L'avenir professionnel de Steve n'a jamais paru aussi prometteur. On vient tout juste de lui proposer d'imaginer les nouvelles aventures du plus célèbre de tous les héros : Superman. Côté personnel, il s'apprête cependant à connaître les moments les plus douloureux de son existence : son père a disparu sans laisser de message, laissant sa mère en plein désarroi. Au même moment, il apprend qu'une maladie génétique menace sa vie mais également celle de ses futurs enfants. Dans son imaginaire, Steve dispose de pouvoirs incommensurables, capables de faire bouger les planètes, mais dans la vraie, Superman n'est qu'une créature de papier, impuissante... Vraiment ? Un symbole est-il capable de sauver la vie d'un être humain bien réel ?

Pas d'avis pour le moment.

Depuis sa création en 1938 par Joe Shuster et Jerry Siegel dans les pages d’Action Comics #1, Superman s'est fait légende. Icône culturelle au symbole désormais mondialement connu, l’Homme-d’Acier est, au fil des âges, devenu bien plus qu’un super-héros. C’est la représentation d’un idéal, invincible, infaillible. Cependant (et heureusement), le personnage est désormais plus nuancé, loin de cette perfection d’antan qui agaçait (moi le premier) et qui ne permettait pas toujours au lectorat de se retrouver en un tel personnage, (raison pour laquelle j’ai beaucoup aimé le Superman de Snyder dans Man of Steel, qui a détruit pas mal des a priori que j'avais pour le personnage). Et je suis persuadé que le personnage principal du comics d’aujourd’hui, aurait également aimé la vision de Snyder sur notre personnage. 

 

 

Ce type, c’est Steve. Un scénariste de BD à qui l’on propose de travailler sur le Kryptonien le plus célèbre de l’industrie du comics. Problème, Steve n’a aucune affinité avec ce personnage, et on le comprend. En brisant à maintes reprises le Quatrième Mur, Steve nous partage son avis, son point de vue sur le fameux Kal-El, sur le monde, sur son monde à lui, et sur la vie en général. Des remarques qu’il partage avec du dialogue évidemment, mais également avec des historiettes, dans lesquelles le Monsieur, au travers de grandes tirades ou de courts exemples, développe de nombreux aspects qui donnent une tout autre vision de l’Homme-d’Acier. En le comparant aux grands fascistes de notre Histoire ou en élaborant un constat sur la discrimination, Steve propose un tout autre regard et se questionne sur la véritable identité de ce personnage, devenu bien plus qu’un simple héros au fil des décennies. En critiquant son invincibilité, la façon dont il défend fièrement le drapeau américain ou analysant les couleurs de son costume, Steve (ou devrais-je plutôt dire Steven T. Seagle, le véritable auteur !) n’est pas tendre avec Superman, mais se révèle assez attachant et il devient très facile, pour nous lecteur, de s’identifier à un tel personnage. De plus, il pousse le lecteur à se poser des questions et à essayer de voir plus loin qu’il ne le fait, et ce sur fond d’histoire familiale dramatique, qui permet également à l’auteur de s’exprimer sur des sujets qui sont parfois difficiles à aborder. Mieux que ça, il le fait au travers un comics qui, en plus d’être original (et ce sur tous les plans), est superbement bien écrit. Poétique et ingénieux, c’est là une véritable perle que l’on tient entre ses mains. Chaque réflexion du personnage est bien amenée et prend sens. Seagle joue avec les mots, et, il faut le dire, il s’en sort très bien ! 

S’il consacre une bonne partie de son œuvre à multiplier les anecdotes et autres comparaisons (qui sont également l’occasion pour l’auteur d’apporter un ton un poil sarcastique, que demander de plus ?) Seagle n’en n’oublie pas pour autant l’histoire principale. Une histoire peut-être moins extraordinaire, mais qui, outre ce petit inconvénient reste tout de même d’une qualité impeccable. Je ne pense pas avoir à le préciser, mais si vous recherchez de l’action, tournez-vous vers un autre rayon, là n’est clairement pas l’objectif. Comme je le disais, ce comics est l’occasion, tant pour Seagle que pour Teddy Kristiansen, d’aborder des sujets compliqués, et ce de façon plus approfondie qu’à l’accoutumée. La maladie, l’angoisse, en passant par la solitude et le pouvoir… tant de thèmes qu’une majorité des auteurs ne font parfois qu’effleurer dans leurs écrits. Ce comics nous place dans un monde réaliste, et nous permet de prendre du recul sur ce que nous pouvons lire, en nous invitant à la réflexion. L’histoire est assez banale, mais ça ne fonctionne pas moins bien pour autant.

 

 

Au niveau des dessins, on reste dans le même esprit que pour le reste de l’ouvrage. Kristiansan fait un super boulot (une nouvelle fois, très loin de ce à quoi on pourrait s’attendre en ouvrant un comics) et renforce l’aspect poétique de l’histoire de Seagle, en faisant jouer notre imagination, avec des cases peu remplies et des personnages souvent minimalistes. En plus de jouer sur les couleurs, en opposant l’aspect très pur de certaines cases au scepticisme de Steve et à ses flashbacks, qui donnent au récit une ambiance particulière qui ne se refuse pas. Seul bémol, on aurait aimé retrouver la même audace au niveau du découpage des cases, qui reste cependant cohérent avec la volonté du duo.

 

 

En Résumé

 

LES POINTS FORTS

-Les thèmes abordés
-La poésie de la narration
-Une vision de l'Homme d'Acier inattendue
-Une histoire de qualité

LES POINTS FAIBLES

-Ben...

 

4.5

Beau, original et bien pensé

Conclusion

Avec ce comics, Steven T Seagle et Teddy Kristiansan s’adonnent à une réécriture aussi cynique que poétique du personnage qu’est Superman, et de sa renommée interplanétaire. Avec un récit touchant et poétique, l’auteur ne joue pas la carte de la facilité, mais parvient à aborder des sujets compliqués au travers un récit de qualité et de superbes illustrations. Un ouvrage original à acheter au plus vite, pour tous ceux qui voudraient découvrir Superman sous un angle différent.