Scénario: Wood Brian – Dessin: Kelly Ryan

La brillante et timide Riley est sur le point de faire son entrée à la prestigieuse université de New York, à Manhattan. Bien qu’elle ait toujours vécu à Brooklyn, c’est un tout nouveau départ que prend la jeune fille. Sa rencontre avec Marissa, citadine décontractée, Lona, sombre et quelque peu lunatique, et Ren, les pieds scotchés à son skate, font de cette première expérience une véritable aventure. Mais bientôt, les petits problèmes du quotidien estompent l’euphorie des premiers temps. Conflits de famille, colocation animée, difficultés scolaires et peines de coeur. L’amitié naissante du groupe survivra-t-elle à la découverte de la vie d’adulte ?

Contient : New York Four TPB + New York Five TPB

  • Julien
    Julien Staff MDCU

    il y a 9 ans

    L'une des sorties de cet été ! Un grand merci à Urban Comics d'oser publier des comic books indés tels que celui-ci. The New York Four et The New York Five (réunies ici) sont deux mini-séries très peu connues dans la bibliographie du scénariste Brian Wood mais qui pourtant ne manquent pas de charme et d'attrait. New York Four fait un peu partie de cette trilogie de Wood, avec Demo et Local (deux petits bijoux que j'espère voir bientôt publiés aussi) où il s'intéresse plus intimement à ses personnages et aux relations de la vie de tous les jours : l'amour, l'amitié, la famille, etc. Le scénariste excelle dans ce registre et le prouve une nouvelle fois ici avec des personnages, des dialogues, des relations et des conflits internes et externes qui sonnent juste. C'est aussi un grand amoureux de New York (et qui peut en douter après sa lettre d'amour à cette ville avec la série DMZ) et il nous fait vivre l'expérience à fond, dans une magnifique ambiance. Et que dire des dessins de Ryan Kelly, avec qui il formait déjà un duo sur Local, qui sont absolument superbes et créent de toute pièce cette ambiance new-yorkaise. Si voulez prendre des risques et tenter quelque chose d'un peu différent, ce sera The New York Four ce mois-ci !

OGN

The New York Four (2008)

Mistaken for Strangers

The New York Five (2011)

Start A War

The New York Five (2011)

Daughters of the Soho Riots

The New York Five (2011)

Forever After Days

The New York Five (2011)

Après le week-end chargé de la Comic Con de San Diego, prenons le temps de nous poser et de s'intéresser à une petite pépite indé que l'éditeur Urban Comics a été nous dénicher, à savoir The New York Four. Brian Wood est un auteur probablement plus connu du grand public pour ses travaux engagés au versant très politique comme DMZ ou The Massive, ou plutôt historiques avec Northlanders, Conan et tout récemment Rebels, des comic books aussi excellents les uns que les autres. Mais Wood est un auteur a plusieurs facettes et il excelle aussi dans un registre très différent, celui de récits plus intimistes, de relations humaines de la vie de tous les jours. Pour preuve, ses deux excellentes séries Demo chez Vertigo et Local chez Oni Press, qui nous offrent des tranches de vie d'une justesse et d'une beauté impressionnante (séries que l'on espère voir aussi publiées à l'avenir chez Urban Comics). Lorsque DC Comics décide de lancer un label consacré à un public plus féminin, Minx, en 2006, ils font appel au scénariste pour écrire une histoire se déroulant à New York. L'amoureux de New York qu'est Brian Wood (thème récurrent dans ses histoires) ne peut refuser et décide de raconter l'histoire de 4 étudiantes qui débutent à l'université de New York. Il en profite même pour nous offrir un vrai guide de New York comme contexte à son histoire. La série connaîtra deux volumes, dont le deuxième, intitulé The New York Five, sera publié chez Vertigo après l'échec de Minx. Les deux volumes sont réunis dans cette édition.

 

 

« New York City. It awes me into silence sometimes. »

 

L'un des aspects essentiels de ce comic book, qui lui donne tout son charme et sa beauté, et quelque part son originalité, est sa localisation à New York. Brian Wood vit à Brooklyn et est un amoureux de New York, il suffit de lire DMZ qui à son cœur est une simple et belle lettre d'amour à cette ville. Dans The New York Four, il se place en tant que guide et nous fait visiter tous les quartiers et lieux importants de la ville, ainsi que tous les endroits qu'il apprécie particulièrement. A chaque nouveau lieu qu'il introduit, il écrit une petite note de description, avec quelques éléments historiques très intéressants et quelques petits conseils, nés de ses habitudes, pour vivre à fond l'expérience Big Apple. Un des éléments très intéressants et qui a particulièrement plu à l'auteur de cette critique est la présence de la scène musicale indépendante, qui fait partie intégrante de l'âme de New York, à qui Wood offre une place de choix, avec de nombreuses références et quelques scènes dans des salles de concerts. Pour quelqu'un qui n'a jamais eu la chance de mettre les pieds à New York, c'est un véritable substitut qui nous fait voyager et nous plonge dans l'ambiance de cette ville. Pour ceux qui connaissent déjà, cela leur rappellera peut-être de bons souvenirs ou leur fera découvrir quelques lieux sympathiques. Et c'est ici qu'il faut tirer un coup de chapeau à Ryan Kelly, le dessinateur. Si Brian Wood nous donne envie de découvrir cette ville en nous en faisant visiter les endroits chouettes, c'est vraiment Kelly qui nous plonge totalement dans l'ambiance New Yorkaise avec des décors fabuleux. Lui aussi aime cette ville et la connaît bien, ce qui se ressent totalement. Manhattan, Brooklyn, Queens, les quartiers, les parcs, les immeubles, les monuments, les bars et salles de concert, tout est parfaitement retranscrit dans le détail par Ryan Kelly et ces décors ont une vraie place dans l'histoire, avec notamment de nombreuses pages qui leurs sont exclusivement dédiées. Le noir et blanc devient alors tellement judicieux et puissant. En somme, c'est superbe et dépaysant et mérite vraiment le coup d'oeil.

 

 

« So many ups and downs. So much uncertainty and excitement, panic and joy. Heartache and euphoria. »

 

Avant tout, ne vous laissez pas décourager par l'aspect à priori « girly » de ce comic book. Il a bien été créé pour une ligne féminine et se centre sur des personnages féminins mais n'est en aucun cas réservé à un lectorat féminin. Brian Wood le dit lui-même très justement quand il explique qu'il n'a jamais vu de distinctions entre ces histoires et d'autres dites plus « masculines ». Il s'agit d'histoires sur des personnages qui découvrent la vie adulte, que l'on accroche ou pas à ce concept n'a à priori rien à voir avec le genre étiqueté à l'oeuvre. Maintenant que cette mise au point est faite, passons justement à cette histoire et ces personnages. Brian Wood nous présente quatre filles, toutes différentes, venant d'univers et d'endroits différents, mais qui se retrouvent au même endroit, au même moment, en première année de fac à l'université de New York. A travers ces quatre personnages, le scénariste va pouvoir brosser quatre portraits et personnalités différentes, qui sonnent toutes justes et couvrent un assez grand éventail de profils féminins. Des personnages vrais, attachants, étranges par moments, bourrés de qualités, de doutes et de défauts. Des êtres humains, en somme.

 

 

Riley, qui s'affiche clairement comme le personnage principal de l'histoire (en plus d'en être la narratrice), est le type de personne qui découvre la vie hors du cocon familial grâce à ses études et se découvre elle-même par la même occasion. Peu habituée aux relations autres que celles qu'elle entretient avec son téléphone, elle va s'avérer assez naïve dans ses premiers contacts et faire des erreurs assez classiques, avec les garçons notamment, mais des erreurs par lesquelles il faut passer pour apprendre et gagner en maturité. La dernière scène du premier numéro, sur une bande son de PJ Harvey, est superbe et très touchante et devrait vous faire accrocher d'entrée au personnage, à l'écriture de Wood et l'ambiance général du comic book. (L'auteur de cette critique vous recommande d'avoir chaudement l'album « Stories from the City, Stories from the Sea » de PJ Harvey).

 

Ren, c'est par définition la fille qui se cherche encore. Elle n'arrive pas vraiment à trouver sa place parmi son entourage et encore moi parmi les mecs de sa génération. Alors elle s’échappe de ses cercles relationnels pour s'aventurer ailleurs, où elle se sent mieux, mais se faisant se perd encore un peu plus. Il va lui falloir que la réalité la remette à sa place pour qu'elle décide de se recentrer et essayer de se trouver elle-même.

 

 

Lorna est quant à elle l'archétype de la fille à qui l'on a tout offert sur un plateau jusqu'ici, pour qui les choses allaient à son rythme et qui se retrouve tout d'un coup livrée à elle-même dans le grand bain de la vie, n'arrivant pas à suivre. Son ego refusant d'accepter sa part de responsabilité, elle rejette le blâme sur les autres et va s'enfoncer dans une névrose assez particulière, à la limite du flippant.

 

Enfin, Marissa. Sûrement la fille la mieux dans sa peau, ce qui se ressent bien à l'extérieur puisqu'elle est aussi celle qui a le plus d'assurance. Elle est aussi dans un sens la plus honnête et la plus directe, des qualités qui se font rare. Mais tout le monde rencontre des problèmes et des difficultés qui rendent la vie tortueuse et qui peuvent briser même les plus solides. Pour elle, ce sont des éléments extérieurs qui vont remettre sa vie en question.

 

Ces différentes personnalités riches et travaillées rendent les personnages intéressants à découvrir et à suivre dans leurs évolutions. C'est aussi ce qui rend leur amitié et les interactions si agréables à lire. Les très bons dialogues de Brian Wood y sont aussi pour beaucoup, il réussit vraiment à trouver une voix pour chaque fille et le fait de manière crédible et assez naturelle. Les petites fiches descriptives qu'il nous propose sur chachune d'entre elles sont très sympas et souvent pleines d'humour et aident rapidement à cerner les personnages. Très appréciables aussi ce sont les styles de chaque personnage, vestimentaire mais aussi de manière générale, magnifiquement mis en valeur par le talent de Ryan Kelly. Les intrigues sont assez variées et la narration jongle très bien entre elles pour que l'on ne s'ennuie pas une seule seconde et que la lecture soit très fluide. On n'appréciera peut-être pas toutes les intrigues ni même tous les personnages mais il y en a pour tout le monde et chacun devrait trouver un élément de l'histoire qui le touche ou lui parle plus qu'un autre.

 

 

« Do you seriously think any of us would trade it for anything? »

 

La seule chose que l'on pourra finalement regretter c'est de devoir quitter les filles aussi vite, après seulement 8 numéros qui passent très vite. Et cette sensation est un peu exacerbée par la conclusion de l'histoire qui semble un peu accélérée. Les événements autour du personnage d'Olive par exemple semblent un peu précipités et n'ont pas le temps d'être totalement exploités. On sait que le deuxième volume était prévu en cinq numéros et réduit très tard à seulement quatre. N'empêche que Wood et Kelly réussissent leur conclusion et font passer un jolie message qui une nouvelle fois sonne juste : New York n'est pas fait pour tout le monde. Et par New York on peut y voir une métaphore pour l'émancipation, pour cette période de la vie où l'on devient adulte et se détache de ses racines familiales. New York représente cette nouvelle étape de la vie, ce nouveau départ, où l'on commence à battre de ses propres ailes. Certaines personnes ont besoin de s'éloigner de la maison pour trouver leur place, d'autres peuvent se sentir perdus et ne pas être à leur place loin de chez eux. New York représente ce puissant révélateur pour nos quatre filles.

 

En Résumé

 

LES POINTS FORTS

- L'ambiance
- Les dessins de New York
- Les personnalités de chacun
- Les dialogues
- L'aspect guide de New York

LES POINTS FAIBLES

- Un dernier acte un peu précipité

 

4.5

I <3 NY

Conclusion

Brian Wood et Ryan Kelly nous offrent une belle tranche de vie sur des personnages contemporains, profonds et attachants, autour d'intrigues pertinentes qui sonnent juste, le tout plongé dans un superbe cadre et une magnifique ambiance. Ce n'est pas le genre de comic book que vous êtes habitués à lire et c'est bien pour ça qu'il faut tenter l'expérience. Je peux au moins vous promettre que vous allez voyager et faire la connaissance de chouettes personnes. C'est déjà pas si mal.