CLEAR une fable noire de SF signée Scott SNYDER (Démons, Batman) et Francis Manapul (Flash, Les 7 Guerrières, etc.). Dans un avenir proche, nous pourrons nous connecter à Internet de manière neurologique et interagir entre le monde réel et numérique.

Il est devenu possible d'adapter la réalité à nos propres préférences (modes steampunk, porno, médieval, etc.), tandis que le monde reste statique. Merveilleux, non ? Pas vraiment... SAM DUNE, un ancien flic devenu détective privé, enquête sur un suicide. Dune vit en mode CLEAR, sans aucun filtre. Il voit le monde tel qu'il est vraiment. La victime est son ex-femme, et elle n'avait rien de suicidaire...

Pas d'avis pour le moment.

L’arrivée de Clear ce mercredi marque le deuxième album de la série de sorties prévues chez Delcourt en lien avec le label de Scott Snyder, Best Jackett Press. Le premier, Démons, avec Greg Capullo au dessin, était plutôt réussi, voyons ce que donne celui-là.

Notre récit se déroule à San Francisco, en 2052. L’avancée technologique permet désormais de se connecter directement à internet, sans passer par un appareil. Un système a alors vu le jour : les voiles permettent de voir ce que l’on veut. Il suffit d’acheter un filtre, et le monde est transformé. Par exemple, si j’aime bien les pirates, je m’installe le filtre adéquat, et j’aurais l’impression de me trouver dans un monde de pirates. Le protagoniste de l’histoire se nomme Sam Dunes, et il est détective. Il enquête notamment sur les traffics de voiles noirs, c’est-à-dire illégaux, car montrant des choses pas très orthodoxes…

Par le biais de ce personnage, Snyder nous présente son monde dystopique, en utilisant son procédé habituel (le héros s’adresse directement à nous). L’aspect métaphorique de notre présent n’est pas très subtil, mais suffisamment bien fait pour se laisser prendre au jeu. L’analogie est d’ailleurs poussée plus loin, puisque le monde de Clear est en déclin, et les voiles permettent aux gens de fermer les yeux. L’inflation crève le plafond, la catastrophe écologique est bien avancée et des guerres mondiales crédibles ont été perdues.

L’intrigue commence réellement alors que la femme de Sam est retrouvée morte. Il va alors enquêter sur les circonstances suspectes de son suicide. Il s’agit donc d’un polar, et d’une fuite en avant qui va virer vers le thriller. Le fait que la perception de la réalité puisse être modifiée ouvre les portes à des rebondissements intéressants. L’ambiance va lorgner un peu vers des films comme Blade Runner, mais où la question ne serait pas « qui est un robot ? », mais plutôt « quelle est la réalité ? ».

Snyder est fidèle à son style, parfois bavard pour rien. Il veut rajouter des concepts à des concepts, tout en créant des noms à ces concepts. Certains passages sont donc inutilement compliqués, mais c’est bien moins dérangeant que dans Undiscovered Country par exemple. Il y a aussi cette blague pas drôle qu’il répète à longueur d’album qui, heureusement, finit par prendre son sens en fin d’album. Bref, même si les tics de l’auteur sont là, ils restent en second plan, et globalement, l’histoire et surtout le monde sont intéressants, et bien racontés.

La réussite de l’album passe par les magnifiques dessins de Francis Manapul. Le style qu’il a su développer pendant plusieurs années semble encore franchir une étape. Il gère tout le dessin, c’est-à-dire le crayonné et la couleur. Il n’y a pas vraiment d’encrage marqué, ce qui donne un aspect particulier au dessin. C’est magnifique, et ses choix de couleurs très prononcées volontairement permettent de s’en prendre plein des yeux. Le scénario lui permet en plus de jouer un peu avec la réalité, et de s’amuser à s’essayer à d’autres styles. Cet album offre un terrain de jeu qui permet au dessinateur de montrer tout son talent.

Ce livre est une réussite, par son ambiance notamment. Snyder met beaucoup moins d’humour que dans Démons, et nous offre de bons rebondissements, même si certains sont prévisibles. Je ne suis pas rentré dans les détails du récit, afin de laisser le plaisir de la découverte. La conclusion de l’album est aussi bonne, même si un poil moralisatrice. Bref, une très bonne lecture et un récit complet dans le haut du panier de ce qu’a pu écrire Scott Snyder.

En Résumé

 

LES POINTS FORTS

- Les dessins colorés
- La dystopie crédible
- L'ambiance polar

LES POINTS FAIBLES

- Quelques tics de Snyder

 

4

 

Conclusion

Clear propose un polar dystopique de bonne facture, avec son lot de rebondissements. L'univers est crédible, plutôt original et très bien mis en image par de magnifiques dessins. Une très bonne lecture.