Neil Gaiman est un auteur qu’on ne présente plus. Scénariste, romancier, il a su créer des univers et des ambiances uniques en leur genre. De plus en plus, un autre nom lui est associé, celui de P. Craig Russell. Ce dernier s’amuse à adapter en comics les romans de Gaiman, et Delcourt nous traduit le résultat en français. C’était le cas pour L’Etrange Vie de Nobody Owens, et c’est le cas de ce Premier Meurtre.
Parmi les œuvres qu’a pu imaginer Gaiman, il y a de nombreuses nouvelles qui ont été réunies dans plusieurs recueils. Murder Mysteries, qu’il a écrite en 1992, en fait partie. Seulement, celle-ci a suivi un chemin un peu particulier. En effet, elle a été adaptée deux fois. Une première fois en théâtre radiophonique, et la seconde fois en comics. C’est cette version qui nous intéresse et qui a été traduite par Delcourt en Le Premier Meurtre. Le travail de P. Craig Russell est donc assez différent que celui qu’il a pu faire sur Nobody Owens qui était un roman. Passons à l’histoire en elle-même. Le tout début nous montre un meurtre, sans plus de précision. Puis on passe au personnage principal, un Anglais de voyage à Los Angeles pendant la période de noël. Si à LA il fait toujours beau, ce n’est pas le cas en Angleterre où les aéroports sont bloqués à cause de tempêtes de neige. Notre protagoniste est donc coincé en Californie. Et alors qu’il s’occupe comme il peut, il va être contacté par une ex-copine.
Si on retrouve le trait de Russell, et donc un peu l’ambiance que l’on avait sur Nobody Owens, le récit est ici bien plus adulte. Les planches contiennent beaucoup de texte à la première personne. On lit donc les pensées du personnage qui sont très descriptives. Il est cependant peu fréquent que ce qui est dit dans ce texte soit redondant avec ce que l’on voit. Russell décrit donc les évènements de deux manières : en montrant ce qui peut l’être, et en texte ce qui ne peut pas comme les ressentis, ou les émotions du personnage. C’est plutôt bien fait, et ça permet de garder une certaine proximité avec l’œuvre originale. En revanche, si vous n’aimez ce genre de livre à mi-chemin entre le roman et la BD, je vous conseillerai du coup de passer votre chemin. Revenons à notre histoire. Après une petite gâterie de sa copine, notre lascar se retrouve vers son hôtel. Certains passages sont assez nébuleux, autant pour le personnage que pour nous.
A ce moment, il va rencontrer un vieil homme qui lui pique une clope. En échange, il va lui raconter une histoire. Cet homme est en fait un ange, Raguel, la Vengeance du Seigneur. Lorsque pour la première fois, un ange est retrouvé mort, il est créé dans le but de résoudre ce mystère. Le récit va changer, et nous passons à une histoire à la Agatha Christie. Raguel va interroger tous les proches du mort, puis va tous les réunir pour accuser le coupable. On retrouve des thèmes chers à Gaiman, notamment théologiques et métaphysiques. Ça fourmille d’excellentes petites idées avec un final très bien trouvé. L’histoire a son lot de révélations, et possède beaucoup de sous-entendus. Certains points sont sujets à interprétation, et chacun analysera l’histoire comme il le souhaite. Si le récit de Gaiman mérite qu’on s’y intéresse, l’adaptation de Russell n’est pas aussi bonne que pour Nobody Owens, même si elle est loin d’être mauvaise. Ce n’est probablement pas dû à l’artiste qui nous offre de très bonnes planches, mais à la difficulté de l’adaptation.
L’histoire est courte puisqu’elle fait moins de 70 pages. Pourtant, l’album fait une centaine de pages. Les dizaines de pages restantes sont en fait des bonus. Russell y explique tout le travail d’adaptation qu’il a fait, et les discussions qu’il a pu avoir avec Gaiman. Ça donne une autre perspective au récit et permet de mieux en saisir l’essence. Si vous n’avez pas peur de lire une BD riche en texte, vous trouverez ici une histoire complète très maline, qui brasse des thèmes primordiaux comme l’amour, la mort ou la vengeance, le tout avec un soupçon d’enquête policière et de métaphysique. Si vous aimez l’univers de Gaiman, notamment celui de Sandman, je ne peux que vous conseiller de jeter un œil à cet album.
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