Neil Gaiman est bien connu des amateurs de comics, notamment pour son chef d’œuvre Sandman. Mais l’auteur est loin de se cantonner à ce genre, et est aussi un romancier qui a écrit de très bons livres. Parmi ceux-ci, il y a L'Étrange Vie de Nobody Owens paru chez Albin Michel en France. Et c’est tout à fait logique de voir désormais ce récit adapté en comics. Nous allons nous intéresser au premier tome paru chez Delcourt, début d’une histoire en deux volumes.
Peut-être que Neil Gaiman est un nom qui fait vendre dans le monde de la bande dessinée, car Delcourt n’a pas hésité à communiquer dessus, mais on ne sait pas à quel niveau l’auteur a été impliqué dans cette adaptation, et s’il l’a été. « Adaptation » oui, parce que c’est de cela qu’il s’agit. Comme on peut adapter un livre au cinéma, on peut l’adapter aussi en BD, et le véritable auteur pour le comics L'Étrange Vie de Nobody Owens est en fait P. Craig Russell. Ce dernier n’en est pas à sa première adaptation de Gaiman puisqu’il l’a déjà fait pour Coraline, ou d’autres histoires de Sandman et Conan le Barbare par exemple. Bref, les deux auteurs se connaissent, et ont surement discuté avant la réalisation de l’album.
Après l’assassinat de ses parents, un bébé s’échappe de sa maison, et fuit dans un cimetière. Il y croise des fantômes qui décident de l’adopter, et le cachent du tueur qui le poursuivait. Les Owens sont le couple de fantômes qui vont l’adopter, et lui donner le prénom de Nobody, soit Bod pour les intimes. Silas, un grand homme fin dont on comprend vite qu’il s’agit d’un vampire, deviendra son tuteur. Bod a la latitude du cimetière, c’est-à-dire que même s’il est vivant, il a certains privilèges des morts comme le fait de ne pas ressentir le froid par exemple. Voilà le point de départ de l’histoire, et tout le long de l’album, on suivra la vie de Bod dans le cimetière.
Le travail de Russell semble très respectueux du livre de Gaiman, et même si Gaiman n’est pas réellement présent aux commandes de cette adaptation, on retrouve tout de même sa qualité d’écriture. Je n’ai pas lu le livre, mais on le devine très proche. A aucun moment on a l’impression d’une qualité moindre à ce qu’aurait fait Gaiman s’il avait adapté lui-même son livre. La mise en avant de l’auteur par Delcourt n’est donc pas totalement injustifiée. La bonne idée du comics est de faire appel à plusieurs dessinateurs pouvant porter cette histoire. L’album est divisé en tout en cinq chapitres, et un dessinateur différent va s’occuper de chacun des chapitres (hormis un où ils sont deux). Cette multitude de dessinateurs n’empêche pas la BD d’avoir une cohérence graphique : les styles restent relativement proches, et l’unique coloriste, Lovern Kindzierski, aide beaucoup à garder une continuité dans les dessins.
Tous les dessinateurs sont américains. On y trouve bien sûr Russell lui-même qui s’occupe du deuxième chapitre. Il y a aussi Kevin Nowlan (Adventures of Superman , The Defenders), Tony Harris (Ex Machina, Starman), Scott Hampton (Simon Dark, Doc Savage), Galen Showman (Elric, Deadworld), Jill Thompson (Wonder Woman, Sandman) et Stephen B. Scott pour l’épilogue. Chacun donne vie à une étape de la croissance de Bod, qui grandit entre les chapitres, et chaque chapitre nous montre une aventure. On y voit la première amie vivante de Bod, l’éducation qu’il reçoit avec la rencontre de créatures étranges, sa première sortie du cimetière pour son amie la sorcière morte et la macabrée dont on ne doit pas parler. Cinq chapitres contenant cinq histoires courtes, ayant pour thème l’enfance.
Bien sûr, on retrouve le style magique de Gaiman, avec une histoire très référencée notamment sur les mythologies, les croyances et les religions. Le récit est parfois très malin, avec cette habitude de ne pas citer l’évidence, et de nous laisser une place à l’imagination. L’adaptation est très littéraire, on y trouve beaucoup de texte hors des bulles de dialogues. Mais les dessins ne sont pas délaissés, et ces textes sont utiles pour exacerber la poésie de Gaiman. Et bien heureusement, la traduction est excellente. Bref, c’est un régal à lire, et permet au lecteur de choisir son support de lecture. Il y a aussi dans ces histoires, un fil rouge dont on ne sait rien ou presque, mais qui donne énormément envie de lire la suite et fin !
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