Il est très probable qu'à l'époque où vous débutiez les comics (sauf si c'est actuellement le cas), vos recherches vous ont mené à une série facilement placée au niveau d'un
Watchmen ou d'un
Action Comics #1. Et cette série, c'est
Green Lantern & Green Arrow du duo
Dennis O'Neil et
Neal Adams. Longtemps réclamé par les lecteurs français à l'éditeur Panini Comics, puis à Urban Comics, ce dernier a exaucé leur souhait en juin dernier.
En 1970, la série
Green Lantern va mal: les aventures de ce héros intergalactique ne passionnent plus et l'annulation du titre est envisagé. DC Comics donne alors carte blanche au scénariste Dennis O'Neil et au dessinateur Neal Adams pour relancer la série. Pour ce faire, le duo, très préoccupé par l'état de leur nation, va s'inspirer de la méthode de Marvel: profiter de ce divertissement pour confronter les lecteurs aux problèmes de la société américaine. Dès lors, adieux l'espace et les aliens, Green Lantern sera confronté à de réels ennemis comme le racisme, la pollution et la drogue, quitte à agacer la
Comics Code Authority. Dans ce combat social, Green Lantern fera équipe avec
Green Arrow , un super-héros secondaire qui doit beaucoup aux artistes: Adams lui avait ajouté sa célèbre barbichette et O'Neil lui avait fait perdre sa richesse au profit d'un caractère bien trempé quelques mois plus tôt dans les pages de
Justice League. Et c'est justement pour son récent statut (et sa couleur fétiche) que
Green Arrow trouve sa place dans cette histoire...
Dès le premier chapitre (qui est une merveille), tous les éléments de la série sont là. Green Lantern, de passage sur Terre, joue au shérif en empêchant l'agression d'un homme d'affaires imposant. Mais alors qu'il se rend au poste de police le plus proche, les résidents du quartier le huent. Green
Arrow apparaît alors mais soutient les citoyens et démontre à Hal Jordan qu'il est dans le faux: le "délinquant" dont il se vantait d'avoir arrêter tentait d'empêcher le riche et malveillant entrepreneur d'expulser ses locataires les plus pauvres. Green Lantern ouvre les yeux sur un monde qu'il avait snobé jusqu'à présent, mais défend son acte en rappelant qu'il ne faisait que son job. Profitant de sa présence, un vieil homme de couleur noire l'interpelle et prononce ses paroles qui changèrent tout:
J'ai lu que vous travailliez pour des hommes à peau bleue... Et que sur une planète lointaine, vous avez aidé des hommes orange et ausi des hommes pourpres. Mais vous ne vous êtes jamais soucié des hommes noirs ! Pourquoi ? J'aimerais savoir ! Répondez-moi, m'sieur Green Lantern !
Hal Jordan, qui a voyagé aux frontières de l'univers et combattu des empires aliens, n'a pas de réponse. Dès lors, il remet en question son combat contre l'injustice et les lois qu'il respecte tant. Aidé par
Green Arrow , il punit l'homme d'affaire puis se rebelle contre l'autorité des
Gardiens . Avec leur permission, Hal Jordan prend un congé et va suivre
Oliver Queen dans un road-trip pour découvrir l'Amérique de son époque.
Comme nous l'indique O'Neil en introduction,
Green Lantern co-starring Green Arrow "n'aura pas de
Happy end". Si de nombreuses scènes et répliques font très
Silver Age , la maturité des scénarii en fait alors un Silver Age usé. Chaque épisode dénonce un fléau de la société américaine, de la corruption au racisme en passant par les addictions et le sexisme, et ce de façon plus ou moins réaliste, mais toujours juste... et cruelle. Car pour sensibiliser ses lecteurs, O'Neil n'hésite pas à choquer: les morts ne sont plus cachées, elles ont un réel impact sur nos héros et les malheureux sont souvent des innocents. De même, il n'y a plus de "gentils" et de "vilains": O'Neil joue souvent avec les apparences et le méchant n'est pas toujours celui qu'on croit. Nos héros doutent, perdent, pleurent, maudissent la loi et leur impuissance. Eux qui étaient des dieux constatent que leurs pouvoirs sont finalement peu utiles et redeviennent humains. Sans le savoir, O'Neil et Adams sont en train de poser les bases de la Bronze Age: des héros plus borderlines, plus concernés par leur société, des héros qui débattent et cherchent des réponses.
Je n'ai pas encore parlé du duo Grenn Lantern-Green
Arrow . Les réunir est une très bonne idée tant les personnages sont proches et différents à la fois. Hal Jordan est un héros pur, qui a foi en son système et ses lois, Green
Arrow est un héros du peuple, une grande gueule qui connait le vrai monde. Tout le long du récit, ils vont se disputer, s'aimer comme des frères, partager des moments forts. On a beaucoup d'empathie pour ce duo qui souhaite réellement changer les choses et leur évolution est intéressante. D'ailleurs,
je dis duo, mais ce serait plutôt trio. Car Hal et
Oliver sont accompagné par un Gardien, venu en apprendre plus sur la Terre, puis par
Black Canary. Les deux personnages ne font pas de figuration et participent activement à l'histoire et aux débats, ils ont même leurs propres arcs narratifs. Et à vrai dire, ce ne sont pas les seuls: O'Neil a su utiliser habilement la richesse des deux univers tout en les développant. Bien sûr, vous pensez de suite à l'addiction de
Speedy , mais il n'est pas le seul: un Gardien exprime ses émotions pour la première fois, Carol Ferris découvre le secret de Hal, Oliver
Queen envisage d'être maire... et
John Stewart fait sa première apparition ! Sans oublier des invités de marque, comme
Guy Gardner , Sinestro ou
Black Hand , on a donc un casting en or et des épisodes historiques de DC.
"Et les dessins sont jolis ?" Bon dieu, c'est Neal Adams, ce serait presque un crime que de mettre en doute son talent ! L'artiste est parfait du début à la fin, son trait a très bien vieilli, bref: c'est excellent, époustouflant, magistral. Le seul défaut que l'on pourrait trouver serait la colorisation, un peu vive.
En Résumé
LES POINT FORTS
- Old-School
- Moralisateur mais pas barbant
- Neal Adams, ce génie !
LES POINT FAIBLES
- Des couleurs un peu criardes
- Old School ?
Conclusion
Le run d'O'Neil et Adams ne sera pas bien long mais de qualité: après deux ans de travail et pas mal d'embuches, ils sont remerciés. Si les ventes des singles ont fait un flop, le temps a fait son oeuvre et les rééditions ont permis au public d'apprécier ce road-trip intelligent et faire changer les mentalités. Désormais à votre disposition, je ne peux que vous encourager à lire Green Lantern -Green Arrow , qui mérite amplement son titre de chef d'oeuvre, et ce même si vous n'êtes pas friand de "vieux comics".
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