Cette satire de SF signée Mark Russell (Le Retour du Messie) et Mike Deodato Jr. (Hulk, Spider-Man) met en lumière des problématiques sociétales contemporaines - entre racisme, peur du grand remplacement et système à bout de souffle ...
En 2056, les robots ont remplacé les êtres humains sur le marché du travail. La coexistence est difficile entre les robots et les dix milliards de terriens. Chaque famille humaine dispose d'un robot dont elle dépend entièrement. Le robot des Walter, Razorball, passe - de façon assez inquiétante - tout son temps libre dans le garage à construire des machines conçues pour tuer sa famille d'accueil...
C'est mon petit coup de cœur dans ces sorties de février 2023.
Déjà, c'est dessiné par Deodato qui avec son style habituel rend des planches toujours très détaillées, avec des personnages très expressifs. On peut cependant reprocher un petit rendu "roman photo", mais c'est un truc assez récurrent avec les dessinateurs au style réaliste. Avec les couleurs de Loughridge, qui semblent très réfléchies, on obtient une ambiance graphique très immersive.
Mais surtout, Russel réussi là où il se ratait dans les trucs récents que j'ai lu de lui (genre Le retour du messi ou Billionaire Island) à savoir raconter une satire efficace et intelligente. Là, on a plein de thématiques, des plus importantes (racisme, rôle du travail) à celles un peu plus en retrait (orientation des médias, manipulation des puissants), au service d'une narration assez fluide pour nous accrocher tout au long du récit sans (trop) verser dans la facilité.
Ce premier tome est une lecture agréable qui suscite autant de réflexion que de rires (jaunes).
La nouveauté Delcourt de la semaine se nomme Not all robots, et nous vient de l’éditeur américain AWA Studios. Sorti mercredi dernier, il réunit Mark Russell au scénario et Mike Deodato Jr au dessin.
En 2056, la Terre est dévastée, et seules subsistent de grandes villes protégées par des bulles. La robotique a fait énormément de progrès, et ce sont désormais les robots qui gèrent la société. L’album se centre principalement sur une famille, mais donne une vision d’ensemble de la bulle d’Atlanta, et une partie du reste des États-Unis. Le ton est dès le début un peu décalé. Par exemple, les humains ne travaillent plus, car remplacés par des robots… sauf les coiffeurs ! Les robots ne sont pas doués avec des ciseaux.
Not all robots va au-delà de ses personnages et de son histoire qui n’ont rien d’extraordinaires. L’intérêt de l’album se trouve au niveau de son univers, véritable satire de notre société. Beaucoup de thèmes actuels sont traités, avec un second degré salvateur. Le tome questionne notre relation avec les robots, et notre confiance en eux, sujets plus que jamais d’actualité avec l’essor des intelligences artificielles. Le monde dépeint par Russell est très cynique, mais contient aussi beaucoup de pointes d’humour.
Tout au long de l’album, les tensions entre humains et robots ne font qu’augmenter, chaque camp aveuglé par ses propres intérêts. La réponse pour éviter ces tensions est d’ailleurs très superficielle : le mot « robot » sera remplacé par un nom plus doux, et les machines auront un aspect plus humain. L’obsolescence des humains est critiquée, jusqu’à ce que le modèle en cours de robots ne deviennent obsolète. Ce récit est donc un miroir de notre société actuelle. Il contient beaucoup de références à notre monde, dont la transposition dans le futur permet de grossir le trait et d’y ajouter du second degré.
A la fin de l’album, il y a des notes de Russell et de Deodato. Celle de Russell est très intéressante, et donne des clés de compréhension du récit. Le nom Not all Robots n’est pas anodin et vient de Not all men, réponse idiote au mouvement Me too. L’idée de l’album est donc de créer un décalage avec notre monde : les humains représentent les femmes, et les robots les hommes. Effectivement, les robots gouvernent le monde, ce sont eux qui travaillent, etc. Le parallèle est excellent, et permet de montrer ce que peuvent ressentir les femmes dans nos sociétés trop masculines. Cepenant, même s’il s’agit du thème central de l’histoire, Russell l’enrichit d’autres thèmes comme notre relation avec la technologie, le creusement des inégalités ou la crise climatique.
Au niveau du dessin, Deodato Jr est bien connu des lecteurs de comics, et nous offre de bons dessins. En revanche, son style est dans la lignée de ses récents travaux. Il semble maintenant faire du dessin en numérique, ce qui donne une certaine rigidité à son style. Les planches sont aussi assez sombres, avec souvent des plans larges, ce qui nuit un peu à la lecture. Il est parfois difficile de reconnaître les visages, ou même de comprendre ce qui se passe. Ces défauts restent marginaux, et le dessin est tout de même globalement réussi. Il accompagne très bien l’intelligence du récit, et le plaisir de lecture.
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