Ce titre a conforté la popularité du duo Jeph Loeb/Tim Sale qui avait explosé dans Batman: The Long Halloween . Ce récit tout en nuances nous offre les débuts de Superman. Dans une petite ville du Kansas, le garçon qui deviendra plus tard l'Homme d'Acier essaie de comprendre et d'accepter son histoire et ses talents, aussi perturbants qu'incroyables.

  • Lecture DC
    Lecture DC

    il y a 3 ans

    Gros coup de cœur pour ma part. Les saisons de Superman apportent cette trame narrative, le fil rouge qui manquait à Superman Man of Steel : ici c’est la rivalité et le combat entre Superman et Lex Luthor qui est superbement amené. Ce que j’ai le plus aimé, ce sont les illustrations en double page qui sont extraordinaires et bluffantes.

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    INTRIGUES 5/5
    DESSINS 4.5/5
    PERSONNAGES 4.5/5

    LES PLUS
    Les illustrations en pleine page ou en double page magnifiques
    La confrontation Superman/Luthor que les habitants de Métropolis subiront
    La poésie se mélange aux illustrations

    LES MOINS
    La conception artistique de Clark/Superman qui peut rebuter certains

S’il est une histoire de Superman que les auteurs adorent raconter, c’est bien celle de ses origines. Ces récits redondants et parfois contradictoires s’inscrivent généralement dans deux optiques : « faire découvrir à une nouvelle génération de lecteurs » l’icône à l’image ringarde ou moderniser les précédentes versions en corrigeant les erreurs de continuité. De nombreux auteurs de renom s’y sont essayé avec plus ou moins de bonheur : John Byrne, Geoff Johns, Joe Straczynski, Mark Waid… Et Jeph Loeb. Oui, cela étonnera sans doute les jeunes lecteurs mais, avant d’être un tâcheron pondant des scénarios plus ineptes les uns que les autres, Jeph Loeb a autrefois été un vrai scénariste, l’un des meilleurs. Il l’a notamment prouvé lors de ses nombreux travaux avec Tim Sale. Et Superman For All Seasons est, de loin, leur collaboration la plus aboutie.

En effet, il s’agit d’une œuvre simple d’apparence mais généreuse, très accessible et profondément humaniste. Son but n’est pas de nous raconter de façon linéaire les origines du premier des super-héros mais de nous dévoiler son ressenti lors de ses débuts. Ici, il n’est donc point question de Krypton ni de tout le folklore habituel de Superman. Loeb ne garde que l’essentiel : le jeune Clark, encore gauche et naïf, doit dire au revoir à la campagne de son enfance pour partir dans la grande Metropolis. Ce faisant, il découvre la vie et les responsabilités d’un adulte (et accessoirement d’un super-héros). L’intrigue n’a en soi rien d’original : l’apprentissage du passage à l’âge adulte est un thème éculé, même si l‘on parle ici d‘un surhomme. Non, l’intérêt de ce récit ne vient pas de son thème mais de sa beauté, de son authenticité. Tout ou presque sonne vrai et juste. Certes, l’histoire est connue et les personnages, archétypaux, le sont aussi. Mais le traitement qui nous en est proposé apporte une véritable bouffée de fraîcheur. Dans une harmonie parfaite entre le texte et l’image, la campagne américaine et la bourgade de Smallville prennent vie sous nos yeux médusés. Mieux, nous y sommes projetés, nous ressentons le vent des grands espaces venir nous rafraîchir après s’être chargé du doux parfum des blés.

Pour transporter le lecteur, Loeb recourt à des techniques narratives redoutablement efficaces mais utilisées si naturellement qu’elles s‘imposent comme des évidences. Tout d’abord, il articule le récit en 4 saisons, chacune correspondant à une étape du parcours de Clark. Loin d’être anecdotique, ce choix permet une résonnance forte entre l’évolution du protagoniste et celle de la nature. Sans parler de l’emploi du terme « Fall » pour désigner l’automne qui est tout sauf fortuit. Ensuite, il propose à Sale de recourir très régulièrement aux pleines et doubles pages. En effet, Loeb a toujours su laisser l’espace nécessaire aux artistes pour qu’ils puissent s’exprimer sans être limités par les contrainte d’un étroit gaufrier. Étant donné le faible nombre de cases et de phylactères par page, on pourrait craindre à une lecture encore plus rapide qu’un titre de Bendis. Pourtant, il n’en est rien. Le récit prend son temps mais le rythme n’est pas lent : il est doux comme un soir d’été. Enfin, la particularité la plus marquante de ce récit est l’emploi de quatre narrateurs (un par saison) qui donnent chacun leur point de vue sur l’homme d’acier. On peut applaudir l’auteur qui parvient à nous faire ressentir comme rarement les doutes et espoirs de Clark Kent uniquement à travers le regard de son père, de Loïs, de Luthor et de Lana Lang . Cet exploit n’aurait évidemment pas été possible sans l’expressivité des dessins de Tim Sale, mais c’est bien Loeb qui fait preuve d’une intelligence et d’une grande sensibilité qu’il semble avoir oubliées depuis.

Côté graphique, Superman for all seasons est un enchantement. Rompant avec les canons dynamiques des comic-books, Sale soigne les arrière-plans sans pour autant sacrifier la lisibilité de ses compositions. La kyrielle de détails qu’il dessine apporte une réelle consistance aux scènes de la vie quotidienne et offre au regard la possibilité de s‘attarder. Chaque décor se transforme alors en invitation à la rêverie. Smallville, symbole d’une campagne idéalisée, devient un acteur à part entière du récit. À travers elle, les auteurs ont cherché à retrouver l’innocence (certes fictive) de l’âge d’or de l’Amérique, une époque simple où les cœurs étaient purs et les lendemains glorieux, où vivaient les honnêtes gens que Norman Rockwell se plaisait tant à représenter. L’influence de ce peintre est d’ailleurs très présente dans Superman For All Seasons. Lorsque le massif Clark s’assoit sur un tabouret de bar, comment ne pas penser à son tableau [i]La fugue[/i] ? Même la moderne Metropolis n’échappe pas à cette vision d’un passé mythique sous le pinceau nostalgique de Sale. Les hommes y portent chapeaux et complets élégants tandis que les demoiselles sont apprêtées de toilettes au charme délicieusement suranné. Et lorsque Clark Kent fait la course avec un train, la locomotive est à vapeur.

Sale livre une prestation impeccable en tous points : son découpage est simple mais efficace, son art de la mise en scène ne souffre d‘aucun défaut, les angles sont choisis avec pertinence… Difficile d’être exhaustif lorsqu’il s’agit de citer toutes les qualités dont fait montre le maître au pinacle de son art. Citons tout de même son traitement des espaces, son usage habile des perspectives ou encore la gestuelle propre qu’il attribue à chacun des personnages. Sa représentation de Clark est d’ailleurs remarquable. Son visage poupin, perdu dans ce corps imposant, créé une empathie immédiate avec le lecteur. Lorsqu’il apparaît en salopette, il semble tout droit sorti du roman de Steinbeck, [i]Des souris et des hommes[/i], parfait Lennie Small par sa carrure, son innocence et sa capacité à émouvoir, la déficience en moins. Tout dans le travail de Sale est minutieusement pensé mais le comic-book se lit avec une facilité déconcertante qui donne l’ampleur de sa maîtrise. Attardons-nous désormais sur le travail de Bjarne Hansen. Cet artiste aux multiples facettes œuvre ici en tant que coloriste, ou plutôt devrait-on dire peintre. Ses couleurs légères, à l’aquarelle, complètent merveilleusement les dessins, sans jamais écraser le trait, mettant en valeur chaque détail. Ses tons apaisants contribuent fortement à la mélancolie qui se dégage de la lecture. Il ne se contente pas d’embellir les planches, il leur apporte de la texture et les enrichit comme, par exemple, sur cette superbe double page représentant un champ de maïs ou encore lorsque sa peinture donne corps à une tornade. Un travail somptueux pour lequel il n’est hélas pas assez crédité.

Conclusion : On peut donc sans exagérer affirmer que ce comic-book est LE chef-d’œuvre du trio Loeb-Sale-Hansen, leur symphonie pastorale. En lieu et place des origines d’un super-héros, ils nous livrent une ode au passé glorieux de l’Amérique, une déclaration d’amour à Clark Kent, jeune homme innocent élevé dans un cadre bucolique, plutôt qu’à son alter-ego costumé. Œuvre poétique, Superman For All Seasons est le pendant lumineux du ténébreux Batman Year One.

Points forts :  Une lecture émouvante - La prestation graphique impeccable du duo Sale-Hansen - Un récit qui fait aimer Superman

Points faibles : Quelques légères facilités scénaristiques - Le récit ne se concentre que sur certains aspects des origines de Superman - Une vision datée rendant de facto le récit hors continuité

Note : 5/5