Entre deux castagnes de super-slips, l’esprit de Noël se manifeste de temps à autre dans les comics. Parfois, il prend une forme inattendue. Voici une histoire où règnent la joie et la magie, un conte de Noël inhabituel qui sert avant tout à présenter aux néophytes le merveilleux monde de Bone, l’un des meilleurs comics indé de ces 20 dernières années.

Dans les années 90, les comics indé étaient plutôt rares et devaient se contenter d'une audience confidentielle. A plus forte raison quand ces comics étaient en noir et blanc et donnaient l'impression de s'adresser à des enfants. La seule solution qui se présentait alors à Jeff Smith était l'auto-édition, ce qui limitait les moyens de promotion. Mais, le succès aidant, il parvient à dégager des moyens et à trouver des partenariats. Il fait diffuser un objet publicitaire assez savoureux : un livret format comic book riche en rédactionnel retraçant l'histoire de la création de son personnage... ainsi qu'une histoire inédite de 4 pages destinées à faire découvrir le charme de sa série. Et pour enchanter le lecteur, quoi de mieux qu'un récit de Noël ? Rappelons qu’à l’époque, le Free Comic Book Day n’existait pas et rares étaient les comics gratuits.

On pourrait craindre que ce si bref conte de Noël soit anecdotique. Et en un sens, il l'est complètement puisqu’il est parfaitement possible de lire l’intégralité de la série sans ces 4 planches. Mais son intérêt ne réside pas dans l’intrigue, forcément basique étant donné la place allouée, mais dans la capacité de l’auteur à y concentrer la substantifique moelle de sa série. Tout y est : chacun des protagonistes présenté avec les traits saillants de sa personnalité, une belle dose de tendresse et de générosité, de l’humour savamment dosé qui contrebalance l’innocence et la bienveillance du héros, et, bien entendu, les méchants les plus drôles que l’on ait vu depuis longtemps : les célèbres rats-garous.

Quel bonheur pour le lecteur avisé d’observer avec quelle fluidité et quelle limpidité il présente son univers. D’ailleurs, cette réussite n’aurait pas été possible sans le sens de la narration irréprochable de Jeff Smith. Son graphisme, dynamique, précis, épuré et élégant, rappellent évidemment les grands maîtres tels que Carl Barks ou Walt Kelly. D’ailleurs, les grands noms des comics ne s’y sont pas trompés et ont été nombreux à soutenir Jeff Smith dans son pari fou de lancer une saga immense et épique, à la croisée du Seigneur des anneaux et des aventures de Mickey, Dingo et Picsou. Assez miraculeusement, le pari fut tenu. Il aura fallu 9 tomes à Jeff pour boucler son histoire (plus deux hors série), neuf tomes publiés en noir et blanc et ressortis en version colorisée quelques années plus tard. Ce monument de la BD indé est désormais disponible en un seul et immense volume qui reprend l’intégralité des 9 tomes en noir et blanc (mais pas les deux récits annexes)… ainsi que notre délicieux conte de Noël.