Scénariste : Becky Cloonan
Dessinateur : Andy Belanger
Prêts pour un voyage au bout de l’espace ?
Dans un futur où l’humanité a colonisé le système solaire, Alex Braith monte à bord du Southern Cross, un tanker en direction de l’usine de raffinerie installée sur la lune de Titan, pour enquêter sur la mort récente de sa sœur. Mais alors qu’elle cherchait une réponse, d’autres questions s’accumulent : pourquoi sa camarade de cabine a-t-elle aussi disparu ? Qui est ce type inquiétant qui rôde sur le pont ? Et pourquoi Alex a-t-elle sans arrêt l’impression d’être observée ?
Inspiré par les grands classiques du genre comme Alien ou Solaris, Southern Cross est autant un space opera qu’un thriller psychologique où s’immiscent le surnaturel, où les fantômes du passé luttent avec les mystères du cosmos…
L’éditeur français Glénat Comics nous propose une nouvelle série indé avec ce premier tome de Southern Cross, publié chez Image Comics aux Etats-Unis. On y retrouve au scénario l’artiste Becky Cloonan, que l’on croise désormais de plus en plus à l’écriture plutôt que derrière ses crayons, accompagnée par le dessinateur Andy Belanger. Le duo créatif nous propose un récit de science-fiction à travers un huit-clos au sein d’un vaisseau spatial, centré sur le personnage féminin d’Alex Braith.
Dès les premières pages, on sent la volonté de Becky Cloonan d’axer son intrigue autour d’un personnage féminin fort et assez mystérieux. Alex est une ex-taularde, du genre indépendante et solitaire, qui fuit la compagnie des gens et surtout, ne se laisse pas marcher sur les pieds. Cette caractérisation fonctionne au premier abord mais la scénariste ne donnera pas assez de relief à son personnage durant ses six numéros qui composent le premier volume de l’histoire pour vraiment la rendre attachante et un peu plus humaine, tout simplement. On va revenir sur l’intrigue qui l’entoure mais Alex étant le personnage principal, elle reste le coeur de l’histoire, d’autant plus dans un récit à huit-clos comme celui-ci où nous sommes constamment à ses côtés. Sa façade est définie, ses motivations sont énoncées mais Cloonan lui donne un background qui n’est jamais vraiment exploré, il y avait pourtant la place de le faire. On ne boudera pas pour autant notre plaisir de découvrir un personnage comme celui-ci, qui a du style et du caractère, et qui fait malgré tout preuve de quelques moments de faiblesse appréciables. Forcément, avec un personnage comme celui-ci, on ne peut s’empêcher de penser à Ellen Ripley et la comparaison est particulièrement difficile à assumer. On pourrait faire le même constat pour les autres personnages qui interviennent dans le récit, sans être mal écrits ou non reconnaissables, ils ne sont pas pour autant mémorables, il y a certaine faiblesse dans la caractérisation des personnages de manière générale. On peut comprendre la volonté de garder un certain mystère autour de tous les personnages pour cultiver l’incertitude de leurs motivations et de leurs allégeances, mais c’est aussi malheureusement ce qui rend la lecture moins engageante.
Mais le plus gros point faible de cette histoire reste sans doute son intrigue, qui sans être très complexe s’avère difficilement compréhensible. On ne doute pas que l’idée de départ de Becky Cloonan était intéressante mais elle n’a pas très bien réussi à la retranscrire dans sa narration, qui laisse le sentiment d’être trop inachevée et assez brouillon. Les liens avec la sœur d’Alex, les aspects à penchant horrifique, la conspiration en fond, tous ces éléments sont bienvenus et représentent des classiques du genre mais ils sont difficiles à cerner dans leur ensemble. La narration fonctionne bien dans la montée crescendo de la tension et des révélations, le rythme s’accélère réellement sur les deux derniers numéros et le mystère s’épaissit tout en se dévoilant un peu. Mais même si l’on sait qu’il y aura une suite à l’histoire, il faut en donner assez pour que le lecteur ait l’envie de revenir, ce qui n’est pas gagné ici tellement l’on se retrouve un peu perplexe face à ce que l’on vient de lire. On aurait peut-être aussi aimé ressentir un peu plus l’effet du huit-clos, se retrouver pris dans une lecture plus étouffante et claustrophobe, ce que l’on ressent peu ici. Paradoxalement, malgré tous ses défauts précédemment cités, Southern Cross reste une lecture très plaisante. Le rythme, une fois de plus, est bon et les fins de chapitre devraient donner l’envie de continuer à tourner les pages jusqu’à arriver rapidement à la dernière. Même si certains rebondissements feront probablement rouler des yeux une fois ou deux (notamment les trahisons à la pelle), la quête du personnage principal et le mystère autour de cette histoire donnent de l’intérêt à la lecture, pour un genre de récit que l’on ne voit, malgré tout, pas si souvent que cela.
L’aspect un peu brouillon de l’histoire n’est peut-être pas aidé par les dessins d’Andy Belanger, qui n’apportent pas forcément les éléments de clarification nécessaires dans les scènes importantes. Notamment dans l’espace, où l’on a droit à de jolis cercles et triangles colorés dans tous les sens, ce qui offre de belles planches, mais n’aide en rien à comprendre ce qui se passe. Au-delà de cet aspect, la partie graphique fait la travail et s’avère plutôt appréciable, notamment parce que les dessins sont très propres et lisibles. Belanger nous propose des mises en page intéressantes à plusieurs reprises, dans son découpage sur des doubles pages ou dans le sens de lecture et la mise en scène de l’espace, notamment lorsque les personnages se déplacent dans le vaisseau. Il y a malgré tout quelques découpages de scènes peu dynamiques et des plans parfois un peu maladroits. Les couleurs de Lee Loughridge sont peu travaillées et auraient gagné à être un peu plus affinées mais on appréciera les tons de couleurs qui changent en fonction des scènes et des endroits du vaisseau dans lesquels se situent les personnages.
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