Scénario: Pope – Dessin: Pope

Ce 1er tome de Battling Boy signe le grand retour de Paul Pope, star du comic book… Au programme, un superhéros et des monstres !

Dans ce premier épisode, un dieu guerrier expédie son fils, Battling Boy, dans un monde infesté de monstres assoiffés de sang. Il l’y laisse avec une carte de crédit magique et une valise pleine de tee-shirts enchantés. Ses instructions sont claires : ne pas rentrer à la maison avant d’avoir libéré la planète des monstres. C’est une mission difficile, et Battling Boy est persuadé qu’il n’est pas capable de l’accomplir. Mais s’il échoue, personne d’autre ne pourra sauver ce monde !

1er volet des aventures de Battling Boy : 200 pages à la croisée du comic book, du manga et de la bande dessinée ; une histoire pleine de monstres, de fureur et de valeurs positives.

Pas d'avis pour le moment.
[b]Paul Pope[/b] est très rare ces dernières années. Cet illustrateur américain est connu et reconnu pour son style graphique empruntant aux codes du comics, de la BD européenne et du manga. Ces influences vont d'Hugo Pratt (Corto Maltese) à Alex Toth, ce qui fait de lui un artiste singulier et pas très accessible pour les lecteurs habitués aux super-héros. Vous avez peut-être déjà pu lire quelques oeuvres tirées de sa bibliographie. [i]Batman Année 100[/i] par exemple, que la plupart d'entre nous ont refermé et reposé sur l'étagère du libraire après l'avoir feuilleté moins de dix secondes en décrétant "ça ne va pas être possible avec ces dessins". Ce trait ultra-détaillé bloquera sans doute le passage à la caisse pour un grand nombre de lecteurs de comics mais en contrepartie, des habitués aux titres indépendants et underground se laisseront peut-être tenter. [i]Battling Boy[/i] est une oeuvre difficile à classer. Et c'est à la fois son principal atout et son défaut majeur. [center][galerie2]http://www.mdcu-comics.fr/upload/news/news_illustre_1381501781_266.jpg[/galerie2][/center] [i]L'histoire est assez compliquée car le contexte est assez mal placé. La ville d'Arcopolis est envahie de monstres en tout genre depuis des années. Mais la cité peut compter sur son héros Haggard West pour nettoyer les rues de ces goules ou autres créatures issues d'un bestiaire très varié. Malheureusement, Haggard décède lors d'une mission et laisse Arcopolis orpheline et surtout sans protection. Mais c'était sans compter sur Battling Boy, envoyé par son père, pour se former à devenir lui aussi un grand dieu guerrier. Ce jeune garçon va devoir affronter des monstres surpuissants et apprendre à vivre dans ce monde si différent du sien.[/i] Paul Pope mêle dans son récit le fantastique et le super-héroïque. J'ai beaucoup aimé la présentation du monde de Battling Boy. Le palais situé dans l'espace rappelle l'Olympe et ses habitants font aussi référence aux dieux mythologiques. D'ailleurs, il est intéressant de voir qu'aucun nom n'est donné au lecteur. On ignore l'identité de ces personnages. Même Battling Boy n'est qu'un surnom donné par son père au jeune héros. Mais leur statut omnipotent est très bien exploité par Pope, qui se permet même une petite référence aux très nombreux super-héros qui existeraient sur Terre. Tout cela est très malin tout comme l'arrivée du garçon dans Arcopolis et la présentation du contenu de sa valise et donc de son matériel pour défaire les monstres. Mais une fois au coeur de l'action, Paul Pope se perd. Le tout début du titre est consacré à la dernière aventure d'Haggard West, sorte d'Adam Strange steampunk. On y rencontre ses ennemis et surtout sa fille qui l'aide dans ses aventures. Une fois tous les personnages rassemblés, Paul Pope passe plus de temps sur tout l'aspect politique entraîné par le statut de héros à Arcopolis. Le garçon est récupéré par le maire pour défiler. Ses conseillers changent son nom et veulent l'instrumentaliser. Cela pourrait être très intéressant si on ne l'avait pas déjà vu dans de nombreux comics depuis [i]Watchmen[/i] il y a plus de 25 ans. De même, l'histoire passe trop vite sur la fille de West même si on comprend qu'elle jouera un rôle important dans le deuxième tome de la série. [center][/center] Arcopolis est censée être une mégalopole mais on a plus l'impression de voir une ville de province dirigée par des hommes de pouvoirs assez cliché. Quand on a en plus d'abord été introduit à tout un univers possible, se restreindre à seulement cette cité frustre énormément. C'est comme si [i]Star Wars[/i] se limitait seulement au village des Ewoks. Intéressant mais on veut voir ce qu'il y a autour. Après, cela peut se comprendre car l'un des thèmes du titre est le besoin du peuple d'avoir des héros et il aurait été difficile de mettre en scène toute une planète. C'est une partie de l'histoire très réussie. Paul Pope tente des métaphores avec le monde réel et le besoin d'avoir aujourd'hui des figures fortes qui servent d'exemples. On peut même faire le lien entre les monstres et des problèmes récents : les goules qui sortent la nuit et imposent un couvre-feu font penser à une dictature. Le monstre avaleur de voitures serait la symbolisation de la crise industrielle. À vous de voir si cette interprétation vous va. C'est en tout cas celle que j'ai pu en faire. [center][/center] Bon parlons de points positifs car j'ai l'impression d'être extrêmement critique alors que j'ai quand même dévoré le titre. Graphiquement, c'est sublime. Paul Pope maîtrise totalement son dessin et sa mise en page. C'est souvent très détaillé mais parfois épuré comme sur certains doubles-pages d'une puissance folle. Les scènes de combat sont très dynamiques et même durant les moments de dialogues, il se passe toujours quelque chose d'intéressant dans les cases. Mention spéciale pour le [i]character design[/i] des personnages principaux. Le père est imposant, le fils est plus frêle mais charismatique. Les monstres sont variés et les autres créatures que vous pourrez apprécier plus tard dans l'histoire sont aussi très impressionnantes. Les personnages ne sont pas seulement beaux, ils sont aussi très bien écrits et en plus, ils sont tous très différents. La relation entre le père et le fils est très bien articulée. Les méchants le sont vraiment et imprévisibles. Encore une fois, les habitants de la ville et ses hommes politiques sont un peu cliché mais il faut bien cela pour en faire d'eux des méchants secondaires. Et enfin, il faut souligner l'intention de Pope de raconter une histoire d'apprentissage, d'éducation et de transmission. Battling Boy est à la fois un enfant apeuré, un héros en devenir et un fils cherchant la reconnaissance de son père. Il se perd un peu à cause des manoeuvres qui l'entourent mais il va tout faire pour tenter d'égaler la figure qu'il respecte tant. De même pour la fille de West, qui veut poursuivre la mission de son père. On la voit trop peu et on s'identifie moins à elle mais ces quelques pages sont touchantes. [i]Battling Boy[/i] nest pas qu'une histoire de monstres à combattre, c'est une quête humaine. J'ai malheureusement peur que deux tomes ne soient pas forcément suffisants pour laisser un souvenir assez fort dans le coeur des lecteurs et en faire une oeuvre majeure. Parlons un peu de l'édition de Dargaud / Urban Comics car il ne s'agit pas réellement d'un titre Urban. [i]Battling Boy[/i] devait au départ sortir uniquement chez Dargaud comme les autres titres de Paul Pope mais la série a migré au dernier moment pour intégrer le catalogue du label comics de l'éditeur. Tant mieux car cela peut permettre de casser les clichés de certains libraires qui ne désirent malheureusement pas de comics dans leurs rayons. L'objet est beau. La maquette est plus réussie que la VO, qui sort simultanément outre-Atlantique d'ailleurs. Bel effort là encore de Dargaud et Urban. On regrettera par contre le manque d'explication sur l'auteur et l'oeuvre à part sur la quatrième de couverture. Un petit texte de présentation ou un message de Paul Pope sur ses motivations à faire ce livre auraient été les bienvenus. [center][/center] [b]Je rangerais [i]Battling Boy[/i] à côté de [i]Punk Rock Jesus[/i], dans la case des séries réalisées par des dessinateurs dont l'esprit trop fertile empêche une narration suffisamment élaborée pour en faire une oeuvre indispensable (Ok, y'a pas beaucoup d'autres titres dans cette case pour le moment mais ça avec [i]PRJ[/i], ça en fait deux en très peu de temps). Je ne peux pas dire que je n'ai pas pris de plaisir à la lecture mais j'en attendais plus. D'autant plus que le format de publication ne convient pas forcément à une histoire prévue en plusieurs parties. J'espère par contre que la suite ne mettra pas trop longtemps à arriver car j'ai espoir que la série, une fois complète, ne transforme ce premier essai en véritable coup de maître.[/b]