[OTHER COMICS #25] Sin City

[OTHER COMICS #25] Sin City
Allez, aujourd'hui, c'est presque jour de fête, c'est les vacances alors je m'en vais vous parler d'un comics qu'il est mignon, qu'il est gentil, qu'il fait plaisir à lire au coin du feu et à raconter à ses enfants pour les endormir. Pour ce numéro #25 d'Other Comics, je vais vous parler de


pardon pour l'introduction un peu foireuse



Oui, chers lecteurs, pour la deuxième fois, j'ai lu vos commentaires et j'ai décidé de choisir parmi les titres que vous avez proposés dans le sujet dédié à la rubrique sur le forum.
On va donc conclure cette année 2011 par un comics culte pour beaucoup de lecteurs. Une oeuvre transgénérationnelle qui est devenue une référence absolue de la bande dessinée en générale et qui est la pièce maîtresse d'un artiste mythique des comics.




Au début des années 90, Frank Miller est une super star du monde des comics. Après un run acclamé sur Daredevil au début des années 80, après l'indispensable mini-série The Dark Knight Returns en 1986, et le reboot du personnage l'année suivant avec Batman Year One, Frank Miller aborde la nouvelle décennie d'une nouvelle façon en collaborant avec le très récent éditeur Dark Horse Comics.




Il commence par y publier le très violent Hard Boiled avec le dessinateur Geof Darrow. Cette mini en trois numéros va constituer la première étape vers son prochain titre Sin City.

Miller veut poursuivre avec une série sombre, proche du polar mais souhaite y ajouter un grande violence. On peut classer ce titre comme un roman noir, traduit en anglais sous le titre Hard Boiled justement. Pour coller avec cette atmosphère, il va adopter son style de dessin pour le noir et blanc, ce qui va faire de Sin City une oeuvre à part et unique. Mais on y reviendra plus tard, intéressons nous d'abord à la publication.


la première publication de Sin City



Sin City peut être divisé en 7 parties bien distinctes.
La première apparition de la série s'est faite dans le magazine Dark Horse 5th Anniversary Special en avril 1991.
La suite sera publiée dans le magazine Dark Horse Presents, un mensuel contenant les titres des plus fameux auteurs de la firme. Sin City en devient rapidement la star et les 12 autres parties du premier arc sortiront entre juin 91 et mai 92.
Par la suite, Miller va procéder par mini-série. A Dame to Kill For; The Big Fat Kill et That Yellow Bastard sortiront en fascicule entre novembre 1993 et juillet 1996. Il va ensuite enchaîné avec un graphic novel Family Values ainsi que de nombreux one-shots et finalement terminer la série en 2000 avec le dernier arc Hell and Back.




10 ans séparent le début de la fin de la parution de Sin City, ce qui en fait l'oeuvre majeure de la carrière de Miller. 300, The Dark Knight Strikes Again, All Star Batman and Robin , et Holy Terror, ses oeuvres les plus récentes ne parviendront pas à atteindre ce niveau, tant sur la narration que le dessin. Miller avait des histoires à raconter et c'est ce qui a donné cette série à part.




Basin City est une ville américaine au lourd passé et à l'atmosphère aussi sombre que ses ténébreuses ruelles. La mafia est omniprésente, les flics sont pour la plupart ripoux jusqu'au bout des ongles, les bandits se promènent leur flingue à la ceinture, les prostitués ont pris possession d'un quartier entier depuis des années, et le crime est aussi répandu que les tâches de sang qui s'écoulent dans les caniveaux de la vieille ville. C'est ce qui lui a donné le très bien porté surnom de Sin City, la cité du vice. Cette ville est en fait le vrai personnage principal de cette série.




Ici, on ne suit pas une histoire précise, on va de personnage en personnage, les accompagnant lors d'un épisode de leur vie. Leur point commun est d'évoluer au sein de la même ville. Qu'ils soient des soldats repentis, des armoires à glace au grand coeurs, des prostitués ou de simples citoyens embarqués dans des affaires qui les dépassent, tous vont devoir se sortir d'une situation si dramatique qu'elle va à jamais changé leur vie.




Cependant, plusieurs têtes reviennent récurremment. Marv le puissant et imposant défiguré, Dwight le lunatique, Gail la prostitué dominatrice, ou Nancy la pole danceuse. C'est à travers leurs yeux qu'on traverse la ville et que Miller nous raconte ses histoires violentes et décadentes. Ils vont même parfois se rencontrer et faire équipe pour se sortir de leur situation.
Certains aiment cette ville, d'autres la détestent mais elle fait partie d'eux. elle les habite plus qu'eux ne l'habite, on pourrait même dire qu'elle les hante vu à quel point elle s'insinue dans leur vie et compose un élément de leur existence, comme une amie ou au contraire quelque chose qu'il combatte ardemment.




Miller n'a pas de pareil pour faire fonctionner l'intelligence du lecteur grâce à son dessin. Le noir et blanc est est le mieux maitrisé de toute l'histoire du comics. Les silhouettes des femmes sont sublimés par les ombres et les lumières qui jouent sur leurs corps dénudés. Les cicatrices blanche sur les visages assombris des personnages rappellent toute la noirceur de cet univers. Ces cases de dessins se composent sous nos yeux alors qu'on déchiffre en quelques secondes chaque page, hypnotisé par la virtuosité de Miller. Quand on prend la peine de s'arrêter sur chaque dessin, on découvre une intention bien spécifique et c'est une des forces du titre, le dessin ne sert pas seulement le récit, il l'illustre et apporte une vraie valeur ajoutée.




Sin City est est une ville de la nuit. On y voit des bars à tous les coins de rue et ceux-ci sont fréquentés par toutes sortes de personnages, plus ou moins importants et plus ou moins lumineux. On n'imagine pas cet endroit de jour, comme s'il était condamné à exister dans la pénombre et la peur.
Toutes les histoires semblent en plus se recouper comme pour mieux nous expliquer que cet endroit est vivant et qu'il se passe toujours quelque chose dans la ville. Le bar ou Nancy danse est un lieu récurrent. On croise la voiture d'une histoire précédente pendant la lecture d'un arc postérieur.

Miller nous explique que ses récits ne sont pas une fin en soi mais qu'il y a d'autres histoires à raconter. D'ailleurs, il n'écrit pas en pensant à la fin, il préfère nous faire voyager avec ses héros à travers la ville et leur quête. Peu importe le dénouement, heureux ou tragique. On suit linéairement Marv à la recherche du tueur, on écoute ses pensées, ses réflexions. On est avec lui tout au long de cette longue enquête qui va le mener au pire. Et c'est ça qui fait aussi de Sin City une oeuvre à part, Miller ne cherche pas le retournement de situation ou la révélation incroyable à laquelle personne ne s'attendait. Sin City est une suite de chroniques d'hommes et de femmes dans la ville la plus sombre que l'on puisse imaginer.




Mais tout n'est pas noir (ou blanc) dans Sin City. On peut quand même distinguer un peu d'humour si on sait ou regarder. Par exemple, on se surprend à sourire quand on s'aperçoit que le très stoïque Dwight arbore fièrement un paire de converse sous son long trench-coat. C'est un détail mais cela fait partie des petites facéties de Miller pour permettre aux lecteurs (et aussi à lui) de respirer pendant quelques instants.

On notera quand même un certain cynisme ou un humour noir spécifique à certains personnages et même quelques running gag comme le détective privé grecque.

Avant de passer au message que Miller a voulu faire passé dans son oeuvre, on peut aussi remarquer les prémices du graphic novel 300 avec le passage sur la bataille entre les Grecs et les Perses dans The Big Fat Kill.




Cette séries est en fait la vision qu'à Miller de l'Amérique. Ce sont ses dérives, ce que les États-Unis ont de plus noir, et il s'en inspire pour donner une oeuvre complexe ou l'espoir est peu présent.
Le très (trop?) patriote Miller critique en fait son pays et ce qu'il a de plus sombre en lui.

Il en fait ressortir les travers: la violence, la cruauté, la corruption, le sexe, la drogue, l'injustice, les inégalités pour mieux servir son ambiance sombre et torturé.




Mais Miller met aussi un peu de lui-même dans sa série. Son amour pour les femmes est clairement affiché et on peut même dire qu'un machisme assez basique se fait sentir au fil des histoires.
Il faut dire qu'il s'inspire de son maître Will Eisner et de son Spirit (dont Miller a réalisé l'adaptation au cinéma en 2008), aussi très attiré par les femmes fatales qui parcourent les pages.




Sauf que là ou Eisner utilise l'humour, Miller est plus direct, plus cru.
Même s'il compose de magnifiques tableaux graphique et scénaristique, il est obligé de mettre la passion et le sexe au milieu de l'intrigue.
Les personnages de Dwight et Marv sont tout deux obsédés par une femme mystérieuse et entêtante. En plus, chaque personnage féminin, qu'il soit principal ou secondaire répond à des critères physiques très précis avec des formes provocantes et diablement sexy. C'est fascinant durant les deux premiers arcs mais Miller ne tient ensuite plus vraiment le rythme.


Tout génie qu'il est, Frank Miller ne parvient pas à garder le même niveau entre chaque histoire. Si les deux premières sont de purs chef d'oeuvres, plus on avance dans la lecture, plus la qualité du dessin et de la narration baisse. Certes, la lecture est toujours très bonne mais on est déçu au fur et à mesure qu'on avance. Peut-être que la surprise du début, dans une certaine mesure, laisse place à une certaine habitude.
En tout cas, cela devient évident quand il passe du format mini-séries au graphic novel et aux one-shots. Il poursuit l'écriture pour développer l'univers de Sin City mais on ne retrouve pas la même dynamique qu'au début.




On le voit aussi au niveau du dessin, moins appliqué. Il ne suggère plus les silhouettes, il montre les poitrines et les corps dénudés, ce qui fait perdre beaucoup de l'intérêt du titre. Alors qu'avant, on hésitait à regarder les dessins avant le texte tellement chacun était fort, maintenant, on hésite même à tourner la page pour déchiffrer les cases et comprendre ce que les bulles de textes leur apportent.
Au niveau du dessin, Miller va aussi utiliser de la couleur pour que le lecteur focalise son attention sur un point en particulier alors que son utilisation du noir et blanc au début lui permettait de mettre en avant de petits détails, apparemment anodin.

Enfin, les femmes sont plus clichés dans ces dernières histoires. Là ou elles faisaient office de muse au tout début, elles deviennent vulgaire et trop simplifiés pour apporter autant de matière que Gail par exemple dans A Dame to Kill For.



Mais il n'en reste pas moins que Sin City est une oeuvre culte et qu'elle mérite ce statut. Frank Miller a accouché d'une série lumineuse et sombre en même temps. Elle représente sa meilleure création et restera sans doute l'oeuvre de sa vie.
C'est pour cela sans doute que le cinéma s'en est emparé en 2005 dans une adaptation très réussie de Robert Rodriguez sous la houlette de de Miller lui-même.

10 ans après l'arrêt du titre, on en parle toujours comme un titre indispensable à tout fan de comics et de bande dessinée. D'ailleurs:




Les éditions VO et VF sont très semblables. Éditée par Dark Horse en anglais et par Rackham en France, vous pourrez trouver chaque mini-série dans des recueils souples ou alors deux coffrets collectors regroupant les 7 séries plus un livre bonus The Art of Sin City.


la version américaine



Petite différence tout de même. En VO, les coffrets sont composés de quatre volumes hardcovers dans un écrin alors qu'en France, ce sont deux très gros livres avec une couverture reliée en tissu, ce qui ajoute un véritable plus à cette édition.


la version Rakham


Malheureusement, seul 3500 exemplaires ont été imprimés et ils ont rapidement été épuisé chez tous les revendeurs. Si jamais, vous tombez sur le tome 1, n'hésitez pas, c'est un rareté.


Merci encore une fois pour votre lecture. Je vous souhaite à tous de bonnes fêtes et surtout une bonne année. À dans deux semaines, d'ici là, les anciens numéros sont toujours consultables

Other Comics #1 [22/11/2010]

Other Comics #2 : Vous êtes rebelle et indépendant

Other Comics #3 : The Green Hornet

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Other Comics #5 : Planetary

Other Comics #6 : The Darkness

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Other Comics #10: Transmetropolitan

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Other Comics #12: Y Le dernier homme

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Other Comics #15: La Tour Sombre

Other Comics #16: The Rocketeer

Other Comics #17: Nextmen

Other Comics #18: The Authority

Other Comics #19: The Walking Dead

Other Comics #20: Invincible

Other Comics #21: La jeunesse de Picsou

Other Comics #22: Kirkmanverse

Other Comics #23: Fear Agent

Other Comics #24: Teenage Mutant ninja Turtles
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  • Conan
    Conan

    il y a 12 ans

    L'ayant feuilleté, j'ai trouvé le dessin vraiment pas "tout public". Mais le film est excellent.

  • Khesistos
    Khesistos

    il y a 12 ans

    Très bon numéro, l'analyse est intéressante et assez convaincante pour enfin me faire commencer cette série. Pour l'anecdote, à l'occasion de la sortie du film et des élections présidentielles de 2007, les guignols avaient parodiés le film dans l'un de leurs meilleurs sketchs: http://www.youtube.com/watch?v=YAUjRh7oX5g