Auteurs : Mark Millar, Duncan Fegredo

Roscoe et ses amis ont grandi à Détroit avec un avenir misérable pour seul futur. Leurs destins prennent une tournure différente quand ils tombent sur une drogue, le MPH, qui leur donne une super-vitesse. Roscoe entraîne alors Rosa, Chevy et Baseball sur une série de crimes ultra-rapides à travers la nation. Mais les pilules de MPH viennent à manquer et les fédéraux sont à leur trousse. (Contient les épisodes US MPH 1-5, inédit)

  • BartAllen
    BartAllen Staff MDCU

    il y a 8 ans

    Une bonne histoire de Millar sur des personnes pouvant accéder au pouvoirs de vitesse. La série est bien mise en place, les personnages bien caractérisés, mais on sent arriver le twist final rapidement et c'est dommage. Les dessins de Fegredo sont bons et dynamiques, ce qui colle au style de l'histoire.

  • Zarkoneil
    Zarkoneil

    il y a 5 ans

    C'est agrable à lire, c'est joli et l'histoire sympa

Que feriez-vous si vous vous retrouviez avec des cachets de drogue qui vous donnent, pendant quelques heures, d'incroyables super-pouvoirs ? Ce serait une excellente question si elle était nouvelle. Or, ce qui est l'idée de départ de la série MPH de Mark Millar n'est qu'un recyclage pas franchement discret du MGH (Mutant Growth Hormone), drogue assez répandue dans le Marvel Universe.
Fidèle à son habitude, l'auteur écossais pioche (ou pille) les bonnes idées, puis les détourne en apportant un changement de paradigme. Le tout avec plus ou moins de bonheur. Alors, à quoi faut-il s'attendre cette fois-ci ? A un nouveau chef-d'oeuvre ou à un autre raté embarassant ?

La première (bonne) surprise de cette mini-série est que Millar semble n'affiche pas pour seul objectif de divertir un public bas-du-front en quête d'action et de provocation. N'allez pas croire que ces deux derniers ingrédients manquent à MPH, mais on y trouve autre chose.
L'histoire semble n'être qu'un prétexte pour laisser à l'auteur irlandais le moyen de dénoncer certaines injustices. Si Millar est connu pour ses récits politisés (The Ultimates, Civil War), cela faisait longtemps qu'il n'avait pas abordé des questions sociétales aussi frontalement...
Et le moins qu'on puisse dire est qu'il n'y va pas avec le dos de la cuillère. Jugez plutôt : le protagoniste, Roscoe, habite dans la jungle de Détroit, que la désindustrialisation a plongé dans la misère et que l'Amérique a abandonné. Ici, les jeunes n'ont guère d'autre option que de rejoindre un gang, se droguer ou pire encore.
Pour survivre, Roscoe livre de la drogue. Mais suivant des préceptes de pensée positive, il économise presque tout ce qu'il gagne pour se construire une vie meilleure et légale. Arrêté et incarcéré, il va tester une nouvelle drogue qui lui permet de se déplacer bien vite que ce que les lois naturelles n'autorisent. Et si c'était l'opportunité qu'il attendait tant pour atteindre ses rêves ? Pour punir les banques d'avoir abandonné le peuple ? Pour redistribuer les richesses ? Bref, pour combattre les injustices. 

Beau programme, n'est-ce pas ? Mais voilà, alors qu'il nous fait miroiter un brûlot anticapitalistique et une réflexion sur le déterminisme social, Millar abandonne très vite ses ambitions. Par son manichéisme, il sape toute chance de susciter le moindre questionnement chez le lecteur. Mais le pire est son impardonnable paresse qui lui fait passer sous silence les conséquences des actes de Roscoe.
En effet,  le "gentil" dealer est assez propre sur lui pour ne pas vouloir toucher à la drogue et regretter les effets des substances illicites de sur le frère de sa copine. Mais, étrangement, il semble oublier qu'il contribue lui-même à créer l'enfer contre lequel il prétend lutter. Il n'est responsable de rien et même ses braquages sont montrés sous un angle moral. Quel immense gâchis. Tous les dilemmes moraux qu'on aurait pu tirer de cette situation ambigüe sont passés à la trappe au profit d'une version gangsta de Robin des bois. Bref, une fois encore, la réflexion de Millar fait pschit.

Pour autant, faut-il conspuer cette mini-série au prétexte qu'elle n'est pas un manifeste politique engagé ? Et si c'était simplement un bon diverstissement ? Regardons cela...

Le récit démarre sur les chapeaux de roue sur une scène d'action intriguante. L'ouverture réussit à capter l'intérêt et Millar enchaîne sur une présentation rapide mais efficace des protagonistes et des enjeux. La caractérisation de Roscoe manque clairement de subtilité mais sa bonne volonté, sa naïveté et les épreuves qu'il doit affronter provoquement mécaniquement une empathie envers le malheureux dealer. Les événements s'enchaînent et maintiennent le lecteur en haleine, jusqu'à la dernière page du premier épisode qui s'achève comme il se doit sur un cliffhanger nimbé de mystère.
Oui, Millar connaît son métier et prouve sa maîtrise de la narration. De la gestion du rythme au déroulement de l'intrigue, il ne fait aucun faux pas et on se régale de voir à quelle point sa mécanique est huilée. Car il s'agit bien d'une mécanique. Une mécanique hollywoodienne, même.
Tout ici est construit sur le modèle d'un film américain. C'est redoutablement efficace, mais, magré des rebondissements très bien anticipés, cela manque de réelles surprises. Et cela manque cruellement d'âme, une âme qui aurait pu venir d'une véritable réflexion sur les thèmes sociaux qui sous-tendent le récit, ou encore de profils psychologiques plus fouillés.

Au final, même si la série foisonne de bonnes trouvailles, on a régulièrement l'impression d'être pris pour des imbéciles. En effet, Millar sombre dans ses travers habituels, faisant fi de tout réalisme (les pillules de MPH et leurs effets aussi variés qu'improbables) et multipliant les effets raccoleurs pour emporter l'adhésion du public.
C'est dommage, car tout n'est pas à jeter dans MPH et, en mettant son cerveau sur pause, on peut passer un bon moment. On regrettera surtout que l'auteur ait renoncé à doter sa série de profondeur pour se contenter de produire un scénario de divertissement prêt-à-filmer.

Alors que Millar déçoit, son compère Duncan Fregedo semble lui décidé à respecter son public. Contrairement à la plupart des dessinateurs recrutés par Millar, Fregedo n'est pas une star. Si on ne lisait pas Vertigo dans les années 90 et si l'on n'a pas suivi Hellboy, il y a peu de chances qu'on le connaisse.
Malgré sa faible exposition médiatique, il s'est progressivement imposé depuis trois décennies comme un artiste aussi fiable que doué. La meilleure preuve de son talent est d'avoir su succéder avec brio au géant Mike Mignola sur Hellboy. Mais, justement, à force de le voir adapter son style à l'univers du démon cornu, on en finissait par oublier qu'il possédait un style qui lui est propre. Et c'est ce style, débarassé de toute influence de Mignola, qu'il utilise pour cette mini-série.
A la fois sobre et efficace, il privilégie toujours la narration aux effets tape-à-l'oeil. Les personnages sont expressifs, les décors suffisamment fouillés et la mise en page très lisible. Mais dans un comic-book tel que celui-là, on attend avant tout de voir quelle méthode il adopte pour représenter la vitesse. 

Dans un premier temps, pour les scènes où les personnages se déplacent rapidement, il choisit un découpage horizontal qui donne un réel sentiment d'accélération. Puis il passe à une répartition des cases plus classique pour ne pas lasser. Il a le bon goût de peu recourir au floutage des bords de cases et de ne pas abuser des traits de mouvements. Mais la technique qu'il utilise avec le plus de réussite est le contraste entre les éléments immobiles, figés dans le temps, et les personnages dynamiques. Le rendu n'est pas révolutionnaire mais est suffisamment efficace pour rendre les effets escomptés.
Si Fregedo s'en sort avec les honneurs et livre une prestation réussie, on reste quand même sur sa faim. La comparaison de son travail sur MPH avec ses planches sombres et torturées sur Hellboy tourne à l'avantage du second, le dessinateur semblant trouver plus d'inspiration dans les scripts de Mignola que de ceux de Millar. On ne s'en étonnera pas et on lui pardonnera.

En Résumé

 

LES POINTS FORTS

Une narration efficace
Des rebondissements astucieux
Un contexte social intéressant

LES POINTS FAIBLES

Le manque de profondeur
Le formatage hollywoodien
La caractérisation simpliste

 

3

Millar est allé trop vite

Conclusion

MPH est une histoire sur une drogue mais ne parle finalement pas de drogue. Cela parle en revanche de la pauvreté, du sentiment de se sentir abandonné  et de l'espoir d'une vie meilleure. On pourrait croire à une oeuvre assez différente du reste des productions Millarwolrd, avec un parti pris social assez audacieux. Hélas, Millar l'homme qui ose généralement tout n'assume pas ici l'idée de traiter le fond d'un sujet. Il se contente de s'en servir comme prétexte à un scénario parfaitement calibré pour séduire les amateurs de films d'action hollywoodiens. Dommage.