Auteurs : Alan Moore, Kevin O'Neill

La plus belle création d'Alan Moore revient enfin dans une nouvelle aventure dont la parution a longtemps été repoussée en France. Nous sommes dans les années 50, le temps a passé et la Ligue des Gentlemen Extraordinaires a été dissoute. Mais Mina Murray et Allan Quatermain sont de retour et veulent des réponses qu'ils ne pourront trouver que dans le mystérieux Dossier Noir retraçant l'histoire de la Ligue.
(Contient les épisodes US The League of Extraordinary Gentlemen : Black Dossier)

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    AfA Staff MDCU

    il y a 11 ans

    Ce volume arrive enfin dans nos contrées pour le plus grand bonheur des fans de Moore. Attention toutefois, la forme du récit risque d'en décontenancer certains : le dossier noir est composé pour bonne partie de documents de différentes natures revenant sur les incarnations passées de la ligue. Si vous n'avez pas lu les tomes précédents, achetez-les avant de lire celui-ci.

Les admirateurs du grand Monsieur qu'est Alan Moore seront ravis de constater que nos deux Big Two à la française lui accordent une place de choix dans leurs sorties de la semaine. [b]Panini[/b] ouvre le bal aujourd'hui-même avec ce [b][i]Dossier Noir[/i][/b] inédit en France et publié en 2007. Une oeuvre qu'il est impossible d'estimer ou de décrire tellement sa lecture rendrait humble même Stan Lee. Mais comme tout le reste de son travail, il mérite une mise en matière que malheureusement Panini n'a pas proposée en guise de contenu éditorial. Et pour terminer cette semaine spéciale Moore, [b]Urban Comics[/b] vous proposera vendredi la sortie de [b][i]Neonomicon[/i][/b], également inédit en France et qui représente un autre pan de l'art du grand chaman de Northampton. Mais MDCU y reviendra en temps et en heure. Pour le moment, plongeons-nous dans la fiction [i]so british[/i], de l'époque élisabéthaine à Georges Orwell. [center][galerie3]http://www.mdcu-comics.fr/upload/news/news_illustre_1382482392_556.jpg[/galerie3][/center] Il faut avant tout commencer par expliquer ce qu'est ce [b][i]Dossier Noir[/i][/b] et où intégrer sa lecture parmi les nombreuses parutions françaises des différentes titres de la [i]Ligue des Gentlemen Extraordinaires[/i]. En 1999, Moore et le dessinateur Kevin O'Neill lance une première mini-série de six épisodes qui a pour concept de faire se rencontrer plusieurs héros de fiction et de les faire évoluer dans un monde qui aurait pu être le nôtre si la vie s'était déroulée comme dans les romans de Jules Verne ou de Wells. Dans une ambiance steampunk où le flegme britannique est roi, [b]Mina Murray[/b] partage les aventures d'[b]Allan Quatermain[/b], de l'[b]homme invisible[/b], du [b]Dr Jekyll et Mister Hyde[/b] et du [b]Capitaine Nemo[/b]. Tous sont aux ordres des Services secrets britanniques et de son dirigeant, l'énigmatique M, avec pour seule mission de détruire toute menace qui pourrait nuire à la perfide Albion. Puis une deuxième mini-série, également de six épisodes est publiée par la même équipe créative en [b]2002[/b]. En France Panini acquiert les droits et propose plusieurs éditions de ces deux histoires dont la plus récentes dans une [url=http://www.mdcu-comics.fr/news-009929-panini-comics-review-vf-integrale-ligue-des-gentlemen-extraordinaires.html]intégrale[/url] plus réussie que la version originale. Et déjà on s'aperçoit grâce aux appendices qui viennent enrichir les deux volumes que Moore est en train de mettre en place un véritable univers dans lequel il détruit les murs qui séparent toutes les fictions pour en réunir les personnages principaux, héros comme ennemis. Et c'est notamment à travers cet almanach de plusieurs pages publié à la fin du deuxième tome et qui décrit plusieurs zones géographiques de ce nouveau monde de fiction sans frontière qu'il dévoile son petit projet d'ingénieur divin. Délaissant la franchise jusqu'en 2007, à cette date il publie toujours avec le même dessinateur ce [i]Dossier Noir[/i]. Il ne s'agit plus ici d'une simple histoire de bande dessinée mettant en scène les aventures de la Ligue. Si dans ce qui se révèle être en fait un guide, il y a bien une histoire racontée et dessinée qui fait office de fil rouge, celle-ci ne sert que de prétexte pour en découvrir plus sur cet étrange dossier qui contient énormément d'informations sur l'histoire de toutes les Ligues créées par la Couronne britannique, et cela depuis le XVIe siècle. On a beau le rappeler mais encore une fois, Alan Moore montre à quel point son esprit s'apparente beaucoup trop à celui d'un démiurge. Après ce dossier, il continue d'explorer cet univers dont il a profondément établi les bases dans sa trilogie [i][b]Century[/b][/i], publiée cette fois aux éditions Delcourt et qu'il est conseillé de lire après le [i]Dossier Noir[/i]. Cette année, l'auteur a consacré tout un épisode, [i][b]Heart of Ice[/b][/i], à la fille du Capitaine Nemo dont la version française sortira le mois prochain chez Panini. Pour une question de droits et de copyright jusqu'à maintenant le Dossier Noir n'avait pu être publié dans un autre pays que les Etats-Unis pour le plus grand malheur des grands amateurs de cette franchise. Mais aujourd'hui Panini vient de marquer un grand coup dans la bulle des comics indépendants. Toutes ces informations en poche, il est temps d'aborder le vif du sujet. Si avec ce concept de Ligue Moore s'est amusé à réduire à néant les frontières entre les fictions principalement britanniques mais même françaises et américaines, ce [i]Dossier[/i] est l'occasion pour lui d'abattre celles qui séparent les différents genres littéraires. Une histoire sous forme de bande dessinée raconte comment, à la fin des années 50, un couple étrange tente de mettre la main sur ce fameux dossier noir, une véritable mine d'informations sur l'histoire de ce groupe de héros non-conventionnels qui ont traversé les siècles, tandis qu'ils sont poursuivis par des agents secrets au service de la Couronne. Durant leur parcours pour rallier l'Écosse, chacune de leurs haltes sera l'occasion de se plonger dans la lecture des archives. Véritable mise en abyme à l'image de ce que le scénariste avait déjà proposé dans [b][i]Watchmen[/i][/b] avec l'histoire du corsaire, le contenu aussi divers que riche en références donne le tournis au fur et à mesure que les pièces s'emboîtent entre elles. Après avoir emprunté à Conan Doyle et H. G. Wells, la principale source d'inspiration de Moore ici est l'uchronie dystopique de George Orwell, [i][b]1984[/b][/i]. Big Brother, O'Brien, le novlangue, et plein d'autres petits détails dissimulés dans les dessins d'O'Neill ramènent à ce roman anglais qu'il est vivement conseillé mais pas primordial d'avoir lu pour rentrer sans retenue dans l'ambiance de cette histoire. Mais cela ne concerne que le récit en fil rouge qui traverse les quelques 200 pages de cette édition. Puisqu'entre chaque passage narratif, des documents sont présentés, fourmillant également de nombreux clins d'oeil. Mais cette prolifération de références que le jeune public français risque de ne pas reconnaître, voire connaître peut se révéler être un frein car force est d'avouer que Moore enchaîne les termes et les noms sans garde-fou pour lecteur non-averti. [center][/center] Mais clairement, ce guide ne doit pas être abordé comme n'importe quel comics. En sont témoins les pleines pages de texte dont on n'a peu l'habitude dans le 9e art, le long rapport de plusieurs pages qui retrace la genèse du premier groupe Murray, ou cet extrait de romans dont le style beatnik est emprunté à celui de Kerouac, [i]Sur la route[/i]. Chaque passage mérite une deuxième relecture, puis une digestion accompagnée de quelques aller-retours entre les pages pour tout remettre en place dans cette frise chronologique imaginée qui se déroule au fur et à mesure que les différents genres se côtoient. Car à côté de ce roman digne de la beat generation américaine, on trouvera une composition théâtre inédite de Shakespeare écrit en vieil anglais que le traducteur n'aura pas poussé le vice à traduire en français classique de la Renaissance, un journal autobiographique ainsi qu'un livret à la façon d'une bible de Tijuana explicitement illustrés, la biographie imagée d'un personnage-clé dans la suite des aventures de ce titre, des photos et des cartes tout droit tirées de l'imaginaire du Maître Moore. Sans oublier une excentricité artistique à la fin du livre qui aura été la cause de retards dans la livraison des dessins en VO. Sans toutefois rien en dévoiler pour ne pas ôter le plaisir de la surprise, il faudra veiller à ce que l'édition en vente contienne bien un [b]objet fixé sur la jaquette[/b] en troisième page de couverture pour apprécier le récit jusqu'à sa dernière fantaisie. Et lorsque les interrogations feront surface, il sera alors temps de découvrir la trilogie [i]Century[/i] pour obtenir de nouvelles réponses. Car il aurait été futile de croire que le scénariste se serait contenté de ne combler que les trous avec ce [i]Dossier Noir[/i], sans en créer de nouveaux. Outre-Atlantique, parmi les trois éditions dont il a eu droit, le Black Dossier aura été publié en version [i]Absolute[/i], avec une couverture rigide mais dont la seule différence avec les autres, hormis le prix est l'ajout de deux dessins d'O'Neill en deuxième et troisième de couverture (aucune édition ne contient le CD d'enregistrement de Moore). Et c'est donc cette version qu'aujourd'hui Panini propose dans une publication aussi réussie que l'[i]Absolute[/i] en beaucoup moins cher. Présenté comme un véritable défi pour les traducteurs, le travail de Mathieu Auverdin est plus qu'exemplaire. Entre la pièce de théâtre dont le langage est emprunté à l'ancien anglais et les terme de novlangue, sortis du roman 1984, sans oublier toutes les références à des personnages dont le nom a déjà été traduit, l'ensemble est tellement cohérent et dénué de coquille qu'on pardonne largement les deux ou trois petits détails qui feront toujours tiquer les plus assidus. La qualité du papier a non seulement été respecté avec du papier glacé dans la majorité et du mât pour le livret mais en plus, tout un document est imprimé sur un papier cartonné un peu plus épais agréable au toucher. Et pour continuer sur le terrain des détails qui rendent cette version plus intéressante que celle en anglais, l'accessoire est de meilleure facture que sa version en kit en VO. [center][/center] [b]Le [i]Dossier Noir[/i] n'est qu'une pierre, certes la clé de voûte, dans l'édifice qu'érige Moore et son fidèle acolyte O'Neill depuis plus d'une dizaine d'année. Mais quelle pierre ! A l'instar d'un [i]From Hell[/i] dans lequel les notes du scénaristes étaient aussi intéressantes que le récit dessiné par Campbell, ce guide permet à la fois de faire le lien entre les deux premières histoires de la Ligue et la trilogie intitulée [i]Century[/i] mais aussi de donner une telle profondeur à cet univers en perpétuelle création qu'on ne peut que regretter être venu à bout de ce chef d'oeuvre. Qui s'avérera sûrement être la plus belle réussite d'Alan Moore. Et d'après les prochains titres de la franchises déjà annoncés, cela risque de se confirmer. En attendant, ce guide est un véritable livre de chevet pour initiés, une sorte d'[i]Encyclopédie du savoir relatif et absolu[/i] de Werber dans laquelle on se plonge allègrement pour picorer une information, la replacer dans son contexte grâce aux autres récits et savourer le résultat final : tout un nouvel univers où se mêlent les fictions littéraires, radiophoniques et même cinématographiques, de tous les genres et de toutes les époques, rassemblés par le démiurge Moore à qui on donnerait tout un monde sans confession. Mais qu'il refuserait, pouvant s'en offrir [i]ad libidum[/i]. [/b] [conclusion=5][/conclusion][onaime] - De l'inédit longtemps attendu - Les références aux personnages de toutes les fictions - Les dessins d'O'Neill à jamais reconnaissables - Alan Moore - Une édition et traduction parfaites [/onaime][onaimepas] - La profusion des clins d’œil - Les pleines pages de texte qui peuvent être repoussantes [/onaimepas]