Dès ses débuts, David Rubín a été fasciné par l’univers des super-héros qu’il considère, probablement à raison, comme le seul genre crée par et pour la bande dessinée. Dans ses œuvres précédentes (Hors d’atteinte, Le salon de thé de l’ours malais), Rubín multiplie les références au genre et à ses personnages, en particulier au Superman de Jack Kirby.

Jouant avec la symbolique de cet univers, Rubín a déstructuré le super-héros et a sondé sa psychologie, se penchant particulièrement sur ses points faibles, sur cette vulnérabilité qui le rend si « normal », si humain. Le héros est la mise en abîme ultime du super-héros ; le retour aux sources de ce mythe contemporain à travers la relecture de la saga des Douze travaux d’Héraclès. Tout en restant très fidèle au récit mythologique (dans cette première partie de Le héros sont racontées la naissance et la jeunesse d’Héraclès, ainsi que ses premiers exploits : la chasse du lion de Némée et du sanglier d’Érimanthe, le combat contre l’Hydre de Lerne…), Rubín sait s’affranchir des pièges du péplum et développe son histoire dans un univers qui se trouve quelque part entre la Grèce ancienne et un futur résolument technologique. Le Héraclès de David Rubín se bat contre les oiseaux du lac Stymphale, capture les juments de Diomède mais roule en Harley et écoute David Bowie sur son lecteur mp3. L’Olympe, quant à lui, ressemble plus à un laboratoire high-tech qu’à la demeure céleste des dieux. Dans cet univers intemporel mais solidement ancré au mythe, le héros de Rubín devient ainsi résolument contemporain, mélange de détermination et de doute, de courage et de faiblesse.

Rubín puise son inspiration de ses références déclarées en matière de bande dessinée (Jack Kirby, mais aussi Osamu Tezuka ou Frank Miller) et construit son récit par petites touches. Son Héraclès mûrit page après page, de sa jeunesse – où l’action est presque omniprésente (on remarquera au passage les originales inventions graphiques du dessinateur), les dialogues secs et parfois naïfs – jusqu’à son âge adulte (raconté dans la deuxième partie de Le héros) où le rythme ralentit et les dialogues gagnent en profondeur.

Avec Le héros, formidable opus qui comptera plus de 500 pages une fois achevé (le 2e volume est prévu pour le printemps 2013), Rubín s’affirme comme un des dessinateurs les plus talentueux de sa génération ; on pourra apprécier son trait particulièrement dynamique et sa maîtrise du récit tout au long d’un espace narratif d’une ampleur, il faut le souligner, tout-à-fait exceptionnelle.

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