La série évènement de l'été, Preacher, adaptation du comic book de Garth Ennis et Steve Dillon publié chez Vertigo, a débuté la nuit dernière sur la chaine AMC avec la diffusion de son pilote. En voici notre review, sans spoilers.

Preacher de Garth Ennis et Steve Dillon est œuvre absolument unique, parce qu'il existe peu d'OVNIs comme celui-là et parce que l'on aurait jamais pu imaginer que cette série sorte, qu'elle marche, qu'elle continue, qu'elle aille à son terme et qu'elle soit encore tant appréciée aujourd'hui. Preacher est un grand doigt d'honneur à beaucoup de choses, c'est un « allez vous faire ******, on veut juste s'éclater ! » et c'est ce qu'on adore dans ce comic book. Fondamentalement, ce qui fait la force de Preacher, c'est d'abord son trio de personnages, que l'on prendrait plaisir à suivre dans n'importe quelle situation ou contexte, tant qu'ils sont tous les trois. C'est aussi sa façon d'être politiquement incorrecte et irrévérencieuse d'envoyer valser tous les codes et valeurs. C'est aussi son langage volontairement très déplacé ou encore sa manière habile de mêler l'horreur à de l'humour totalement décalé. Entre autres. Seth Rogen, Evan Goldberg (producteurs exécutifs et réalisateurs de ce pilote) et Sam Catlin (showrunner et scénariste de l'épisode) se lancent dans ce sacré défi d'adapter cet OVNI à la télévision.

Si les personnages sont la force du comic book, c'est aussi, en partie, le cas pour ce pilote. Et c'est peu dire que Tulip vole haut la main la vedette à tout le monde. Toute sa scène d'introduction est purement géniale, dans une opposition totale entre les scènes d'action « bad-ass » totalement folles et les moments plus intimes avec les enfants. En quelques minutes, différentes facettes du personnages nous sont dévoilées et Tulip fait une entrée plus que remarquée, qui signe le meilleur moment de ce pilote. Je n'étais pas convaincu par le choix de Ruth Negga pour ce rôle (au-delà de la différence physique avec le comic book) mais elle est épatante. Malgré les changements évidents apportés au personnage, elle est le point fort de la série pour le moment. Notre ami irlandais Cassidy n'est pas encore à la hauteur de son jumeau du matériel d'origine mais on a tout de même un très bon personnage, qui a lui aussi droit à une scène marquante pour son introduction. On sent que l'humour noir et le langage injurieux qu'il apporte sont pour le moment un ton en dessous et que la série n'ose pas encore trop se lâcher avec ce personnage, mais on ne peut que souhaiter que ce soit le cas par la suite. Le seul à être en demi-teinte sur ce premier épisode est le personnage principal, Jesse. Le rythme lent choisi pour ce pilote nous impose un Jesse Custer dépressif et totalement à l'ouest, qui ne fait que se rendre compte qu'il n'est pas doué pour ce qu'il fait et qu'il n'a finalement rien à faire là. C'est un aspect du personnage que l'on voit peu dans le comic book car les évènements s'enclenchent plus vite, et le choix de le développer ici n'est pas forcément gagnant. Toutes les scènes du prêtre avec ses paroissiens semblent plomber l'épisode et n'apportent finalement pas grand chose d'intéressant. La seule scène qui touche et s'avère sincère est celle qu'il partage avec le fameux Eugene « Tête de fion », que l'on est plutôt content de voir introduit aussi rapidement dans la série, de belle manière. Tout le reste semble forcer un peu trop le mélodrame, d'autant plus par opposition aux scènes de Tulip et Cassidy. La scène du bar nous offre le Jesse que l'on veut voir et est sûrement son meilleur moment de l'épisode. La prestation de Dominic Cooper est plutôt honorable mais loin d'être marquante pour le moment, il n'est pas non plus aidé par ces quelques faiblesses de son personnage.

Cette opposition entre les scènes à tendance un peu trop dramatiques et pas forcément justifiées de Jesse et celles beaucoup plus funs et déjantées et Tulip et Cassidy donnent un rythme assez décousu à l'épisode, qui semble chercher le bon ton. Le rythme global est sûrement un peu trop lent pour vraiment faire décoller l'ensemble et mettre les différentes intrigues et personnages au même niveau. Ajouté à cela les quelques scènes liées à l'histoire principale éparpillées aux quatre coins du monde durant l'épisode et on se retrouve avec le sentiment que l'on a du mal à savoir vers quoi se dirige cette série et du mal à l'appréhender, d'autant plus quand on n'a pas lu le comic book. L'exemple de l'intrigue de violence conjugale (pas vraiment de spoiler ici) en est le parfait exemple. On ne s'attend pas à voir ce genre d'intrigues moralisatrices dans Preacher, et si elle est rendue plus intéressante par son twist, sa résolution est assez difficile à cerner et sa légitimité est remise en cause. Alors certes, tout cela nous donne un peu le côté OVNI de la BD, mais ce n'est pas forcément judicieux pour un pilote qui doit convaincre et accrocher le téléspectateur pour la suite.

Si cet équilibre dans le rythme a un peu de mal à fonctionner, il fonctionne par contre très bien ailleurs. La scène d'introduction de la série donne tout de suite le ton, si on baisse la décadence d'un niveau sur certains point, on ne recule pas devant tout et on respecte l'esprit Preacher. Le côté gore et horreur est réussi, notamment du côté de Cassidy, et son alternance avec de l'humour et de la dérision est rafraichissante et offre un joli cocktail explosif, que l'on souhaite savourer encore plus par la suite.

Si la série pêche un peu dans son rythme et a encore du mal à trouve sa voix, elle a par contre une patte artistique toute trouvée. L'ambiance est superbe et on se retrouve dès les premières minutes plongés dans le Texas profond. La photographie est belle et nous fera tout de suite penser à une série comme The Walking Dead, de la même chaine. Les décors réels de nature et de champs et n'en plus finir apportent aussi un vrai plus à l'ambiance et à l'empreinte qu'elle laisse sur la série, ce qui change de beaucoup de séries tournées en studio. La musique est très présente durant ce premier épisode et à chaque fois au poil, appuyant l'atmosphère du Texas avec de la country et du blues. Elle est aussi utilisée de manière décalée durant les scènes d'action, ce qui se fait beaucoup maintenant mais qui est toujours aussi efficace. On est aussi gratifié d'un « Amazing Grace » à la guitare électrique absolument atroce, qui colle parfaitement à l'esprit décalé que la série doit absolument continuer à travailler.