bien travailler avec Tom King [The Vision, The Sheriff Of Babylon, Robin War… - Ndr], je sais d’ailleurs que l’envie est réciproque. A ce moment-là, peut-être que je travaillerais avec Bendis ou peut-être que j’aurais quitté DC, on ne sait pas ! (rires)

En règle générale, quelle est la réaction des fans quand vous reprenez un personnage ou une série ?

Personnellement depuis plusieurs années, j’utilise les tours de pages comme un outil de de « storytelling ». Par exemple dans Swamp Thing, les tours de cases me servent à symboliser un aspect de l’histoire, j’utilise ça comme une sorte de musique ou de trame sonore à mon récit graphique… Les gens qui me suivent savent que j’aime bien utiliser cet élément-là, qui me caractérise plutôt bien. Je n’ai pas eu de retour négatif à ce sujet.
Du coup, quand je travaille sur un nouveau personnage, je cherche à le disséquer afin de trouver quel genre de symbolisme je peux utiliser… (Il réfléchit longuement)
Bon ok… je vais ouvrir une grosse parenthèse : ce n’est pas que je ne crois pas à un personnage en soi, mais je trouve que c’est intéressant quand il s’accompagne d’une attente graphique. Par exemple dans Swamp Thing, une certaine partie de l’attente graphique c’est d’avoir un côté classique. Et tous les dessinateurs qui ont travaillé sur Swamp Thing comme Bernie Wrightson ou Rick Veitch ont respecté cette exigence-là…
Pour prendre encore un exemple peut-être plus pertinent, on peut parler de Batwoman de J.H Williams III, la série aurait pu être un énième titre de la Batfamily, mais le lectorat a été attiré par ce délire graphique et expérimental. Du coup, cette attente graphique fait aussi partie du personnage… Et ce dernier ne devient finalement intéressant de par la manière dont les histoires sont mises en images !
En gros, mon travail c’est d’essayer de trouver quelque chose de marquant pour chaque nouveau personnage sur lequel je vais bosser…

Est-ce que les éditeurs ont leur mot à dire que vos productions artistiques ?

Personnellement, aucun éditeur ne m’a jamais demandé de changer quoi que ce soit sur mes dessins dans toute ma carrière. Mais bon chez DC, quand on travaille avec des gens comme Grant Morrison ou Scott Snyder, ils font office de paratonnerre ! (rires)
Dans Wonder Woman : Earth One, on a pris pas mal de libertés avec le personnage, on est allé assez loin dans les sous-entendus érotiques de certaines situations en reprenant le côté bondage des années 40… Les Américains auraient pu être frileux sur ces idées-là, mais vu que c’était Grant Morrison au scénario, on a eu carte-blanche ! (rires)
Personnellement, je suis beaucoup plus libéral que l’Américain moyen, c’est pourquoi je me mets mes propres limites en jaugeant moi-même les situations. Jusqu’ici, tout ce que j’ai dessiné n’a jamais dérangé personne, sauf peut-être des critiques ! (rires)

Quels sont vos projets pour l’année prochaine ?

Comme je le disais tout à l’heure, je vais beaucoup travailler sur Wonder Woman et sur Raven. J’ai aussi pris la décision de lever le pied sur les couvertures de Birds Of Prey, Justice League etc. jusqu’à ce que le deuxième volume de Wonder Woman : Earth One soit terminé. Je vais donc essayer de résister aux autres tentations et m’arranger pour que ce second tome soit finalisé au mois d’avril 2018.
Ensuite, je ne sais pas encore si je vais enchaîner directement sur Wonder Woman : Earth One Vol. 3 ou si je vais faire quelque chose d’autre avant, comme un peu de Batman… Je ne sais pas trop, on verra !

Un grand merci à Yanick Paquette ainsi qu’à Nicolas et tout le staff du TGS.

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  • JeReMuse
    JeReMuse

    il y a 7 ans

    Interview très intéressante! :-) On sent en plus vraiment la passion de Yanick Paquette pour ce qu'il fait!