Le personnage de
Green Arrow n’est pas le plus connu des super-héros issus de l’univers
DC. Bien qu’il ait été créé en 1941 par
Mort Weisinger et
George Papp, il faudra attendre 1983 pour qu’une première série lui soit consacrée exclusivement. Il faut dire qu’à première vue, le personnage pouvait sembler ne pas vraiment coller au reste de l’univers
DC. Sorte de
Robin des Bois moderne, sa seule arme est un malheureux arc. Difficile de battre
Darkseid avec ça. Les scénaristes le savent bien, et trouvent des moyens de contourner le problème. Le héros développe des gadgets pour ne pas tirer que des banales flèches (flèche-bombe, flèche-filet…) et fait équipe avec la
JLA ou
Green Lantern. L’autre souci avec le héros, c’est qu’il ressemble à
Batman : son alter ego,
Oliver Queen , est un riche businessman et propriétaire de
Queen Industries. Cependant, les scénaristes ont travaillé pour éviter les ressemblances. L’étape la plus importante du personnage est peut-être lorsque, dans les années 60,
Dennis O’Neil lui fait perdre sa fortune.
Green Arrow devient un justicier qui va se battre pour la classe ouvrière et les défavorisés. Le héros prend alors le visage social de l’univers
DC, et rencontre son public. Fort de ce succès, il va vivre de nombreuses aventures, notamment sa mort, sa résurrection et son mariage avec
Black Canary. Mais tout ça, c’était avant. Avant l’évènement
New 52 qui a complétement modifié le personnage. Et c’est cette période que nous découvrons dans ce premier tome de
Green Arrow .
Verte Flèche
En France, les aventures traduites de
Green Arrow sont très peu nombreuses. C’est normal, puisque
DC a toujours eu des difficultés à s’installer en France, hormis pour
Batman. Mais cela commence à changer notamment grâce au succès de la série TV
Arrow. En effet, celle-ci va bientôt commencer sa troisième saison aux Etats-Unis, la diffusion continue en France sur
Canal+ Family et elle ne devrait plus tarder à arriver sur
TF1. Donc malgré une diffusion au final assez confidentielle en France, elle s’est forgé une bonne réputation.
Urban Comics décide d’en profiter pour proposer la publication des dernières aventures de
Green Arrow . D’ailleurs, l’éditeur ne s’en cache pas, et mentionne la série TV sur la quatrième de couverture. Ce tome 1 contient la série issue de l’évènement
New 52 proposant un nouveau départ à l’univers
DC. Cependant, au lieu de commencer au premier numéro américain, l’album débute à partir du numéro 17. Si ce choix est fait, c’est tout simplement, parce qu’en dépit de la succession de scénaristes, les 16 premiers numéros de la série n’ont convaincu ni les critiques ni les fans du personnage. Ce numéro 17 marque l’arrivée d’un nouveau scénariste et d’un nouveau dessinateur. L’histoire proposée repart pratiquement de zéro : la première planche de l’album nous montre un
Oliver Queen qui a tout perdu, sur le point de mourir dans un désert. Nous avons ensuite des flashbacks qui vont nous expliquer comment il en est arrivé là.
Dans la ligne Lemire
Le nouveau scénariste qui arrive sur la série est un auteur qui n’est entré dans le monde des comics qu’en 2008, et qui a pourtant déjà une très bonne réputation : il s’agit de
Jeff Lemire. A l’arrivée des
New 52, il bossait sur l’excellente série
Animal Man. Par cette vision d’
Oliver Queen dans le désert,
Lemire se place du coup dans ce qu’a pu faire
Dennis O’Neil sur le personnage. Mais il va beaucoup plus loin en rajoutant une mythologie au personnage. Dès le premier épisode, il détruit tout ce qui a pu être fait depuis le début de la série. C’est pour cette raison que ce n’est pas dérangeant de commencer au numéro 17. Il y a bien deux/trois références qu’on ne saisit pas forcément, mais ce n’est pas gênant. D’ailleurs,
Urban ne prend même pas le soin de faire un résumé des épisodes précédents. Au début de l’histoire,
Oliver découvre qu’
Emerson, ami de son père et PDG de
Queen Industries, lui cache des choses sur son père. Il se fait tuer et
Oliver est accusé. L’attaque vient de
Komodo qui en veut personnellement à
Oliver. A partir de ce moment, le héros devient un fugitif et a perdu toute sa fortune et certains alliés. On pourrait croire que je vous en raconte beaucoup, mais ce n’est qu’une vingtaine de pages. L’histoire commence très vite, et est pourtant très mystérieuse. L’action s’enchaine, et les révélations fusent.
Green, super Green !
Je ne vais pas vous raconter l’histoire dans les détails, car le plaisir de la découverte est tellement bon, que je préfère vous laisser la surprise. Mais le travail de
Lemire sur le personnage est extrêmement intéressant, et sert merveilleusement les
New 52. Je m’explique : quand
DC a relancé son univers, c’est notamment pour que les auteurs osent, et ne soient pas bloqués par des dizaines d’années d’histoires. On a l’impression que le retour de
Green Arrow avait été plus artificiel, puisque le personnage avait un nouveau look et était rajeuni. C’est d’ailleurs assez choquant de le comparer avec ce qu’il était avant les
New 52. Bref, on ne va pas discuter des choix douteux qui ne sont pas à imputer à
Lemire. Mais à part ce
relooking,
Green Arrow était finalement qu’un archer riche qui avait vécu une aventure de 3 ans sur une île (donc des origines plutôt « classiques »). C’est un peu l’inverse de
Batman par exemple, qui est toujours assez proche physiquement, mais dont l’histoire et l’origine ont été chamboulé par
Scott Snyder, que ce soit pendant la
Cour des Hiboux ou après. Mais
Lemire a un antécédent puisque sur
Animal Man, il a totalement modifié les origines du héros, et avec
Snyder, il les a liées à celles de
Swamp Thing. Les deux auteurs ont créé un truc exceptionnel et nouveau à partir de choses existantes, et c’est à ça que devrait servir les
New 52. Et c’est ce que
Lemire a fait sur
Green Arrow . Il attache au personnage toute une mythologie qui le dépasse largement, tout en chamboulant gentiment ses origines.
Vertige de l’amour
Pourtant, si la mythologie créée est vraiment sympa, ça n’empêche pas l’histoire d’être passionnante. L’action, les mystères et les révélations s’enchainent à toute vitesse. Nous avons le retour de personnages connus comme
Shado ou le
Comte Vertigo qui réapparaissent pour la première fois dans les
New 52. D’ailleurs il y a un épisode issu de
Forever Evil racontant les origines de
Vertigo : très sympa car fait par les mêmes auteurs.
Oliver part dans une quête qui va totalement le changer, et on est impatient de savoir comment tout cela va se terminer. Mais toutes ces histoires seraient moins intéressantes sans un dessinateur de qualité. Et heureusement, malgré une expérience limitée (il a surtout bossé sur
I, Vampire),
Andrea Sorrentino s’en sort merveilleusement bien. Ses planches rappellent
Jae Lee, ou
Szymon Kudranski. Il joue beaucoup avec les ombres, et c’est un style assez réaliste. Il a une technique pour mettre certains éléments de son dessin en avant très inventive. Mais parfois, il se lâche, et ses planches explosent. Pour citer quelques exemples, les
flashbacks de
Shado sont de magnifiques noirs et blancs, comme des taches d’encre de Chine sur papier jauni. Il s’en donne aussi à cœur joie sur les effets du
Comte Vertigo. Bref, c’est splendide.
L’arrowseur arrowsé
Le seul petit reproche que je pourrais faire sur l’album, c’est cette manie qu’a
Lemire de lorgner sur la série TV
Arrow. Le retour de
Shado et de
Vertigo n’est pas innocent, et la dernière planche est assez explicite. Nous ne sommes plus dans un comics
Green Arrow , nous ne sommes pas non plus dans l’adaptation de la série TV, nous sommes à un croisement entre les deux. Pour l’instant, ça marche très bien : les deux publics peuvent être passionnés par cette histoire. Mais il faut faire attention de ne pas aller trop loin, même si pour certains, le look de
Green Arrow est déjà allé trop loin de toute façon. De plus, la série est très bonne, donc il n’y a pas de mal à s’en inspirer. Et puis, si vous aimez
Arrow et que vous souhaitez découvrir son homologue papier : n’hésitez absolument pas ! L’histoire est palpitante et vous ne serez du coup pas totalement dépaysé. Attention cependant, malgré quelques appels du pied, l’histoire n’a au final pas grand-chose à voir avec la série TV. L’album se termine d’ailleurs en suspens, et on a hâte d’avoir la suite, qui arrivera de toute façon le 31 octobre (
Urban aura alors rattrapé les Etats-Unis). En bonus, l’album propose les couvertures et quatre pages du carnet de croquis de
Sorrentino. C’est intéressant de voir les recherches de l’auteur.
En Résumé
LES POINT FORTS
- La mythologie créée
- Les mystères
- Certaines planches magnifiques LES POINT FAIBLES
- La volonté d’introduire des éléments de la série TV
- Le côté social absent
Conclusion
Depuis l’arrivée des New 52, Green Arrow a totalement perdu son côté social et héros de rue. Jeff Lemire pourrait être le scénariste qui le fera revenir. En effet, Green Arrow perd beaucoup de choses dans cette aventure, mais il gagne en expérience et se retrouve métamorphosé. Même si on sent une volonté d’attirer les fans de la série TV Arrow , l’histoire est palpitante et crée une mythologie inédite autour du héros. Tout ça est merveilleusement mis en image par Andrea Sorrentino. C’est un album qui mérite sa place dans votre bibliothèque.
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