S'il est vrai que le meurtre constitue un dénominateur commun entre toutes les espèces, il n'en va pas de même pour l'assassinat, qui relève plutôt de... la vocation.
Contenu vo : Contenu : Decorum #1-4

  • Julien
    Julien Staff MDCU

    il y a 4 ans

    Jonathan Hickman n’en finit plus de nous époustoufler avec son imaginaire génial et ses œuvres intrigantes et passionnantes, même si souvent exigeantes. Servi par des dessins inventifs et constamment surprenants, qui lui donnent une vraie identité, ce titre est à classer parmi les grandes œuvres de la science-fiction.

Après East of West et The Manhattan Projects, l’éditeur Urban Comics continue de miser sur la folie et le génie de Jonathan Hickman, avec sa nouvelle série Image Comics, Decorum. Il est accompagné au dessin par Mike Huddleston et Sasha E Head, pour un récit de science-fiction assez exigeant mais d’une esthétique folle.

On commence à connaître Jonathan Hickman désormais, on ne sera donc pas surpris de se retrouver face à un récit aussi abstrait et difficile d’accès. Au-delà d’un récit, on pourrait même décrire cette œuvre comme une expérience de lecture. Le scénariste aime créer des mondes et nous plonge dans un nouvel univers sorti directement de son esprit plus large que toutes les galaxies. Dans la plus pure tradition des grandes œuvres de science-fiction et d’anticipation en bande dessinée, c’est un monde entier qui se construit sous nos yeux, avec son histoire, ses règles et ses traditions. Il y a un gros travail de création et de développement, avec des éléments de description et d’information, sous forme de cartes, de plans et autres graphiques que l’on trouvera disséminés entre les pages de la BD. On y verra forcément de vraies similitudes avec ce qu’il a mis en place sur les X-Men dans le même temps, au niveau de l’esthétique et des aspects graphiques utilisés pour expliquer et approfondir son univers. Mais ici la narration est encore plus alambiquée et difficile à cerner que ce qu’il a pu proposer par le passé. Le lecteur se retrouve plongé dans le grand bain et tente de nager comme il peut dans un superbe océan qui regorge de beauté et de concepts passionnants. Comme souvent avec ce genre d’œuvres, même si on ne comprend pas tout d’emblée, même si beaucoup d’éléments sont très abstraits, on se retrouve malgré tout aspiré et fasciné par l’expérience. On va essayer de comprendre la moindre référence, le moindre symbole. Revenir en arrière pour relire un passage, s’intéresser un peu plus à une carte parce que l’on vient de comprendre que les personnages que l’on suit se déplace en fait sur celle-ci. C’est une lecture riche et gratifiante.

Le récit est plus ou moins scindé en deux parties : d’un côté des éléments de science-fiction purs, assez conceptuels et à la portée très large, et de l’autre une intrigue plus terre à terre, qui fait la part belle à ses protagonistes. La partie de science-fiction aborde des thématiques que l’on connait, assez classiques : la naissance des mondes, le cycle de création et de destruction. Mais avec toujours des éléments originaux et assez barrés pour donner l’impression d’être face à quelque chose d’assez novateur. Ces parties de la BD sont évidemment les plus compliquées à cerner, et nous n’aurons pas l’image d’ensemble avant le tome 2, mais Hickman laisse trainer assez d’éléments en route pour nous donner une bonne idée des enjeux et de ce qu’il nous propose. Et puis l’autre axe du récit est présent pour contrebalancer cet aspect et nous offrir quelque chose d’un peu plus concret à nous mettre sous la dent. On nous présente une sorte d’école formant des meurtrières, avec notamment deux personnages principaux féminins diamétralement opposés. La dynamique entre ces deux personnages fonctionne à merveille, et il faut souligner ici la qualité de l’écriture. Hickman n’est pas seulement un génie de l’imaginaire, et il est aussi rudement efficace pour définir ses personnages et écrire leurs dialogues. En quelques lignes seulement, ses personnages crèvent les planches et leurs personnalités nous explosent au visage. Quelques cases de tête à tête entre deux personnages et on se retrouve intrigués et aspirés dans les scènes, et dans l’histoire plus largement. C’est une vraie prouesse dans un œuvre qui se base avant tout sur son univers graphique, et qui laisse tout juste la place suffisante à ses personnages pour briller, et apporter la composante humaine dont a besoin le lecteur pour raccrocher les wagons.

Mike Huddleston se charge des dessins sur ce titre, et on souligne bien le terme « dessin », parce qu’il y a également beaucoup de créations graphiques. Et ils sont absolument superbes, alternant les styles, les encrages, les colorisations. On va avoir des parties ultra léchées, presque photographiques, avec des couleurs sobres et assez classes. D’autres en noir et blanc avec un encrage bien plus épais et des couleurs plus pesantes. D’autres qui donneront l’impression de ne pas être terminées, sans décor, avec les traces des crayonnés. Tout cela participe au charme fou et à l’originalité de cette œuvre. C’est tellement inventif et bien réalisé qu’Huddleston pourrait nous proposer n’importe quoi, il y aurait toujours un moyen de le faire fonctionner dans son association avec Hickman. C’est également superbe et très travaillé pour toutes les parties plus numériques signées Sasha E Head, ainsi que tous les plans et cartes qui participent à la création de cet univers. Le passage de l’un à l’autre des styles de narration contribue à conserver l’attention du lecteur et participe à l’aspect très « OVNI » du titre.
On soulignera le format plus grand qu’à l’accoutumée proposé par Urban Comics, qui en plus d’être un très bel objet, permet d’offrir l’espace nécessaire à l’expression de ces formidables planches. Vous allez en prendre plein la vue.

En Résumé

 

LES POINTS FORTS

- L'univers graphique
- L'imagination et l'inventivité
- Les personnages
- De la grande science-fiction

LES POINTS FAIBLES

- Une œuvre exigeante, et parfois très abstraite

 

4.5

Une claque !

Conclusion

Jonathan Hickman n’en finit plus de nous époustoufler avec son imaginaire génial et ses œuvres intrigantes et passionnantes, même si souvent exigeantes. Servi par des dessins inventifs et constamment surprenants, qui lui donnent une vraie identité, ce titre est à classer parmi les grandes œuvres de la science-fiction.