Scénario : Jean-Marc RIVIÈRE
Dessin : Francesca FOLLINI
Couleurs : Johann CORGIE

L'humanité est en sécurité depuis que le Bouclier de défense protégeant la Terre des attaques extraterrestres a été installé, sacrifiant la première génération des Post-humains. Quatorze ans plus tard, leurs enfants sont devenus des adolescents oisifs et capricieux, enfermés dans le Ghetto par le Gouvernement afin de les empêcher d'utiliser leurs super-pouvoirs. Jusqu'à ce que l'impensable se produise...

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[b]French comics ? Vous avez dit French comics ? Et si nous oublions tous les étiquettes, pour une fois ? Sauf que, cette fois, Superworld n’est pas une BD réalisée par des français copiant les comics américains mais une œuvre reprenant leurs thèmes et leur format en les traitant à la française. Bref, c’est la définition même de ce que devrait être le French comics.[/b] [center][galerie2]http://www.mdcu-comics.fr/upload/news/news_illustre_1379858105_582.jpg[/galerie2][/center] L’histoire de [i]Superworld[/i] se déroule dans un monde où les super-héros ont disparu en sauvant l’humanité d’ennemis extraterrestres. La vie sur Terre est redevenue normale et seules quelques commémorations rappellent que les cieux étaient autrefois peuplés de valeureux combattants. Les commémorations… ainsi qu’un certain quartier luxueux et inaccessible situé au pied de la Tour Eiffel. Dans ce « ghetto » doré vivent les enfants des post-humains qui se sont sacrifiés. Et ces héritiers possèdent également des facultés exceptionnelles. Malheureusement, notre planète étant désormais protégée des menaces venant de l’espace, le gouvernement n’a plus besoin de héros. Il interdit donc à la nouvelle génération l’usage de leurs pouvoirs et achète leur coopération en leur offrant vie oisive et très confortable, quitte à les plonger dans un sybaritisme décadent. Mais certains événements vont remettre en question l’ordre établi. Le contexte post-super-héroïque de [i]Superworld[/i] peut, de prime abord, donner un arrière-goût de déjà vu. [i]Watchmen[/i] présentait déjà il y a plus de 25 ans une dystopie où les super-héros n’avaient plus le droit d’exercer. Cependant, le traitement proposé par le scénariste [b]Jean-Marc Rivière[/b] apporte une originalité bienvenue au concept. En effet, les super-héros ont beau avoir marqué ce monde, ils en sont totalement absents. Ici, point de costumes, de super-vilains et peu de démonstrations de pouvoirs. Pourtant, l’ombre des surhommes plane sans cesse, leur disparition rendant leur influence d’autant plus flagrante. Celle-ci se fait d’ailleurs sentir sur différents niveaux de lecture. L’auteur nous interroge sur la place des héros dans un monde qui n’a pas besoin d’eux. La Seconde Guerre Mondiale fut à l’origine de l’explosion des héros du Golden Age, la peur du nucléaire et la guerre froide engendrèrent les héros de l’Age d’Argent. Mais les héros servent-ils encore à quelque chose aujourd’hui ? Ce sont quelques unes des nombreuses métaphores dont est parsemé [i]Superworld[/i]. On y distingue même en filigrane une critique de notre société dont les icônes (footballeurs, acteurs et autres stars) semblent avoir oublié les vraies valeurs. [center][/center] Pour mettre en scène ses réflexions, [b]Jean-Marc Rivière[/b] développe son univers et s’attarde évidemment sur nombreuses nuances (dont certaines amusantes) qui le différencient du nôtre. Il s’agit là d’un des points forts de cette œuvre qui fleure bon l’anticipation, genre relativement peu abordé dans les comics. Le revers de la médaille est qu’il adopte également les défauts de nombre de romans de SF : la construction de l’intrigue se fait au détriment de la caractérisation des personnages. Bien souvent caricaturaux ou archétypaux, ils ne parviennent pas à créer d’empathie avec le lecteur. Cela ne gêne en rien la lecture mais on espère que le scénariste y remédiera au tome 2. Hormis ce défaut, il faut avouer que [b]Jean-Marc Rivière[/b] fait preuve d’une maîtrise surprenante des spécificités narratives du comic-book alors qu’il n‘en avait jamais écrit auparavant. Par une habile alternance de scènes riches en dialogues et de planches qui en sont dépourvues, il maintient un rythme de lecture très agréable tout en fournissant un grand nombre d’informations. Son art du découpage se retrouve également dans sa manière de terminer ses pages par une scène forte qui donne envie de lire la suivante. C’est donc tout naturellement que le premier tome s’achève sur un magnifique coup de théâtre parfaitement amené. On referme ce tome impatient de lire la suite et enchanté par les multiples implications de l’ultime rebondissement. Vous l’aurez compris, malgré certaines thématiques purement américaines, il ne s’agit en aucun cas d’un comics super-héroïque ordinaire. La French touch, qui justifie l’appellation de french comics, se retrouve aussi bien dans le traitement que dans le cadre du récit (toute l‘action se déroule dans un Paris distordu). Au lieu de se lancer dans une intrigue conventionnelle, c’est-à-dire centrée sur un ou plusieurs personnages devant surmonter des difficultés pour venir à bout d’une menace, l’auteur prend le temps de présenter un contexte qu’un événement va complètement bouleverser. Il préfère également exposer les points des différentes parties plutôt que d’adopter une position manichéenne. L’esprit cartésien et l’analyse critique caractéristique de la culture française transparaissent avec bonheur dans le scénario sans pour autant le transformer en manifeste intellectuel. [center][/center] La partie graphique est assurée par l’artiste italienne [b]Francesca Follini[/b]. Adoptant tour à tour les caractéristiques des comics (dans le découpage et l’utilisation des splash pages et doubles-pages) et des mangas (notamment dans les visages et expressions), son style risque de décontenancer plus d’un lecteur. Là où le french comics propose habituellement la synthèse des écoles américaines et franco-belges, elle privilégie une approche radicalement différente. Ses planches ne sont pas une invitation à la contemplation mais au service de l’histoire. Ce choix lui attirera certainement des détracteurs amateurs d’esthétisme mais on ne pourra pas lui reprocher l’efficacité de ses dessins et la fluidité de sa narration. [b][i]Superworld[/i] est une agréable découverte qui a le mérite d’offrir aux lecteurs un style et une histoire que se distinguent du tout-venant des comics américains. On y trouvera certes des références explicites à [i]Spider-Man[/i] et aux [i]X-Men[/i], et certains ne pourront s’empêcher de trouver quelques similitudes avec [i]Rising Stars[/i], mais c’est un regard neuf qui nous est proposé. En détournant avec intelligence les codes du comics, le scénariste maintient l’intérêt jusqu’à l’ultime page. C’est donc avec impatience qu’on attend la suite, dont on ignore totalement quelle direction elle va prendre. Rendez-vous dans quelques mois pour savoir si le deuxième tome se montre à la hauteur des attentes qu’il aura suscité. [/b] [conclusion=4][/conclusion][onaime]- le scénario original et bien construit - le cliffhanger final - les différents degrés de lecture[/onaime][onaimepas]- le manque de profondeur psychologique - le côté manga des dessins[/onaimepas]