La review du jour sera Manifest Destiny, Tome 3 : Chiroptères et carnivores. Edité chez Delcourt, il est sorti le 23/08 pour 15.95€. Pour rappel, les critiques des deux premiers volumes sont également disponibles sur MDCU. 

Le récit romancé de l’aventure fantastique que constitua le périple que menèrent le Capitaine Merriwether Lewis et le Lieutenant en second William Clark pour traverser d’Est en Ouest les USA en 1804.

L’expédition de Merriwether Lewis et William Clark s’aventure toujours plus profondément au coeur du territoire américain. La découverte d’une autre arche les met en contact avec une nouvelle et incroyable civilisation, totalement différente de ce qu’ils connaissaient jusqu’alors. Malheureusement, les dangers qui les guettent ne font qu’empirer…

Comme pour les deux premiers volumes, le côté romancé du comics apporte un véritable plus qui facilite l’immersion rapide du lecteur dans l’univers. Il y a un côté découverte/observation/étude très pronnoncé qui est loin d'être déplaisant. C'est également grâce à cette approche un peu plus descriptive que nous pouvons faire de nombreux constats au fil de la lecture. Pour cette fois, cela sera le nombre de morts : 11 depuis le début de l'oeuvre. Le tout est renforcé par d'excellents dialogues qui, fréquemment, allient exotisme et humour. Par exemple :

Homme : Qu'est-ce qu'elle a, vous croyez ?

Médecin : Je ne sais pas.

Homme : Vous ne savez pas ?

Médecin : Elle pourrait avoir une petite grippe. Ou souffrir d'une intoxication alimentaire. Mais lors de CE voyage ? Dans CETTE région ? Elle pourrait très bien pourrir à petit feu et se transformer en créature fongique. Ou bien s'écrouler à tout moment et pisser des nuées de moustiques. Comment le savoir ?

Homme : ... On va partir sur la grippe.

Femme malade : Oui. Qu'est-ce que c'est ?

Dans le même ordre d’idée, les créatures sont toujours aussi originales. Cette fois, nous avons droit à des oiseaux civilisés et doués de parole. Des bestioles plus ou moins mignones mais aux dents acérées et empoisonnées qui, une fois qu'elles vous ont mordu, déclanchent une putréfaction accélérée des parties touchées de la victime. Ce principe de donner la possibilité de parler aux créatures aurait pu s'avérer catastrophique. Après tout, ce nouveau facteur aurait pu être une porte grande ouverte vers une fantaisie non désirée. Cependant, il n'en est rien. Le tout rend l'espèce intéressante, originale et surtout, compréhensible. Jusque-là, les créatures ne semblaient être là que pour bouffer. Cette fois, il y a un intérêt plus poussé pour les créatures : la survie. Le tout permet de donner une originalité à ladite espèce et donc un coup de fouet au récit. Enfin, il y a la créature capable de changer de tête. Sans trop en dévoiler, il s'agit sans doute du summum en terme de bestiole improbable. Une réelle claque visuelle !

Enfin, plusieurs choses sont également à noter côté personnage. Si le personnage principal conserve une certaine volonté de bien faire, il reste évident que les décisions prises, et qui sont souvent discutables, placent le personnage dans une case bien singulière. Plutôt complexe et avec une logique assez difficile à cerner, il oscille fréquemment entre le bien et le mal. Sauf que, si nous faisons le point à la fin de cet opus, il tend dangereusement vers le mal. D'ailleurs, l'équipe ne s'y trompe pas puisqu'il aura été au bord de la mutinerie, tout comme le personnage de Madame Boniface dont les désaccords sont toujours plus nombreux. Bref, un personnage particulièrement intéressant. Enfin, on notera la créature capable de parler dont le caractère est bien trempé et le personnage de Collins. Secondaire, ce dernier est pourtant ce qui se rapproche le plus du héros pour le moment (bien que nous ayons la preuve une fois encore, que le terme de "héros" soit utilisable uniquement si vous êtes du côté dudit héros, justement). De même, nous suivons toujours avec intérêt la jeune femme enceinte contrairement à ses flashbacks qui eux, manquent de rebondissements et de profondeur pour le moment. La finalité, qui sera sans doute dévoilée très prochainement, devrait néanmoins remédier à cela.

Pour ce qui est du dessin, Roberts Matthew fait une nouvelle fois des prouesses. Il dessine les différentes créatures avec efficacité et parvient, sans aucun souci à les rendre très effrayantes. Si l'espèce d'oiseau/ourson est déjà du genre à sortir de l'ordinaire, ce n'est rien comparé à la créature vivant en haut de l'une des arches. Cette dernière est tout simplement une créature inconcevable, particulièrement horrible et terriblement bien dessinée. Mention spéciale aux couleurs qui ont également un rôle essentiel dans la surprise, et surtout dans le dégoût du lecteur. Ce sont d'ailleurs ces dessins représentant extraordinairement l'horrible et ce panel incroyable de couleurs qui feront que, une fois encore, le lecteur plongera immédiatement dans l'univers. Pour ce volume 3, il s'agira de la première page dans lequel nous découvrons le cadavre du pauvre White, se rapprochant du vert, infecté, un visage horrible, le corps cloué sur un radeau... Difficile de passer outre une telle première planche !